Catéchèse de Mgr Aumônier aux pèlerins des JMJ, le vendredi 26 juillet 2002, sur le thème : “Soyez réconciliés avec Dieu”.
1. « Vous êtes la lumière du monde »
« Vous êtes, vous, la lumière du monde. Une ville ne peut être cachée quand elle est située sur une montagne. On n’allume pas non plus une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le lampadaire ; et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Qu’ainsi brille votre lumière devant les hommes, afin qu’ils voient vos belles uvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,I4-I6).
Les disciples de Jésus ont bien compris que Jésus les appelle lumière. Ils répèteront la formule plus tard. C’est ainsi que Paul à Antioche de Pisidie s’adresse aux juifs : « nous nous tournons vers les nations. Car ainsi nous l’a commandé le Seigneur : « je t’ai établi lumière de nations, pour que tu deviennes le salut jusqu’à l’extrémité de la terre » (Is 49,6) Le même apôtre s’adresse aux chrétiens de Philippes en les invitant « à se montrer irréprochables et candides, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d’une génération tortueuse et pervertie, où vous brillez comme des foyers de lumière dans le monde » (Phil 2,15).
La parole du Seigneur est étonnante : comment Jésus en effet peut-il nous appeler lumière ? Nous ne nous prenons pas pour des « lumières », ni individuellement ni collectivement (cf. Rm 2,19) et nous entendons Jésus nous dire que nous le sommes. Ne serait-ce pas un écart de langage, une pieuse exagération, une manière de parler ? Jésus serait-il le seul à ne pas savoir que nous sommes plein de contradictions ? Et pourtant, Jésus dit que nous sommes lumière, la lumière. Cette parole est d’autant plus étonnante qu’il dit aussi : « Je suis la lumière du monde qui me suit ne marche pas dans les ténèbres » (Jn 8,12) » ; « dans le monde, je suis la lumière du monde » (Jn 9,5) « Moi, lumière, je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn I2,46) La lumière luit dans les ténèbres » (Jn 1,5). En disant cela, Jésus exprime très clairement qu’il est Dieu, « lumière née de la lumière » : il est le Fils qui reçoit la plénitude de la lumière, car « Dieu est lumière » (I Jn I,5) . Il est la parole faite chair, dont le psaume 118 dit « Ta parole, Seigneur, une lampe pour mes pieds, une lumière pour ma route » (v.1O5).
Alors, la lumière, est-ce Lui ou nous ? C’est Lui en nous , comme le rite du baptême nous l’indique, et nous permet de comprendre mieux ce qu’est pour chacun d’entre nous la « grâce première ». Après leur baptême, leur « illumination », les nouveaux baptisés s’approchent du cierge pascal , et reçoivent chacun un cierge allumé au cierge pascal, et le célébrant prononce cette formule : « Vous êtes devenus lumière dans le Christ : marchez toujours comme des enfants de lumière ; demeurez fidèles à la foi de votre baptême. Alors, quand le Seigneur viendra, vous pourrez aller à sa rencontre dans son Royaume avec tous les saints du ciel ». Souvenons nous aussi qu’à chaque nuit de Pâques, les fidèles allument leur cierge au cierge pascal.
