« Paix à vous !» (Jean 20, 19) ainsi se présente le ressuscité aux disciples. Après sa mort, ils se sont enfermés dans une pièce dont les portes étaient closes. Depuis le jardin des Oliviers, les heures de leur vie ont été lourdes. Certainement, ils sont en grand désarroi, dans l’incompréhension la plus totale
Nous vous proposons de nous approcher de Pierre, de voir le moment qui sépare et prendre le temps du silence. Regarder Juda dans son égarement, et se laisser rejoindre par la proximité de Jésus ressuscité, qui nous réconcilie.
Pierre dérouté
Au jardin (Jean 18, 1-11) dans la nuit, les disciples entourent Jésus. Celui-ci leur demande de prier avec lui. Plus ou moins, ils sont là, mais ils s’endorment. Lorsque Juda vient pour arrêter Jésus, Pierre est tout décidé à le défendre ; bien sûr il le fait avec ce qu’il sait faire, il est homme, et il peut se défendre comme un homme. Au sens d’une mesure humaine : une force contre une autre. Son désir est bien de protéger Jésus. Celui-ci lui demande de ranger son glaive. Comment alors Pierre peut-il se placer ? Que doit-il faire ? Il comprend que cette force n’est pas celle que Jésus utilise, mais lui, que peut-il faire ? Il est tout troublé, retourné, dérouté. Ses pas, et son désir le conduisent sur les pas du maître, il « suivait de loin » (Luc 22, 54). Il est plein de désir pour suivre Jésus, comme il l’a dit, jusqu’à la mort et de fait, il fait l’expérience de sa radicale impuissance, et d’une mort de ses illusions. Il nie connaître celui qu’il dit vouloir suivre, et ce, par trois fois ! C’est vraiment une expérience très difficile à regarder en face, parce que profondément humiliante dans un premier temps. Pierre entre dans l’expérience de recevoir la vie comme un don qui m’est fait, gratuitement, et non une vie que je possède : il est dérouté intérieurement et extérieurement.
Est-ce une expérience loin de ma vie ? Ce schéma de confiance et de mensonge, de trahison n’est-il pas quelque part dans ma vie dans mon quotidien ? Essayer de voir quelle parole je donne à mes proches, mes parents, mes amis à moi-même et les actes que je pose au regard de cette parole ?
Il n’est ni intéressant de s’auto-culpabiliser, ni de jouer à se cacher. Ce qui est porteur et source de vie, c’est de chercher la vérité, sur ses actes, petits et grands, et ne pas se cacher la vérité.
Juda : désemparé
Juda a décidé de livrer Jésus, et pour une bonne cause ! Il ne voit’ pas, n’entend’ pas il a son’ idée de ce qui doit être et il la garde, jalousement. Il n’accueille pas la vie comme don, mais il pense pouvoir avoir prise sur elle. Jésus reste proche de lui et au jardin des Oliviers, il ne refuse pas son baiser. « Un face à face entre deux frères. Le corps à corps intime entre l’amour et la jalousie » (Michel Farin, « La Colombe et le Serpent », édition du Cerf, 1999). Notre mal’ est notre refus du don’, sa conséquence, la jalousie qui fait obstacle à ce don. Jalousie aux déclinaisons très subtiles et dans tous les langages de l’homme. Juda ne comprend pas le don gratuit de la vie, ne sait pas le recevoir. Il calcule tout. Après la mort de Jésus, pour lui aussi le voile se déchire. Il réalise la conséquence de ses actes. Juda se trouve alors face à lui-même, face à l’horizon de sa vie dont la perspective s’arrête au bout de son cur. C’est trop court ! Beaucoup trop court pour lui permettre d’espérer un par-don’. Juda va se pendre à un arbre. Son seul horizon est envahi par la culpabilité, la honte, voir le dégoût de soi et toute espérance est impossible. Il a cru pouvoir s’emparer de sa vie, et il s’est retrouvé prisonnier, enchaîné. Juda est véritablement désemparé, il ne peut plus appliquer sa force pour se saisir de sa vie, par lui-même. Il n’a plus de prise. C’est l’ouverture sur le néant.
Nous essayons ici de dire une parole quant aux actes ; jamais Jésus ne juge les personnes, mais les actes. La personne est toujours à pardonner, c’est-à-dire, à relancer dans le don de la vie.
Parce que la vie est don gratuit de Dieu, nous avons tous à entrer dans un chemin de dessaisissement, de non possession de sa vie, et de celle des autres. La première expression de ce don, je le découvre à travers tout ce que je suis dans un corps étonnant, doué de capacités que je trouve’ en moi, et dans la joie que je fais moi-même du don à l’autre, du partage, de léchange. Nous sommes fait pour la relation ; nous existons dans une part de nous-mêmes qui est relation à un autre. Est-ce que je me reçois un peu dans mon corps, ou bien est-ce que je vis comme si de droit mon corps devait être là ?
