La personne de Jésus dans quelques 35 films : ce fut le thème d’une conférence du Pr. Peio Sánchez au forum « Jeunes, religiosité, et Évangile », organisé par l’Institut Supérieur de Sciences Religieuses Don Bosco, à Barcelone.
Il est sérieusement avéré que les jeunes voient à peu près en moyenne deux films par jour (aussi bien à la télévision qu’au cinéma, sur une vidéo ou en DVD) et l’image qu’ils ont de la réalité est profondément marquée par cette expérience. Elle les conditionne beaucoup plus que l’influence exercée sur eux par la lecture. C’est pourquoi, nous sommes préoccupés, en tant qu’éducateurs, par la présence du religieux et du spirituel dans le cinéma. Et notamment parmi ces thèmes, celui de l’image qu’ils peuvent recevoir de Jésus à travers ce grand moyen de communication.
Les films sur Jésus ont été les exemples classiques du cinéma religieux chrétien, mais ils ne sont pas, loin de là, l’unique forme de référence à Jésus dans l’histoire du cinéma ni, bien entendu, de la présence du spirituel dans le cinéma.
Influence du cinéma dans la formation religieuse
Le conférencier, professeur à l’ISCR Don Bosco et licencié en Théologie et en Pédagogie, et qui est engagé dans la pastorale des jeunes, a souligné que les représentations de Jésus dans le cinéma ont eu une forte influence dans la formation populaire de l’image de Jésus. Très souvent, cette image reste éloignée du texte du Nouveau Testament et de l’histoire de Jésus de Nazareth. Les films à grand spectacle comme le Roi des rois (1961) de Nicholas Ray et La plus grande histoire jamais racontée (1965) de Georges Steven ont sérieusement déformé l’image de Jésus. Et à l’extrême opposé, La dernière tentation du Christ (1988) de Scorsese présente un Jésus intérieurement complexe, et, ce qui commence par être une bonne intention dans l’exploration de sa conscience humaine, s’achève dans un personnage torturé par Dieu. Un essai manqué. Jésus Superstar (1974) de Jewison n’est pas non plus une réussite. La fin est si symbolique qu’elle est imperceptible.
Le film Jésus de Nazareth (1977) de Zeffirelli, qui a connu succès et diffusion, améliore substantiellement l’approche de l’Évangile, mais il n’arrive pas non plus à convaincre. Beaucoup d’éléments essentiels comme les tentations, la transfiguration et la souffrance dans la passion n’apparaissent pas. C’est un film didactique et pour tous publics, mais l’aspect dramatique est occulté ; l’ensemble est trop superficiel, trop simple et manque de force spirituelle.
Deux options plus réussies
Deux options ont démontré qu’elles sont mieux réussies. Il s’agit des films qui avec des moyens simples ont cherché à être fidèles à l’histoire et à s’ajuster aux textes mêmes des évangiles (L’Évangile selon saint Matthieu (1964) de Pier Pasolini). Et ceux qui, n’ayant pas prétendu reconstruire la vie de Jésus ont cependant montré sa présence dans d’autres personnages (Le simple Godspel (1973) de Green et le plus complexe Jésus de Montréal de Denys Arcand. Il faut reconnaître dans le premier la valeur de sa fidélité à l’Évangile et dans le second sa capacité symbolique, la transposition dans l’époque actuelle.
Espérons que La Passion du Christ (2004)de Mel Gibson constituera un apport positif. « Je ne crois pas que d’autres films aient réussi à pénétrer la véritable force de cette histoire. Ou ils sont inexacts dans la narration de l’histoire, ou leur musique est mauvaise ou ils sont de mauvais goût. Ce film montrera la passion de Jésus-Christ telle qu’elle s’est passée. C’est comme si on revenait dans le temps pour contempler ces faits tels qu’ils se sont déroulés Je veux montrer l’essence du sacrifice » (Zenit, 6 mars 2003).
Les « métaphores » de Jésus
C’est très intéressant d’explorer la ligne des métaphores de Jésus. Nous avons passé en revue divers personnages qui nous montrent le Christ dans des histoires de personnes très différentes.
Les témoins de Dieu nous ont présenté des personnages qui à travers leur vie montraient les options de Jésus (Romero (1989) de John Duigan), en étant solidaires de ceux qui luttent pour la justice et la liberté (Rome, ville ouverte (1945) de Roberto Rosselini) et en participant à sa mission de réconciliation (Les Misérables (1998) de Bille August).
Nous avons également reconnu les traits du Christ dans quelques « fous ». Ainsi la folie de François, jongleur de Dieu qui désarme les puissants ; la folie de la beauté au milieu de la désolation d’Andréi Rublev de Tarkovski et la folie de l’impossible dans Ordet de Dreyer.
Parmi les paraboles du Christ, les films qui nous le présentent comme une femme occupent une place spéciale. Ainsi Le festin de Babette (1987) de Axel, Les Nuits de Cabiria (1956) de Fellini et Chocolat (2000) de Lasse Hallstrtröm.
La science-fiction est un genre favorable à la présence du spirituel. C’est ce qui se dégage de l’analyse de la figure du Christ dans Blade Runner (1982) de Ridley Scot, de la tentative manipulatrice des frères Wachowski dans la saga de Matrix (2000-2003) et du film intéressant Eduardo Manostijeras de Tim Barton.
Les histoires de dévouement pour le rachat des autres nous parlent aussi de la présence du Christ. C’est ainsi que nous pouvons le voir dans le film torturé Le lieutenant corrompu (1992) d’Abel Ferrara et dans La Strada 1955) de Fellini où la mort de Gelsomina rachète le mal de Zampanó.
Et enfin, on a reconnu dans la conférence la présence du visage du Christ dans les petits. Les humbles sont capables de rendre possible l’extraordinaire dans Miracle à Milan (1980) de Vittorio De Sica ; un enfant assume le rôle du Christ au point de se sacrifier dans Fils d’un même Dieu (2001) de Yurek Bogayevicz. Ou bien en descendant d’un degré de plus sur l’échelle de l’humilité, dans Au Hasard de Balthazar (1966) de Bresson, un âne représente la souffrance silencieuse du Christ dans le monde.
Une présence de Jésus beaucoup plus prononcée
Toutes ces pistes nous permettent de reconnaître que Jésus-Christ est plus souvent présent au cinéma et sous une forme plus prononcée et plus profonde que ne l’indiquait une première impression. Elles nous invitent aussi cependant à dialoguer avec le cinéma beaucoup plus profondément de ce qui se fait normalement.
Une ligne de travail éducatif et évangélisateur avec des jeunes nous est ainsi ouverte qui peut provoquer davantage d’interrogations et des recherches que ne le fait une simple vision passive. Il faut susciter un regard capable de profondeur pour voir la vérité des récits et des métaphores du cinéma, de même qu’il faut passer d’une expérience virtuelle à une expérience réelle de construction de la foi.