Nous sommes ainsi lumière parce que « faits lumière », rendus lumière. Et Dieu « nous a conduits des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2,9). Cela veut dire qu’il y a eu un passage des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. Comme le dit l’apôtre « autrefois vous étiez ténèbres, désormais vous êtes lumière dans le Christ ». « Le Dieu qui a dit que des ténèbres resplendisse la lumière est Celui qui a resplendi dans nos curs pour faire briller la connaissance de Dieu, qui est sur la face du Christ »( 2 Co 4,6)
Ce changement mystérieux est souligné sans cesse dans l’Evangile : avez vous remarqué parmi les guérisons faites par Jésus la place extraordinaire consacrée à la guérison des aveugles, dont les aveugles de naissance ? Et comment l’Evangile souligne comment ces guérisons sont d’abord des signes que Dieu nous tire de l’incrédulité pour nous donner la foi, pour nous donner de voir tout à Sa lumière ? Il y a aussi la mystérieuse scène de l’Evangile, où nous voyons Nicodème venir de nuit à Jésus, et où Jésus lui apprend qu’il lui faut « renaître de l’eau et de l’Esprit ». On devient disciple et fils, fille de Dieu, non par hasard mais par réponse personnelle à un appel personnel, et la façon dont Dieu m’ appelle consiste à donner sa vie pour moi
Notre vie n’est qu’un début pour comprendre à quelle profondeur nous avons été aimés, cherchés . C’est difficile à comprendre parce que nous voyons tout dans notre vie comme un droit. Comme si nous avions eu droit à naître, et encore plus droit à être introduits dans l’intimité de l’amour de Dieu. Jésus fait comprendre cela non seulement aux Nicodème de notre temps mais aussi à des hommes et des femmes qui ne sont pas des juifs pieux et savants comme il l’était . La samaritaine elle aussi va comprendre qu’elle est appelée à renaître, et aussi le publicain Matthieu, et aussi cette femme qui s’estime toute contente même si elle ne peut manger que les miettes qui tombent de la table du maître
2. Porteurs de lumière, c’est-à-dire missionnaires
Voici que « nous sommes appelés enfants de Dieu et nous le sommes ». Et nous sommes invités par le Christ à vivre selon ce que nous sommes.(« vivez en enfants de lumière ») ,et à transmettre à nos contemporains l’invitation au bonheur, leur annoncer les merveilles de Dieu.
Le Fils qui reçoit de son Père toute lumière nous en fait part ; il ne nous a pas tirés des ténèbres pour nous mettre dans un coin à part, pour faire de nous des hommes et des femmes « éclairés » seulement, mais pour qu’avec Lui et par Lui nous soyons lumière en ce monde . « la route des justes est comme la lumière de l’aube dont l’éclat grandit jusqu’au plein jour »( Pr 4,18) Et même, le signe que la lumière brille en nos curs, c’est qu’elle donne le désir de se propager ! Quand AUGUSTIN lit le Ps 19(18), vv.2-3 : « les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’uvre de ses mains, le firmament l’annonce ; le jour au jour en publie le récit et la nuit à la nuit transmet la connaissance », il l’interprète en disant que ce sont les disciples devenus lumière qui annoncent la gloire de
Nous sommes invités à ne pas cacher mais à laisser briller cette lumière : « obéissant au Seigneur, lumière de justice, recevons de lui la lumière( ) et qu’il ne nous suffise pas de briller nous-même plus que la neige,. illuminons encore les gens qui nous approchent » (BASILE, de Bapt. 1,1544b ) On peut comprendre les encouragements des Pères aux chrétiens nouvellement baptisés : ils voient en leur baptême comme la purification de l’or au creuset, qui les fait briller comme des statues d’or, « capables d’éblouir les rayons du il eux-mêmes ! » (JEAN CHRYSOSTOME, 3 cat. Bapt., cat 1,13 dans S.C. 366), ou, pour citer une autre image, décidément prise dans le monde des astres : « Dieu soit béni, car voici que de la terre aussi apparaissent des étoiles, plus brillantes que celles des cieux. Des étoiles sur terre, à cause de Celui qui des cieux est apparu sur terre. Non seulement sur terre, ces étoiles, mais en plein jour » ( dans 8 cat . bapt., cat 3,1-4 ; cf. ibid. cat 4,3, dans S.C. 5O) Ou encore, « de même que la lumière du soleil éclaire de ses propres rayons le visage de ceux qui la regardent, ainsi la vertu attire à la contempler tous ceux qui la regardent, et incite les esprits droits à rendre gloire au Maître » (cat 6,11)
Il s’agit ici d’autre chose que de la légitime fierté que nous avons d’être chrétiens. Etre lumière est une mission . C’est comme si le Christ vous disait : : « vous êtes lumière brillez donc » . Rappelez vous ce que le Christ dit au jour de l’Ascension : « allez donc : de toutes les nations faites des disciples »( Mt 28,19) . Ce n’est pas un conseil mais une injonction, un ordre, donné avec douceur et force et bonté, mais donné quand même, en même temps que sa grâce ! .
