“Debout ! Déjà le Christ vient vers toi et pour toi. Même si tu te crois et te sais un peu, beaucoup, enlaidi, il se fait pauvre avec toi. Si tu penses n’avoir qu’une étable à lui offrir, il y est chez lui. Il fait briller sur toi sa lumière.”
La fête de Noël demeure en Occident, et sans doute au-delà, la plus populaire des célébrations chrétiennes. Dans de nombreux pays, elle est entourée de traditions qui l’enracinent profondément dans la conscience collective. Elle fait tout autant partie de notre culture qu’elle ne célèbre un événement de la foi de l’Eglise. L’hiver, le froid et la neige ajoutent, parfois, au côté mystérieux des festivités qui rassemblent les familles et choient les enfants.
La préparation de la crèche et la décoration du sapin donnent une note originale aux réjouissances. Si d’année en année, l’envahissement commercial gagne du terrain, la messe de minuit, souvent anticipée dans la soirée est la plus fréquentée des démarches religieuses prévues dans le calendrier de l’Eglise Catholique.
Il est vrai que la prière est particulièrement intense en cette occasion puisque la liturgie prévoit la possibilité de trois célébrations de l’Eucharistie : la nuit, à l’aurore et le jour !
A Noël, les Chrétiens célèbrent la naissance, la venue dans la chair de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu, né de Marie, une jeune fille prise sous son ombre par l’Esprit Saint. L’Evangile selon saint Luc localise cette naissance à Bethléem où Joseph et Marie, son épouse, sont contraints de se rendre pour satisfaire aux exigences d’un recensement imposé par l’Empereur Auguste .
Marie ne peut évidemment pas accoucher dans la salle commune d’une auberge de l’époque. Elle se retire dans la grotte voisine, laquelle sert d’étable. C’est là que Jésus voit le jour. Curieuse entrée dans le monde du Fils de Dieu ! Il est d’abord manifesté à des bergers, hommes marginalisés par leur occupation et considérés comme impurs par la loi religieuse puisqu’ils vivent en permanence au contact des animaux.
Qui peut reconnaître en ce bambin inconnu, né dans des circonstances rocambolesques l’envoyé de Dieu, le Messie tant attendu par le peuple juif traversé, depuis plusieurs siècles, par le doute et le désarroi ? D’emblée, il apparaît comme un petit, un pauvre, un humble, ami de celles et de ceux qui sont mis à l’écart. Le choix de Dieu est bien étrange. Plus tard, Il va déconcerter les auditeurs du Christ.
Ses contemporains guettaient un chef victorieux, triomphant, libérateur. Ils ne peuvent le recevoir et le reconnaître que dans l’abaissement de l’incarnation, l’humiliation du jugement, la mort infamante sur la croix avant d’être confrontés au mystère du tombeau vide. C’est l’Esprit Saint qui permettra aux apôtres et à tant d’autres après eux d’entrer dans cette histoire d’amour prévue par Dieu pour offrir la vie nouvelle aux hommes touchés et abîmés par la blessure du péché.
Dans le récit de la naissance à Bethléem, Luc nous situe déjà sur l’étrange voie royale que va suivre le Christ : celle du don total de lui-même, du renoncement à une dignité légitime ne gardant rien pour lui afin d’exprimer l’Amour qui, au matin de Pâques, sera plus fort que la mort.
Nous sommes saisis par l’attention fraternelle du Fils que Dieu nous donne comme frère. Il ne nous a pas aimés de haut et de loin. Il est venu chez nous, s’est fait l’un d’entre nous. Il a épousé notre condition humaine, à l’exception du péché, afin qu’à notre tour, nous soyons plongés dans sa divinité. Les textes liturgiques parlent d’un admirable échange.
Pendant le temps de sa prédication en Palestine, Jésus manifeste constamment son attachement à tout être humain. Il lui est souvent reproché sa sollicitude à l’égard des moins fréquentables : un financier véreux, une prostituée, un estropié, un aveugle et tant d’autres. La naissance à la grotte annonce cette prédilection, signe du refus de toute exclusive et de la nécessaire attention au plus faible.
D’heureuses pratiques qu’il ne faut surtout pas perdre et qui dépassent largement le cadre des églises chrétiennes réveillent, un pour un moment, l’engourdissement de notre société de consommation. Noël appelle au partage, à l’accueil, à la solidarité. De nombreuses associations, des individus, se mobilisent pour offrir un moment d’attention, de chaleur, d’amitié à des catégories de personnes habituellement isolées, oubliées, exclues.
Chrétiens, nous souhaitons, bien sûr, que ces élans fraternels aient un lendemain. Il nous appartient d’en donner les signes. Chaque être humain, surtout celui qui est défiguré dans son être et dans son cur, nous ramène devant le nouveau-né de l’étable de Bethléem. En lui, nous est révélé le visage du Fils de Dieu. Nous sommes attendus pour que Noël ne se termine pas trop vite !
Les évangélistes dont un sur quatre seulement propose un récit de la naissance de Jésus étaient bien incapables d’en situer la date exacte. Excellente pédagogue, l’Eglise, en Occident, a fixé en 353 la célébration de Noël au moment de la fête païenne du solstice d’hiver. Le signe est magnifique. Les rayons du soleil sont au plus bas de leur déclin. Progressivement le jour va s’imposer à la nuit. La lumière va triompher. Le Christ naissant est alors loué et accueilli comme la lumière qui brille dans les ténèbres, comme le jour qui se lève sur l’humanité engourdie et endormie. Il est le jour nouveau qui pointe à minuit.
Debout ! Déjà le Christ vient vers toi et pour toi. Même si tu te crois et te sais un peu, beaucoup, enlaidi, il se fait pauvre avec toi. Si tu penses n’avoir qu’une étable à lui offrir, il y est chez lui. Il fait briller sur toi sa lumière. Il ne te dira pas autre chose quand tu le contempleras dans le bambin de ces crèches dont nous devons à Saint François d’Assise l’idée et la coutume.
Sois dans la joie !
Catéchèse de Mgr Jaeger