Le 28 janvier, l’Église fête Thomas d’Aquin, prêtre dominicain, docteur de l’Église. Découvrez le portrait d’un homme qui a profondément marqué la doctrine de l’Église.
Saint Thomas est né à Aquino en 1225, dans la région de Naples, issu d’une grande famille italienne. Il fait ses études chez les dominicains et, à 19 ans, entre au noviciat de l’Ordre des Prêcheurs contre l’avis de ses proches. Il poursuit sa formation à Paris puis à Cologne sous la direction d’Albert Le Grand. Il consacrera sa vie à l’enseignement universitaire tant en France qu’en Italie et à la rédaction de sa grande œuvre la Somme théologique . Son rayonnement et sa renommée s’étendront dans toute l’Europe et au-delà du Moyen-Age.
Il a vécu et pensé le chemin vers Dieu en repérant les expériences fondatrices de la vie spirituelle : le désir de connaître Dieu dans son intimité, l’émerveillement devant la création, la connaissance aimante de Jésus-Christ, la conviction de n’être rien sans l’Amour, la pratique de la prière comme interprétation de notre désir, le silence.
Le désir de connaître Dieu
Un désir intense de connaître Dieu a porté saint Thomas tout au long de sa vie. Très tôt il s’est mis à la recherche de Dieu. Dans son œuvre, il passe sa propre vie sous silence pour ne parler que de Dieu seul. « L’office principal de ma vie, c’est que tous mes sentiments et toutes mes paroles parlent de Dieu ».
L’expérience du désir de Dieu n’est pas le résultat d’un apprentissage ; elle est le fruit du don de l’amour venant de Dieu. Tout désir s’enracine dans l’amour. Il est le fruit par lequel Dieu nous aime.
La spiritualité de saint Thomas est centrée sur Dieu plutôt que sur les efforts de notre vie intérieure pour le rejoindre. Il nous fait sortir de nous-même et nous ouvre à une présence qui nous dépasse.
La création comme première révélation de Dieu
Le désir de Dieu se cultive par une vigilance du cœur, une application à chercher Dieu. Il mobilise tout notre être. Chercher Dieu c’est être attentif à tout signe qui le révèle dans nos vies. Et en premier lieu, la Création. Elle est un don originel de Dieu, elle conduit à Lui. « La création manifeste l’art divin… Les créatures sont comme des paroles exprimant l’unique Verbe divin ». « Les créatures ne détournent pas de Dieu mais y conduisent. Les mystères invisibles de Dieu sont saisis par l’intelligence au moyen des créatures. Et si les créatures détournent de Dieu c’est par la faute de ceux qui en usent comme des insensés ». La création est pour Saint Thomas la parole première dans laquelle Dieu se révèle.
La connaissance intime de Jésus-Christ
On a pu dire que, si saint Thomas a pénétré si profondément dans le mystère de Dieu, c’est par son amour si personnel de Jésus Sauveur. Il a découvert Jésus comme celui que recherche le cœur humain et qui comble son désir. Or ce que nous désirons par dessus-tout, c’est la vie et la vérité ; Jésus est Vie et Vérité. « Si donc tu cherches ta voie, passe par le Christ : il est le chemin. Si tu cherches où aller, attache-toi au Christ, il est la vérité que nous désirons atteindre. Si tu cherches où te reposer, attache-toi au Christ, car il est la vie ».
La connaissance de Jésus passe par l’expérience et ne peut se transmettre par les seuls mots. C’est venir à lui dans la foi et en suivant ses commandements, goûter sa douceur divine, approfondir notre intelligence de son mystère. L’attitude fondamentale de la foi invite à accueillir, prêter l’oreille, écouter la parole d’un Autre.
L’amour comme accomplissement de notre vérité
En s’approchant davantage de Dieu, on devient plus humain. L’amour est l’achèvement de l’être humain. Des trois formes d’amour vécus par l’homme, le 3e est le seul véritable. L’amour pour un motif d’utilité, il s’évanouit quand s’évanouit l’utilité qu’il apportait. Pour un motif de plaisir, il disparaît quand disparaît le plaisir. Le 3e est amour de bienveillance qui a pour motif le bien de l’autre. Dieu nous rend capable de l’aimer ainsi pour lui-même. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu ; non c’est lui qui nous a aimés le premier. »
Saint Thomas nous rappelle avec force l’absolue gratuité du don de Dieu et le primat de la charité dans la vie spirituelle « Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien » (1 Co 13, 2).