Quand le Seigneur nous dit « comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » ; ce n’est pas seulement pour nous comparer avec Lui dans sa manière d’exercer la mission ; cela veut dire que nous participons à sa mission , que nous entrons dans Sa mission à Lui. Que mystérieusement mais vraiment c’est Lui qui agit en celui et en celle qui croient, parce qu’ils sont les membres vivants de son corps.
Avec la foi, l’espérance et la charité répandues en nos curs nous sommes envoyés vivre au milieu de nos frères, là où ils vivent, là où ils sont joyeux ou dans la peine, prient, souffrent. Un chrétien n’est pas mis à part pour s’isoler mais pour être envoyé et vivre de façon intense au milieu de ses frères . Les moines eux-mêmes, qui choisissent un mode de vie retirée, ne sont pas isolés : en nous rappelant qu’en cherchant à vivre au cur de Dieu, nous sommes envoyés au cur du monde.
La vie et le témoignage des saints nous encouragent, en nous montrant combien, par leur manière très simple et très humaine, adaptée aux besoins profonds de leurs contemporains, par leur foi, par ce que Jésus appelle leurs « uvres » ils laissent passer la puissance et la lumière de Dieu, et c’est d’eux dont Jésus parle quand il dit qu’après son Ascension les disciples « feront des uvres plus grandes encore que » les siennes.
3. Nécessité et urgence de la mission :
Cette mission n’est pas une fantaisie ou une occupation de plus : c’est l’amour de nos frères qui nous presse ; conscients de la grâce qui nous est faite, nous ne pouvons pas ne pas parler » à ceux que nous reconnaissons comme appelés par leur Père et notre Père à vivre le bonheur. C’est vraiment une question de vie ou de mort : « si tu écoutes mes paroles tu auras la vie », et « celui qui écoute ma parole et qui mange mon corps aura la vie en lui »,etc. car Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés « et « parviennent à la connaissance de la vérité », à leur bonheur, à la réalisation de leur vocation, dont la dimension transcendante ne peut que leur être révélée et donnée : »ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cur de l’homme, Dieu l’a révélé » Ce qui est en jeu n’est pas seulement l’avenir et le bonheur éternel de l’homme mais son bonheur et la construction de la cité terrestre. Croire que Dieu a confié le monde à l’homme et guérit sa liberté a des conséquences très concrètes. Un homme et une femme religieux et religieux, reliés à Dieu par son Fils Jésus ne sont pas des exaltés, mais des frères et surs de leurs contemporains. Et l’oubli de Dieu ne construit pas l’humanité, comme des exemples récents nous le montrent. Le nazisme et le communisme nous montrent s’il était besoin comment l’athéisme déshumanise l’homme, et même le détruit, au nom d’un humanisme sans Dieu.
Il y a urgence, car nos contemporains ne peuvent d’une certaine manière être touchés. En effet ; – c’est la loi de l’incarnation -, le Père s’adresse aux hommes de façon humaine, d’abord par les prophètes, à travers leur voix et leur témoignage humains, puis par son Fils fait chair, employant des paroles d’hommes pour toucher et atteindre des hommes en leur langage. Pour ne pas les forcer et pour que la parole soit proche il demande à ses disciples de s’adresser aux hommes et femmes de leur génération. Et c’est bien nous qui les rencontrons et c’est sur cette planète ! Dire que Dieu pourrait très bien se débrouiller sans nous relève en réalité de l’ abstraction. On peut le comprendre avec la conversion de saint Paul. Même si Dieu s’est manifesté à Paul de façon très personnelle comme sans médiation, Paul connaissait les chrétiens au moins parce qu’il a participé au martyre d’Etienne et d’autre part, c’est bien à l’Eglise que le Christ le confie en demandant à Ananie de lui faire le catéchisme Pourquoi vouloir forcer Dieu à agir de façon extraordinaire alors qu’il veut agir de façon ordinaire, si ordinaire !, en se servant de nous ?
