A l’occasion de la rentrée étudiante, Mgr Santier, évêque de Luçon, s’est adressé aux étudiants de l’Insitut Catholique d’Etudes Supérieures (ICES).
« Choisis donc la vie » Dt 30,19
Chers étudiants,
[…] vous êtes à un moment important de votre vie, vous bâtissez votre avenir professionnel, vous discernez l’orientation de votre vie.
Vous savez sans doute que cet été, à Toronto au Canada, se sont déroulées les Journées Mondiales de la Jeunesse. J’ai eu la joie d’accompagner les 68 jeunes vendéens durant leur séjour à Toronto. Encore une fois, le pape Jean-Paul II a surpris tout le monde. Malgré les limites et les faiblesses de son âge, il a trouvé des forces insoupçonnées pour livrer aux 600.000 jeunes présents un message fort. Il leur a dit la confiance qu’il mettait en eux pour bâtir aujourd’hui dans ce monde la civilisation de l’amour.
Ce regard de confiance porté sur les jeunes contraste avec le regard négatif que nous transmettent les mass-médias sur les jeunes. Ce regard engendre la méfiance, la peur ; les adultes à tout niveau, dans la société comme dans l’Eglise, risquent par manque d’espérance de ne pas laisser les jeunes prendre leur place, de ne pas leur confier des responsabilités. Les jeunes alors se sentent marginalisés, et notre société se prive de capacités nouvelles, d’initiatives et de renouvellement.
Le message de Jean-Paul II est incontestablement plus optimiste : « Chers amis, l’Eglise vous regarde avec confiance et attend que vous deveniez le peuple des Béatitudes [ ] Jésus vous appelle à être sel et lumière du monde, à choisir la bonté, à vivre dans la justice, à devenir instruments d’amour et de paix ». Cette confiance du pape dans les jeunes a une source qu’il ne cache pas : « Ayez confiance dans le Christ, parce que lui a confiance en vous ».
Comme évêque de ce diocèse, dans cet établissement de l’Enseignement catholique, à mon tour je vous dis le regard de confiance que je porte sur vous pour bâtir aujourd’hui et demain un monde plus humain, un monde où vous serez semeurs d’amour, de paix et de justice.
Mais pour cela, je vous invite à vous déterminer et à choisir la vie délibérément.
1) Choisir la vie passe tout d’abord pour vous par l’acquisition de savoirs, de compétences, par une formation solide et sérieuse.
Le monde contemporain notamment chez les jeunes – mais pas seulement eux – ressent très fort les événements d’une manière émotionnelle, affective. L’effet positif est que cette émotivité déclenche des élans de générosité et de solidarité très forts mais qui ont du mal à s’incarner dans la durée.
La générosité essentielle et nécessaire n’est cependant pas suffisante. Devant la complexité des questions que pose le monde moderne, devant les événements qui se succèdent d’une manière de plus en plus accélérée, les hommes sont conduits à développer leur intelligence et leur capacité de raisonnement pour acquérir des compétences et trouver des solutions justes.
Je vous invite donc à prendre vos études au sérieux, à faire des recherches sous la conduite des enseignants, sans vous contenter du minimum requis pour passer les examens. En vous disant cela, je sais que je ne vais pas dans le sens du poil. Les jeunes aujourd’hui n’ont pas besoin d’être flattés mais que l’on fasse appel à ce qu’il y a de meilleur en eux. Ce monde a besoin d’hommes et de femmes de plus en plus performants dans des domaines aussi variés que l’économie, la politique, le droit, la justice, l’éducation, les sciences de la vie, la communication.
2) Pour choisir la vie, je vous invite aussi à développer en vous « l’intériorité ».
En effet, une vraie formation ne s’adresse pas seulement à l’intelligence, aux savoir-faire, mais aussi à l’être humain tout entier en faisant appel à son intériorité et à son cur. Cette dimension importante de votre être, vous ne l’avez peut-être pas encore découverte. Ce qui vous sera proposé dans ce sens à l’ICES est une chance pour vous :
û d’abord les rencontres le mercredi soir à l’aumônerie des étudiants, où se vivent l’Eucharistie, des temps d’échange et de formation.
û le cycle de conférences de l’Institut Notre-Dame de Vie.
û des soirées de formation biblique et théologique avec des prêtres du diocèse compétents et certifiés dans leur domaine.
û Les temps de célébration eucharistique et de prière proposés régulièrement à la chapelle de la Miséricorde avec la communauté des Béatitudes.
Vous ne pourrez tout faire ; l’essentiel est de choisir l’une ou l’autre proposition et de faire le parcours dans son ensemble pour que vous ayez le temps de vivre une progression, de vous approprier personnellement ce qui vous est enseigné, et de l’intérioriser par le recueillement et la prière.
De grands désirs montent en vous, vous cherchez à éclairer le sens que vous voulez donner à votre vie et vous voulez trouver des moyens pour nourrir les grands choix de votre vie.
3) Pour choisir la vie, je vous invite à développer en vous la capacité du discernement.
Vous savez vous-mêmes par expérience distinguer entre ce qui vous conduit à la vie et ce qui conduit à la mort, ce qui produit en vous joie et épanouissement, ce qui vous fait grandir, ce qui vous donne le goût de vivre ; mais vous savez aussi que certaines sollicitations qui vous sont faites vous conduisent à vous déstabiliser, à freiner votre croissance, à entamer en vous le goût et le désir de vivre, ce qui vous conduit à vivre de manière pessimiste et tout voir en négatif.
A certains moments, devant la culture de masse, la pensée unique, la culture unique véhiculée par les mass-médias sous influence américaine, je me demande quelle liberté vous est laissée, quelles possibilités de choix vous pouvez mettre en uvre.