L’expérience de la prière comme interprétation de notre désir
La prière est faite de désir et de parole. « Si la prière pour obtenir quelque chose de Dieu est nécessaire à celui qui prie, c’est pour qu’il prenne conscience de ses manques et qu’il s’amène à désirer avec ferveur et piété ce qu’en priant il espère obtenir : de cette façon, il se dispose à recevoir le bien demandé ». « Dieu se doit de remplir le désir de la créature raisonnable dans la mesure où celle-ci est proche de lui. Or ce rapprochement est dû à la contemplation, à un amour plein de dévotion et à une intention humble et forte. Une prière qui ne monte pas ainsi vers Dieu ne mérite pas d’être entendue de lui. D’où ce mot : il regarde la prière des humbles ».
Libérer son cœur
La vie du chrétien est un long exercice du désir, visant à libérer le cœur de tout ce qui l’empêche de chercher et de trouver Dieu, et à l’ouvrir au don ineffable de l’amour de Dieu. Ce qui dispose à la charité c’est l’écoute de la parole et la méditation des bienfaits du Seigneur. Ce qui la fait grandir en nous c’est la mise à l’écart des choses terrestres et la patience dans l’adversité. A l’inverse, saint Thomas a cette formule-choc : « Plus l’être humain dilate ses désirs vers le dehors, plus il rétrécie les entrailles de son cœur ».
D’autre part, on ne connaît vraiment Dieu que si l’on comprend qu’il est toujours au-delà de ce qui peut être pensé. Nous progressons dans la connaissance de Dieu en apprenant ce qu’il n’est pas, en écartant les représentations que nous avons de lui. Le père de Lubac illustre ainsi cette expérience : « le mystique est comme un nageur. Pour se maintenir sur les flots il s’avance dans l’océan, devant à chaque brassée repousser une nouvelle vague. Il écarte, il écarte sans cesse les représentations qui toujours se reforment, sachant bien qu’elles le portent mais que s’y arrêter serait périr. »
Saint Thomas a cherché à connaître Dieu à travers les témoignages des sages, des philosophes et des Ecritures. Il a fait confiance à la création, il s’est attaché à la personne de Jésus et s’est laissé conduire par la loi évangélique de l’amour. Il a compris que seul notre silence donne à Dieu la chance de se dire.
A l’extrême fin de sa vie, une expérience spirituelle a bouleversé saint Thomas et il a cessé d’écrire. Il entre dans le silence. « Un silence qui a épuisé toutes les ressources de la parole pour dire Dieu et qui comprend qu’il a trop à dire pour le confier au langage humain » Un silence, « expression la plus juste de connaissance de Dieu dans son intimité.
Pour aller plus loin
Se plonger dans les 2000 pages écrites par Saint Thomas n’est sans doute pas exercice aisé, mais on pourra lire avec profit le commentaire et le choix de textes proposé dans L’expérience de Dieu avec Thomas d’Aquin : introduction et textes choisis par Benoit Garceau, Fides 2001.
Pour finir nous vous proposons quelques textes de saint Thomas pour prier :
« Accordez-moi, Dieu miséricordieux, de désirer ardemment ce qui vous plait, de le rechercher prudemment, de le reconnaître véritablement et de l’accomplir parfaitement, à la louange et à la gloire de votre nom.
Mettez de l’ordre dans ma vie, accordez-moi de savoir ce que vous voulez que je fasse, donnez-moi de l’accomplir comme il faut.»
« Accordez-moi, Seigneur mon Dieu, une intelligence qui vous connaisse, un empressement qui vous cherche, une sagesse qui vous trouve, une vie qui vous plaise, une persévérance qui vous attende avec confiance et une confiance qui vous embrasse à la fin »
« O très clément, rappelez-moi quand je fuis, attirez-moi quand je résiste, relevez-moi quand je tombe, soutenez-moi quand je marche. Ne m’oubliez pas quand je vous oublie, ne m’abandonnez pas quand je vous abandonne, ne me méprisez pas quand je pêche »
« Donnez-moi de partager volontiers le bien que j’ai avec celui qui en manque, le bien que je n’ai pas de le demander humblement à qui en est pourvu ; le mal que j’ai fait de l’avouer loyalement, le mal que je souffre de le supporter avec égalité d’âme, le bien du prochain de le regarder sans envie, vos bienfaits de vous en rendre toujours grâce. »
« Formez ma langue et versez sur mes lèvres la grâce de votre bénédiction. Donnez moi la pénétration pour comprendre, la capacité de retenir, la méthode et la facilité pour apprendre, la subtilité pour interpréter, une grâce abondante pour parler. Disposez le commencement, dirigez le progrès, couronnez la fin »