Nous vivons dans un monde et un contexte pluriculturel. Ce n’est pas nouveau pour les chrétiens ; déjà Saint Paul reconnaissait volontiers que les habitants d’Athènes étaient « les plus religieux des hommes » (la TOB traduit : « des hommes presque trop religieux »). Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est qu’il y a un peu partout dans le monde des villes comme Athènes ! les chrétiens sont partout confrontés au même défi : annoncer non pas que Dieu existe mais qu’en son Fils Jésus il est venu nous visiter et qu’Il est La vie de l’homme, que sans lui l’homme est mort, ne vit pas vraiment . Vivre au milieu de contemporains qui ne partagent pas la foi au Christ ne dispense donc en rien de l’annonce de la bonne nouvelle de L’Evangile, comme cela nous est montré aussi dans la scène de la rencontre de Jésus avec Nicodème : celui-ci était non seulement religieux mais membre éminent du peuple juif ; n’empêche que la rencontre de Jésus a changé sa vie, et que c’est de Jésus qu’il a appris et qu’ »il fallait renaître » et comment il fallait renaître .
Cette mission est d’ampleur universelle. Il s’agit de toutes les nations. Et depuis vingt siècles l’univers entier ne connaît pas encore le Seigneur ; non seulement en Chine ou au Japon ou en Inde mais aussi dans notre pays, chez beaucoup de nos concitoyens très proches. « le nombre de ceux qui ignorent le Christ et ne font pas partie de l’Eglise augmente continuellement, et même il a presque doublé depuis la fin du Concile. A l’égard de ce nombre d’hommes que le Père aime et pour qui il a envoyé son Fils, l’urgence de la mission est évidente » (Jean Paul II, Réd. Missio 3) et encore : « Un regard d’ensemble porté sur l’humanité montre que cette mission (du Christ rédempteur)en est encore à ses débuts et que nous devons nous engager de toutes nos forces à son service » (ibid, 1)
4. Comment évangéliser : témoignage et annonce explicite
Comment faire pour que la lumière du Christ brille, comment ne pas être nous-même de ces verres opaques qui ne laissent rien passer de la lumière ?. La réponse n’est pas une méthode, comme une méthode de marketing. C’est la sainteté, qui est le témoignage (« marturein ») de la vie et de la parole personnelle et ecclésiale. Vous en avez reçu le germe, et ce germe est à l’uvre en chacun de vos curs. De quoi est-il fait ?
En envoyant ses disciples et en leur disant « guérissez les malades, et dites leur’ le Règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous »(Lc 1O,9), Jésus donne à ses disciples la consigne de ne pas se laisser encombrer de biens matériels. Mais la pauvreté veut dire aussi de ne pas se laisser encombrer par soi-même !Jésus rend grâces au Père parce qu’Il s’est révélé aux tout petits, et par les tout petits. L’orgueil qui consiste à se mettre en avant empêche la lumière de pénétrer dans la maison ; cet orgueil n’écoute pas et ne respecte pas l’autre dans sa personne et dans sa culture. L’homme centré sur lui-même « « même s’il a une foi à déplacer les montagnes, s’il n’a pas la charité »( 1 Co 13,2), ne « sert de rien ». L’homme qui prétend annoncer l’Evangile alors qu’en fait il est centré sur lui-même ne respectera pas le temps de Dieu. Alors qu’il y a urgence, il ne dira et ne fera rien ; alors qu’il faut de la patience, il se précipitera. L’humilité et l’amour, et non pas la violence et l’irrespect liés au prosélytisme ; c’est cela la pauvreté
Le témoignage de la vie personnelle et ecclésiale sont les seules armes dont nous disposions mais que le Seigneur nous donne avec surabondance : « La nuit est avancée, et le Jour est tout proche » Saint Paul poursuit, en donnant des consignes claires « . Rejetons donc les uvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Comme en plein jour, conduisons nous dignement : ni ripailles, ni orgies, ni coucheries, ni débauches, ni querelle ni jalousie, mais revêtez le Seigneur Jésus Christ, et ne prenez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises (Rm 13,12 )
Il n’y a pas que les consignes négatives ; il y a surtout les consignes positives : « Je le répète, frères, soyez toujours joyeux »(Phil 4,4). Laissez s’épanouir en vous le fruit de l’Esprit, « la joie, la paix »(Rm 14,17) Laissez briller la lumière de la foi (« Demeurez dans la lumière » (I Jn 2,8-II) et de l’amour, car « Celui qui aime le Fils demeure dans la lumière » (1 JN 2, 1O )°.
