Le jeûne, cette privation volontaire de nourriture, de boisson, a une signification religieuse de pénitence. Est-ce encore d’actualité au 21ème siècle ? Est-ce bien important ?
Dans le Judaïsme, le jeûne est la reconnaissance d’une insuffisante union à Dieu et la volonté de s’en rapprocher. Il a traditionnellement lieu le jour du Grand Pardon, ou avant d’accomplir une mission.
Pour les musulmans, le jeûne pendant le mois du Ramadan est l’un des cinq piliers de l’Islam . Il doit être suivi rigoureusement : absence complète de nourriture, de boisson et de relation sexuelle entre le lever et le coucher du soleil. Il exprime la soumission de l’homme à Dieu.
Le jeûne est pratiqué aussi chez les hindous, les taoïstes, les jaïnistes, et certains bouddhistes.
Aujourd’hui chez les Chrétiens, l’Eglise Catholique ne prescrit le jeûne que deux fois par an, le mercredi des Cendres (entrée en Carême) et le vendredi Saint (célébration de la mort du Christ), par l’absence de viande et d’alcool à midi et une légère collation le matin et le soir.
Cette tradition de privation se pratique depuis la nuit des temps, et dans de nombreuses religions. En créant un vide, l’homme vise à le combler par plus de prières, une plus grande proximité avec Dieu, plus de place pour le partage avec les plus démunis.
Le jeûne, la prière et l’aumône
Le jeûne : c’est une privation volontaire de ce qui nous rassasie: un peu de nourriture peut-être, mais aussi de ces redoutables pièges à désir que sont le tabac, l’alcool, la télévision, l’ordinateur, telle ou telle passion… Tout ce qui met notre vie sous la tyrannie de l’habitude et du besoin. Et nous voilà tellement préoccupés de nous-mêmes qu’il n’y a plus de place dans nos vies pour la Vie qui est disponibilité, gratuité, vraie rencontre des autres.
La prière orientera notre désir vers Dieu. Progressivement, elle modifiera notre regard sur toutes choses. La prière n’est pas un acte de piété c’est une attitude humaine fondamentale qui consiste à dire : merci, pardon, s’il te plaît, en reconnaissant que nous ne sommes pas la source de notre vie et que pour l’essentiel tout nous a été donné. Ici aussi, il s’agit, humblement et modestement, de s’y mettre.
L’aumône : c’est le don d’argent. Ce don d’argent (sil est significatif, c’est à dire qu’il nous coûte un peu) exprimera notre désir de ne pas nous laisser enfermer dans la fascination des richesses et l’appât du gain. “Nous ne pouvons pas servir deux maîtres…”. Il nous rappellera aussi, à nous qui sommes des nantis, que notre superflu ne nous appartient pas, mais qu’il appartient à ceux qui manquent du nécessaire et qui font pénitence tous les jours sans l’avoir voulu.
Après quarante jours au désert Jésus répond à Satan : « Ce n’est seulement de pain que l’homme vivra mais de toute parole de la bouche de Dieu. » ( Mt4, 4).
En réduisant mon alimentation (surtout en ces temps de surabondance), si je rentre dans cette démarche, j’accepte de cesser ce geste d’apporter à moi, les aliments
En me décentrant du monde, je suis en meilleure disposition pour accueillir et rencontrer les autres. La Parole qui nourrit ma prière comble un vide qui ne se situe pas dans l’estomac mais dans mon coeur. Rempli de foi, je peux utiliser ma bouche pour rencontrer, écouter, et dialoguer avec ceux qui sont autour de moi. -Tu me parles aussi par la parole des autres- . En discutant en vérité et que le dialogue s’approche du coeur à coeur, les faims de ce monde surgissent, et c’est là que je peux inverser mon geste pour peut être nourrir l’autre.
Comme le mouvement incessant d’une respiration, qui alterne le « vers moi » et le « vers les autres », que ma vie soit partage avec ceux qui sont autour de moi.
Aujourd’hui, le carême…
Jeûne, prière, aumône : trois facettes, trois pistes pour mon carême, cette année.
Mon jeûne, c’est peut-être tout simplement de faire un peu le vide en moi, de faire cesser ce tumulte intérieur qui m’envahit, de laisser s’installer le silence. Et le silence est là pour préparer le terrain sur lequel tombe la semence de la Parole. Ecouter la Parole de Dieu ; mon carême, c’est aussi une attention plus grande à cette Parole de vie, et à ces paroles qui m’entourent, et qui me parle de Dieu.
Et prier, simplement, un faible soupir, quelques mots, dans la solitude d’une unité retrouvée, dans une intimité avec Dieu. Prier, avec des gestes simples, un signe de croix, une offrande de soi, comme un abandon de tout mon être dans les bras du Seigneur, un repos en Dieu dans le silence. Je peux alors me mettre du côté de Dieu, regarder ma vie, et ce monde qui m’entoure, comme Dieu les voit, et aimer, comme Dieu nous aime. Nous devons croire que Dieu nous aime comme nous ne pourrons jamais l’imaginer, jamais le comprendre, jamais le penser, jamais l’exprimer.
Mon aumône, c’est d’abord le don de moi-même, c’est une attention particulière aux autres ; c’est peut-être aussi plus de miséricorde envers ceux qui souffrent, envers ceux qui manquent du nécessaire. Le monde entier frappe à nos portes, et espère davantage remplir nos assiettes que s’inviter à nos tables : à moi de faire les bons choix.
Enfin, accueillir la grâce du pardon. Que je sois fils prodigue, ou fils aîné, je peux me tourner vers mon Père, et lui dire : Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Cette grâce du pardon me fait choisir la vie ; en acceptant mes faiblesses, en confiant mon mal à Dieu, j’obtiens la force et la puissance de son amour.
Alors, avec un coeur léger, purifié de tout ce qui m’encombre, libéré du joug de la servitude, je pourrais vivre en plénitude la joie du ressuscité…
Prier avec Isaïe et Matthieu
Isaïe 58, 6-9a
Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci :
Dénouer les liens provenant de la méchanceté,
Détacher les courroies du joug,
Renvoyer libres ceux qui ployaient,
Bref que vous mettiez en pièces tous les jougs !
Et moi, ai-je le souci de ne pas mettre la pression autour de moi ?
N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ?
Et encore les pauvres sans abris tu les hébergeras,
Si tu vois quelqu’un de nu, tu le couvriras :
Devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas.
Ai-je le souci de ceux qui vivent autour de moi, que je côtoie sans peut-être même les regarder ?
Alors ta lumière poindra comme l’aurore, Et ton rétablissement s’opèrera très vite.
Ta justice marchera devant toi et la gloire du Seigneur sera ton arrière garde.
Alors tu appelleras et le Seigneur répondra, tu hèleras et il dira « Me voici ! ».
Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme un midi.
Est-ce que je fais suffisamment appel à Dieu ?
Matthieu 6, 5-9
Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment faire leurs prières (
) afin d’être vus des hommes. En vérité je vous le déclare : ils ont reçu leur récompense. Pour toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret. Et ton Père, qui voit dans le secret te le rendra.
Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens ; ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer. Ne leur ressemblez donc pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant que vous ne lui demandiez. Vous donc, priez ainsi : Notre Père
Et moi, est-ce que je prie pour « faire pression » sur Dieu, être exaucé à tout prix, ou est-ce pour me rendre disponible à lui, pour établir ce dialogue seul à seul, sans soucis du regard des autres ?