La situation de Juda n’est pas loin de nous. Essayons d’être attentif, de veillé les uns sur les autres : Dieu se donne pour que, tous, nous ayons la vie en abondance
« Paix à vous ! » (Jean 20, 20)
Voilà le ressuscité : Jésus vient retrouver ses frères. Ils ne se sont pas revus depuis le Mont des Oliviers ! Qui est resté près de lui ? Jean, sa mère Marie de Magdala et une autre femme. Comment ces hommes, ces pêcheurs, des hommes à la vie rude, laborieuse, des hommes qui ont suivi Jésus pendant trois ans, se retrouvent-ils, seuls après de tels évènements ? Quelle parole possible entre eux ? Comment s’éprouvent-ils ? Jésus leur a été enlevé, trahi par l’un des leurs il n’y pas de mots pour dire la trahison de son frère, et la mort d’un ami, d’un Maître Celui que Pierre a nommé, Messie ! Ils sont là, enfermés, « toutes portes closes » précise Jean (20, 19) par peur des juifs. Peur, ils sont enfermés dans leur peur. Lorsque nous sommes oppressés par la peur, nous comme enfermés. Ce n’est que le choix libre de dire oui, me voici’, qui me met en route. La peur détourne, trompe le discernement. Mais ils sont là, malgré les hontes qui pourraient les étouffer, leur conscience frémissante d’incertitude, leur silence, ils sont ensemble dans une attente et une espérance.
« Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! ». Jésus revient, il est là. Il ne fait aucun commentaire sur leur attitude Non, Lui, c’est bien Lui : la Vie a vaincu la mort : « Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur » (Jean 20, 20). C’est la Bonne Nouvelle !
Lorsque Jésus demande à Pierre : « Pierre m’aimes-tu plus que ceux-là ? » (Jean 21, 15) Jésus permet à Pierre de se mettre devant sa propre histoire, devant sa parole, celle qu’il avait engagée et qu’il n’a pas tenue. Ce lieu de lui-même où il pouvait garder quelque ressentiment, peur, culpabilité . Voilà, le chemin du pardon, se mettre devant Lui, là où nous sommes, Lui permettre de nous faire le don de Sa Paix, pour ouvrir notre cur, nos yeux et Le reconnaître. C’est par-don’ que Dieu nous aime. Il nous donne la vue, comme Jésus n’a cessé de le faire physiquement du temps de sa vie corporelle, aujourd’hui, c’est spirituellement que j’ai à retrouver la vue, c’est-à-dire, entrer dans une vision de foi ! C’est grand !
Lorsqu’il fait route vers Emmaüs (Luc 24, 13) avec deux disciples, « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître » à Thomas (Jean 20, 25) qui a besoin de « voir » pour croire, il lui montre ses plaies. Marie de Magdala ne le reconnaît que lorsqu’il l’appelle par son nom, à la voix. Et de s’écrier « J’ai vu le Seigneur » (Jean 20, 18).
Aujourd’hui, dire j’ai vu le Seigneur ! C’est peut être voir dans ma propre vie les traverses, les basculement, les choix que je peux faire et ne le pouvait auparavant. C’est aussi à travers la vie de personne convertie, qui témoigne de leur expérience. Que se passe t-il ? Un chemin de réconciliation, c’est-à-dire le don de la paix du Christ, qui a passée la mort, dès lors que je me mets en vérité devant Lui. Jamais Dieu ne force les portes, mais il vient là où il est attendu, désiré, aimé.
Dans le jardin Dieu dit à Adam « où es-tu ? » (Livre de la Genèse 3,9), devant le tombeau, Marie demande à celui qu’elle prend pour le jardinier « dis moi où tu la mis » (Jean 20,15). Etre réconcilié se situe par là, entre les branches, les embûches, les illusions, l’ignorance le chemin se cherche dans le désir de la vie, dans le désir de la rencontre : rencontrer Celui qui me cherche, et qui n’en finit pas de venir me chercher, pour me donner Sa Paix ! Parlons nous, ne restons pas captif de nos illusions, de nos toutes puissance. Ne pas condamner Juda, mais prendre la mesure de l’enferment, de l’enfer-qui-me-ment, l’isolement mortel qui peut être le mien si je reste dans mes peurs, mes angoisses, la jalousie qui m’enserre et peut m’étouffer Nôtre « être devenir humain » fait un chemin vers son « origine », vers notre Père ! Soyons lucides, modestes et heureux quant à notre faiblesse, elle n’est plus un danger, si je la regarde en Paix, avec Lui !