En 1940, en pleine guerre, un jeune homme s’installe seul dans le petit village de Taizé et y cache des réfugiés, notamment des juifs. Aujourd’hui, c’est une communauté mondialement connue. Elle accueille des dizaines de milliers de jeunes de tous les pays. Elle anime des rencontres sur tous les continents et est présente aux cotés des plus pauvres du monde.
Frère Roger : “Nous ne pouvons construire qu’à partir de ce que nous sommes, avec nos limites et nos fragilités. Dieu dépose un trésor d’Evangile dans les vases d’argile que nous sommes”. L’extraordinaire itinéraire spirituel de cet homme se confond étroitement avec l’aventure sans pareille d’une communauté chrétienne au vingtième siècle.
Taizé, hier…
La défaite française de 1940 avait laissé le pays séparé en deux zones, l’une occupée, l’autre libre. Des réfugiés, des juifs en particulier, essayaient de fuir et de se cacher dans la zone non occupée. Roger se sentait poussé à partir pour la France, afin d’être près des plus démunis. Il savait qu’il devait vivre et prier au cur de la détresse, pour que naisse ce dont il avait l’intuition. “Je souhaitais commercer en quelque sorte par me mesurer moi-même : suis-je capable de me tenir au milieu d’une des plus grandes épreuves du moment ?”.
Le choix de Taizé, village tout simple et en partie abandonné, garde pour frère Roger une part de mystère. “Je savais, dit-il, que ce projet devait se réaliser dans un désert. Or une succession d’événements avait fait de cette région un désert humain : la maladie qui avait frappé les vignobles, l’attraction exercée par des zones plus industrielles, la Première Guerre mondiale dont si peu d’hommes étaient revenus.”
Ainsi la nécessité d’accueillir et de gagner sa vie s’est imposée à lui dès le début. Il découvrit que, même avec très peu, il est possible de recevoir et de partager. La simplicité des moyens donne naissance à un sens de l’universel et de la communion, alors que, parfois, l’abondance peut être une source d’embarras pour celui qui reçoit, comme pour celui qui est accueilli. Les repas à Taizé sont restés simples. Mais la simplicité n’est jamais confondue avec l’austérité. Avec de l’imagination, avec presque rien, il est possible d’apporter de la gaieté et un sens festif à l’existence quotidienne.
En novembre 1942, frère Roger accompagna en Suisse quelqu’un qui était sans papiers pour franchir la frontière. C’est précisément à ce moment-là que la France fut totalement occupée et qu’il devint impossible d’y retourner. Et Roger resta en Suisse. A Genève, il se mit à aller prier chaque matin, avec quelques jeunes, dans une chapelle de la cathédrale.
Avec le temps, Roger avait ressenti la nécessité d’une “source commune à partir de laquelle une parabole de communauté puisse se réaliser à quelques-uns.” Cette constatation l’amena à préparer les bases d’une vie en communauté. “Il s’agissait pour nous, écrivait-il, de rompre avec une tradition trop individualiste afin d’user pleinement des richesses engendrées par la vie commune.” Tenter de former une communauté, voilà l’appel qui devint irrésistible. Pour donner des fondements solides à la vie intérieure, une première brochure publiée en 1941 met en évidence quelques mots que Roger avait déjà fixés pour lui-même depuis longtemps: “Que ta journée, labeur et repos soient vivifiées par la Parole de Dieu ; maintiens en tout le silence intérieur pour demeurer en Christ ; pénètre-toi de l’esprit des Béatitudes, joie, simplicité, miséricorde”. Frère Roger écrit aussi que la réconciliation des chrétiens est une vocation essentielle : “Nous voudrions conserver présente la vision du déchirement du Corps du Christ. Notre communauté doit être un foyer d’cuménisme.”
Parmi ceux qui lurent la brochure, il y eut deux étudiants de Genève qui devinrent plus tard les deux premiers frères de Roger : Max Thurian qui étudiait la théologie, et Pierre Souvairan, l’agronomie. Un quatrième vint partager leur vie, Daniel de Montmollin. Ils commencèrent une vie de travail commun et de prière, dans le célibat et dans la communauté des biens, avec une promesse renouvelée chaque année. Une vie en commun, “une très belle vie”, commença à Genève, puis, après la guerre, la petite communauté put s’installer de façon définitive à Taizé.
Taizé, aujourd’hui
A la fin des années 1970, une génération nouvelle arrivait sur la colline de Taizé. Le processus de maturation et d’approfondissement que souhaitaient les frères avait besoin de s’appuyer sur une recherche des sources de la foi, de la confiance en Dieu. Désormais, chaque matin, tout au long de l’année, des frères allaient donner dans tous les groupes, en de nombreuses langues, une introduction aux sources chrétiennes.
En été 1975, une ” journée du peuple de Dieu ” eut lieu à Taizé. Les cardinaux Marty et Dopfner, présidents des conférences épiscopales de France et d’Allemagne, y participèrent. Ce fut l’occasion d’exprimer à beaucoup ce que frère Roger avait déjà dit aux jeunes responsables le lendemain du concile des jeunes : Taizé ne veut pas organiser un mouvement autour de la communauté, mais souhaite stimuler les jeunes à devenir chez eux créateurs de paix, porteurs de réconciliation et de confiance sur la terre, en s’engageant dans leur ville, leur village, leur paroisse, avec toutes les générations, des enfants aux personnes âgées.
Pour accompagner les jeunes dans cette recherche, il fut décidé que, une fois par an, la communauté irait aux eux passer cinq ou six jours dans une grande ville, du 28 décembre au 3 janvier. Ce furent les rencontres européennes qui, dès 1978, eurent lieu à Paris, Barcelone, Rome, Londres, Cologne Puis, quand les frontières de l’Europe de l’Est s’ouvrirent, ces rencontres eurent lieu à Wroclaw, Prague, Budapest. Ensuite, les rencontres de Vienne, en 1992, de Paris, en 1994, rassemblèrent plus de cent mille jeunes, non seulement européens mais aussi d’autres continents. Chaque année, de septembre à janvier, des frères vivent dans la ville pour y préparer, avec les paroisses, l’accueil des dizaines de milliers de jeunes.
A Taizé, les rencontres de jeunes sont devenues intercontinentales. Aujourd’hui, chaque semaine, elles réunissent des jeunes de 35 à 70 nations, du Mexique au Kazakhstan, du Congo à l’Inde, de Haïti à l’Afrique du Sud.
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Pour rejoindre la communauté des frères de Taizé :
www.taize.fr
Prier avec Frère Roger
Toi, le Dieu vivant,
ton Esprit repose sur chacun de nous et,
tout comme l’amandier au printemps se met à fleurir,
tu fais fleurir jusqu’à nos déserts intérieurs.
Toi, le Christ,
par ta continuelle présence de Ressuscité,
tu nous offres une source où puiser
tout le sens de notre existence.
Et notre existence prend son sens dans le don de soi.
Quand nous t’oublions, nous continuons à t’aimer.
Nos curs, nos esprits, nos corps,
sont comme des terres assoiffées de toi.
Et la soif de ta présence nous éclaire,
même quand pèse sur nous la croix des épreuves.
Puisant en toi la force de pardonner toujours,
Nous connaissons déjà sur la Terre,
le début de notre résurrection.
Alors nos curs osent te dire :
toi, le Christ, le ressuscité,
tu nous aimes à ce point
que ta présence ne s’en ira jamais.