Dans la nuit de Noël, le chantre lancera le chant de la généalogie de Jésus. Il nous dira que Jésus est de la lignée de David, qu’il a pour ancêtre Jessé, fils d’Obed, l’enfant qui est né à Ruth la Moabite de ses relations avec Booz. Prédication pour les vêpres du deuxième dimanche de l’avent, 4 décembre 2005
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? 1/4
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? 3/4
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? 4/4
Et ce soir Isaïe dans un beau poème allégorique nous rappelle un élément de l’arbre généalogique du Messie. Cette insistance sur les filiations du Messie est une manière de répondre à la question : « es-tu celui qui vient »…
Le Messie ne viendra pas du ciel, mais il entre dans la chaîne des descendances, dans la chaîne des procréations humaines, dans l’histoire des humains. Sa venue s’insère dans cette longue histoire du peuple élu par Dieu non pour ses qualités mais presque pour ses faiblesses ; et si dans la généalogie du Messie il y a des personnages brillants et généreux, il y a aussi des prostituées et des hommes et des femmes de mauvaises vies. C’est bien toute l’humanité, avec ses faiblesses et ses héroïsmes, avec ses générosités et ses intégrismes que le Messie est venu conduire vers sa gloire. En acceptant ces chemins de filiations bien humains le Messie nous dit qu’il n’est pas un extra-terrestre, ni un superman… et cela pour être reconnu par nous, pour nous parler, pour nous comprendre, pour être accessible, pour être suivi par nous avec nos propres limites et l’exiguïté de nos caractères. Manifestation de sa miséricorde.
Si le Messie s’inscrit dans l’histoire humaine, il y fait, selon le prophète Isaïe, deux ruptures, peut-être pour nous désigner deux lieux où nous le reconnaîtrons si nous nous déplaçons, deux signes qui nous permettrons de l’identifier. Ces deux signes : il fait advenir la justice et chasse la peur, ce que le poème d’Isaïe nous décrit sous forme d’allégories que nous banalisons bien vite par peur d’avoir à changer.
Qui de nous oserait valoriser l’injustice et la violence ? Personne, de manière explicite, du moins parmi les croyants, et nous savons tous que le Messie est accompagné de la justice pour les pauvres (et pas seulement de la charité ou de la compassion) et du rejet de la violence.
Mais dans le même temps, nous sommes prêts à traiter Isaïe de doux rêveur, d’utopiste et d’en appeler au réalisme pour justifier nos manières de rouler les plus faibles ou d’exercer la violence domestique ou communautaire, ou d’en appeler à notre nature humaine qui serait ontologiquement agressive et fraudeuse, ou encore d’en appeler à notre caractère réputé intransformable pour justifier nos emportements et nos colères ou nos perfidies, accompagnées de paroles qui tuent…
Le Messie nous dit que tout cela ne tient pas : ce ne sont que des alibis pour fuir notre responsabilité. Le lion et la vache, et l’enfant et le cobra sont les héros de notre texte : leur nature les oppose en tout point, la force des uns et la faiblesse des autres, la naïveté des uns et la ruse des autres. Et pourtant ils vivent ensemble sans peur et dans la confiance sous le regard du Messie. Le Messie rend caduques le besoin de s’affirmer contre l’autre et la volonté de détruire ou de faire souffrir. Le Messie ne vient pas nous parler pas du ciel où tout serait beau, mais d’une terre qui pourrait être différente de ce qu’elle est, et de nous, très différents de ce que nous pourrions être. Le Messie inscrit dans l’histoire et que nous pouvons nommer « Jésus de Nazareth » nous affirme que cet écart entre le projet de Dieu et la réalité quotidienne n’est pas une fatalité et qu’être des disciples c’est croire que cet écart peut chaque jour être un peu moins grand en nous et dans le monde. Quand vient Jésus le jour de Noël, l’histoire des humains n’est pas mise en suspension ou oubliée, mais elle est ouverte, remise en question et en contestation : des choses nouvelles pourraient surgir si nous écoutions la voix de celui qui vient.
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