Inconsciemment, pour vivre comme tout le monde, pour ne pas risquer d’être mis à part ou marginalisés, vous pouvez être conduits à avoir des comportements ou des attitudes que vous ne désirez pas vraiment au fond de vous-mêmes. Dans ce sens, le développement de l’intériorité, une réflexion humaine et chrétienne sur les grandes questions de l’existence, vous aideront à développer une « colonne vertébrale » personnelle qui vous permettra de tenir debout et de faire des choix libres.
Finalement, dans le monde d’aujourd’hui, c’est celui qui a des ressources intérieures profondes qui réussit sa vie, c’est celui-là qui est finalement écouté et entendu.
4) Pour choisir la vie, je vous invite aussi à vous ouvrir à l’autre, aux autres, je vous invite à servir.
Si je vous ai invités à développer en vous la capacité de discernement, l’intériorité et une structuration personnelle, vous ne pouvez pas vivre tout seul. Choisir de vivre à contre-courant de ce qui est proclamé haut et fort demande une solidité intérieure. Cela n’est possible que si vous osez prendre la parole sur ce que vous vivez, devant quelqu’un en qui vous avez confiance.
Bien sûr, vous pouvez le vivre en partageant avec des amis, mais dans ce partage il est bon aussi de rencontrer quelqu’un qui est plus en distance, qui a de l’expérience, quelqu’un qui vous écoutera, qui vous aidera à lire les mouvements intérieurs qui vous animent, vous font vivre, ou au contraire ceux qui vous arrêtent, vos peurs, vos timidités.
Partager avec un adulte en qui vous avez confiance, un accompagnateur, sera une grande chance pour votre vie. Celui-ci ne prendra jamais de décision à votre place, ni ne vous donnera de conseils tout faits ou de recettes ; il vous aidera à entrer dans un chemin de confiance par rapport à votre histoire personnelle ou votre avenir.
Choisir la vie, c’est entrer dans un chemin d’ouverture aux autres jeunes comme aux adultes. Si vous voulez progresser dans votre vie de jeunes, la rencontre et le partage avec d’autres jeunes dans une aumônerie, un mouvement de jeunes, une association culturelle ou sportive, une chorale, sont très importants. Il ne faut pas avoir peur de la différence, elle permet de sortir de soi ; et quand on a franchi les premières appréhensions, on ressort plus riche, plus fort, plus ouvert aux autres.
Vous pouvez me poser une objection : « mais il nous faut du temps pour étudier et nous ne pouvons tout faire ». Il est vrai qu’il faut éviter de vous disperser, mais je crois que pour réussir de bonnes études, et préparer son avenir, il ne faut pas seulement être des « potaches », ou s’enfermer dans sa chambre. Le contact avec les autres, le temps donné aux autres, à d’autres activités, permettent de grandir en maturité et d’entrer dans une meilleure compréhension de ce qui vous est enseigné.
Avec l’aide d’un adulte, ici, vous pouvez tout à fait organiser votre travail, vos horaires, progresser dans votre travail grâce à l’apprentissage de la méthode propre à chaque discipline, et ainsi trouver du temps pour les loisirs, le sport, la vie de prière ou le service des autres.
Si vous avez la chance de faire des études supérieures, c’est peut-être grâce à ce que vous avez reçu dans votre enfance, grâce à des jeunes qui ont donné de leur temps auprès de vous, dans des mouvements d’enfants comme le scoutisme, le MEJ, l’ACE ou autres. Aujourd’hui, des enfants désireraient vivre cette même expérience et pouvoir bénéficier de la même chance que vous, mais ils ne trouvent pas suffisamment de jeunes pour les encadrer.
Je vous dis cela pour que vous y réfléchissiez, sachant aussi que vous pouvez choisir de vous engager dans des actions de solidarité ou humanitaires. Mais le service des autres – le don de soi – est une dimension importante pour choisir la vie. Les hommes et les femmes de notre temps qui ont quelque chose à dire à notre époque, ce sont ceux qui donnent de leur temps, de leur vie pour les autres. Ils nous livrent ainsi le secret du bonheur et de la vraie vie. Je pense à Jean VANIER, le fondateur des Communautés de l’Arche, à l’abbé Pierre, le Père RODHAIN, fondateur du Secours Catholique, Mère Térésa. Le secret de son propre bonheur, c’est de chercher à rendre les autres heureux.
Conclusion
« Choisis la vie » : Ce n’est pas un slogan, mais une parole, une interpellation qui fait vivre.
Mon propos […], n’est pas de chercher à vous séduire, ni à faire un show, mais de vous transmettre ce que je crois important pour vous. Les chemins, vous les trouverez vous-mêmes. Ce que nous vous proposons, c’est de bâtir les fondations : une maison qui repose sur le sable ne résiste pas à la tempête, une maison qui a des bases solides peut durer longtemps.[…] Je vous ai proposé une voie de sagesse et d’équilibre, entre tous les choix qui se présentent à vous, en un mot un art de vivre.
Le souhait qui habite mon cur, c’est que vous soyez des jeunes, puis des foyers, des parents, qui donnent à ceux qui vous entourent le goût de vivre. Ce qui m’attriste, c’est de rencontrer des jeunes qui s’ennuient en ce monde, en qui on a tué le goût de vivre.
Mais la vie, c’est beau, c’est un immense cadeau que nous avons reçu ; à nous de faire fructifier tous les talents que nous avons reçus. C’est le plus bel hymne que nous pouvons chanter envers celui qui nous a appelés à la vie ! Que nous ayons envie de vivre et que nous donnions à d’autres le goût de vivre et la joie de vivre.