N’enfermons donc pas l’Esprit dans notre seule conception de l’Eglise, ouvrons les yeux, Il est à l’oeuvre partout dans le monde bien au-delà des frontières que nous lui imposons ; Il souffle où Il veut, principalement là où l’on ne l’attendait pas ; dans le coeur des pauvres, des petits, à qui Jésus s’est d’abord adressé. Une catéchèse de Mgr Santier.
Voir aussi : Pentecôte, le sens de Ta présence, prière de John Henry Newman
Dans beaucoup de diocèses de France, le jour de la Pentecôte, se vivent de grands rassemblements d’Eglise.
Pour découvrir la signification profonde de ces rassemblements, relisons avec un regard neuf et contemplatif le récit de Luc, au début des Actes des Apôtres. Il désigne l’Esprit-Saint à travers des mots symboliques : « Il y eut comme le souffle d’un violent coup de vent » (Act 2,2), « Ils leur apparurent comme des langues de feu » (Acte 2, 3). Il est toujours très difficile de parler de l’Esprit de Dieu, sinon comme le fait saint Luc à travers les images issues de l’Ancien Testament. A la synagogue le jour de la Pentecôte où ils font mémoire du don de la Loi au Sinaï, les Juifs entendent le récit de la manifestation de Dieu dans le livre de l’Exode aux chapitres 19 et 20.
Saint Luc, pour parler de la manifestation de l’Esprit au début de l’Eglise, a trouvé des mots et des expressions dans le livre de l’Exode ; le don de l’Esprit prend la place de la Loi, qui ne sera plus extérieure à l’homme, mais qui sera inscrite par l’Esprit au fond de son coeur comme l’ont déjà exprimé les prophètes Jérémie (31,31-34) et Ezéchiel (36,25-28). L’action de l’Esprit est toujours la même aujourd’hui : inscrire la parole du Christ, l’Evangile dans le coeur des chrétiens pour qu’ils en vivent, qu’ils en découvrent la force et l’actualité, sa capacité à transformer des vies humaines alors que parfois dans notre monde on la suppose désuète ou démodée.
Ce très beau texte repose aussi sur une relation entre deux mots : tous et chacun.
« La maison en fut toute remplie ».
« Il s’en posa sur chacun d’eux ».
« Ils furent tous remplis du Saint-Esprit ».
« Chacun les entendait parler sa propre langue »
« Tous ces gens qui parlent, comment se fait-il que chacun les entende dans sa propre langue ? »
D’abord, la maison, qui symbolise l’Eglise, est toute remplie de l’Esprit-Saint et ensuite il se pose sur chacun d’eux. L’Esprit nous est donné en plénitude d’abord en Eglise et ensuite chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien commun.
Si l’Esprit nous est donné en plénitude en Eglise, cela signifie qu’avec la Pentecôte, le don de l’Esprit est répandu non plus seulement sur quelques personnes comme dans l’Ancien Testament : le roi, le prêtre ou le prophète. Jésus ressuscité répand l’Esprit en abondance sur tous les membres du peuple de Dieu, sur tous les baptisés ; ainsi s’accomplit le désir de Moïse dans le livre des Nombres : « Puisse tout le peuple de Dieu devenir prophétique » (Nb 11,29) ; puisse tous les baptisés réunis en Eglise le jour de la Pentecôte découvrir que l’Eglise naît et renaît sans cesse du don de l’Esprit et que chaque membre du peuple de Dieu reçoit « le don de manifester l’Esprit en vue du bien commun » (1 Co 12,7), en vue de construire avec ses frères le corps du Christ.
Le visage de l’Eglise qui se dessine alors est celle d’une Eglise vivante, active, missionnaire où chaque membre du peuple de Dieu, suivant le charisme, le don qu’il a reçu, apporte sa part à l’annonce de la Bonne Nouvelle ; il est prophète. Cette relation entre tous et chacun fait apparaître aussi un autre aspect du visage de l’Eglise ; si tous sont animés du même Esprit, tous ne le sont pas de la même manière, l’unité n’est pas l’uniformité et l’Esprit suscite au coeur de l’Eglise des ministères divers, des vocations diverses et des charismes divers. Selon le concile Vatican II, les charismes sont distribués largement parmi les membres du peuple de Dieu, et ceux-ci ont « le droit et le devoir d’exercer ces dons dans l’Eglise et dans le monde pour le bien des hommes et l’édification de l’Eglise ». (AA3)
La liste de toutes les nations d’où proviennent les Juifs rassemblés à Jérusalem pour la fête de la Pentecôte nous invite à élargir notre regard aux dimensions de l’univers et de l’Eglise universelle ; car l’Esprit ne souffle pas seulement sur les croyants mais selon l’apôtre Pierre qui cite dans un discours le prophète Joël « Je répandrai mon Esprit sur toute chair » (Acte 2,17)
Le Concile Vatican II, dans la constitution sur l’Eglise du monde de ce temps, dit que « Dieu d’une manière que lui seul connaît, donne par l’Esprit-Saint la possibilité à tout homme d’être uni au mystère pascal ». (Gaudium et spes n°25). N’enfermons donc pas l’Esprit dans notre seule conception de l’Eglise, ouvrons les yeux, Il est à l’uvre partout dans le monde bien au-delà des frontières que nous lui imposons ; Il souffle où Il veut, principalement là où l’on ne l’attendait pas ; dans le cur des pauvres, des petits, à qui Jésus s’est d’abord adressé. L’Esprit souffle bien en dehors de notre Eglise diocésaine, de notre seule Eglise européenne et nous avons beaucoup à recevoir de la manière dans nos frères Africains, d’Amérique latine, accueillent et vivent l’Evangile sous l’action de l’Esprit-Saint.
Cela nous conduit à mettre en lumière une autre relation de termes dans le récit des Actes des Apôtres : la relation entre les verbes parler et entendre. Les auditeurs n’entendent pas seulement parler les Apôtres, ils les entendent parler leur propre langue. Le souffle de l’Esprit-Saint conduira toujours l’Eglise à annoncer l’Evangile dans toutes les nations : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Act 1,8). L’Eglise par nature est envoyée porter l’unique Bonne Nouvelle dans toutes les langues, mais chaque nation reçoit la même Bonne Nouvelle dans sa propre culture, chaque personne dans sa propre langue, son propre milieu de vie.
Nous pouvons invoquer l’Esprit-Saint pour que le jour de la Pentecôte, l’Eglise puisse trouver des chemins nouveaux pour que l’Evangile soit proposé à tous et que chacun puisse l’entendre et le recevoir dans sa propre langue, sa propre culture, sa propre vie, qu’aucun enfant, jeune ou adulte ne se sente exclu de cette Bonne Nouvelle parce que nous n’aurons pas su lui parler au coeur, le rejoindre dans ses aspirations les plus profondes.
L’Esprit-Saint demeure depuis la Pentecôte l’agent principal et le moteur de l’Evangélisation. Le don est toujours le même ; saurons-nous l’accueillir pour qu’il nous pousse et fasse de nous des prophètes de paix et de justice dont le monde a besoin ? des prophètes qui leur « parlent d’un Dieu comme s’ils voyaient l’invisible » ?