Plus votre conscience saura où est le bien et le mal, plus la lumière de votre conscience morale et de votre jugement, « la lumière des curs droits », brillera, plus l’homme aura de chances de découvrir le bonheur lui-même dans la pratique des commandements. Plus vous aurez à cur de « faire la vérité », en refusant le mensonge sur vous et sur les autres, moins vous serez impressionnés par les slogans, ou la pression de la propagande, et plus vous serez artisans de liberté authentique. Et tout cela se fait davantage par les actes et les choix concrets que par les discours : Ces choix, ces audaces dans les choses simples ou dans les grandes entreprises. sont en eux-mêmes éloquents, et ils sont capables de montrer l’espérance et la vie plus forte que la mort.
Il n’y a pas que le témoignage. Le Christ compte sur vous pour que la Bonne Nouvelle soit annoncée. Certes pas assénée, mais proposée, ce qui veut bien dire annoncée. « Dieu a tant aimé les hommes qu’Il a envoyé son Fils, son Unique » L’annonce explicite de l’Evangile doit se faire avec amour et respect, mais elle doit se faire, pour que la Parole soit entendue. Qui entendrait si personne ne parle et qui pourrait parler sans être envoyé ? « Dans la réalité complexe de la mission, la première annonce a un rôle central et irremplaçable parce qu’elle introduit dans le mystère de l’amour de Dieu( ) et qu’elle ouvre la voie à la conversion. » (Red.Missio 44)
Enfin, et en même temps le dialogue . Il existe en tout homme une orientation et un désir de connaître la vérité, et ce désir n’est pas illusoire, même si l’homme est fragile. Nous ne devons pas désespérer de l’ouverture de l’homme à Dieu, puisque Dieu lui-même ne désespère pas de lui et puisque son Fils unique est mort pour lui sur la croix.. Le dialogue avec vos contemporains, y compris le dialogue philosophique, est une porte essentielle à la mission, et l’Eglise vous y encourage, puisque l’homme est invité à avancer vers la connaissance de Dieu non seulement en se laissant porter par l’aile de la foi mais aussi sur l’aile de la raison éclairée par la foi. C’est particulièrement important dans notre siècle, technique et scientifique.
Pour montrer l’ampleur de la mission, qui concerne non seulement tous les hommes mais le tout de l’homme, c’est-à-dire son cur mais aussi son intelligence, sa sensibilité, il faut nommer au moins de façon générale les différents lieux de la mission. Ces lieux sont situés non seulement dans des régions où jamais le Christ n’a été annoncé (Mission « ad gentes ») mais aussi dans notre pays, sur notre diocèse, qui a besoin d’être évangélisé. Ces lieux ne sont pas seulement géographiques : ces « aéropages » modernes sont ces lieux où vous vivez et travaillez, que sont la communication, la culture, le monde universitaire et scolaire, les lieux de la recherche scientifique, le monde du travail, de l’industrie, le monde judiciaire, médical, etc
Trois conseils pour finir :
Protégez cette lumière reçue : elle est forte car elle peut éclairer la maison toute entière ; elle est aussi fragile car un souffle d’air peut la faire vaciller et s’éteindre. C’est vous dire l’importance de la prière (. «Si ton il est dans la lumière, tu es tout entier dans la lumière »Mt 6,22-23). Nous pouvons dire notamment au Seigneur : « C’est toi qui fais briller ma lampe, mon Dieu, éclaire mes ténèbres » (PS 18,29-37) C’est vous dire aussi l’importance de la formation permanente de la foi et de l’intelligence, en s’appuyant sur la sagesse de l’Eglise, et en déployant ses énergies personnelles. Pour durer, cette lumière doit demeurer à sa source, le Christ. Il faut recharger d’huile la lampe pour qu’elle ne s’éteigne pas ; sinon, elle ne sert à rien, et on peut la briser.
Soyez courageux : le courage de dévoiler ce qui est caché, honteux pour libérer les plus pauvres (« répudiez les silences de la honte »), et pour agir, parce qu’ils sont frères et surs promis à la résurrection. Il n’y a pas de couvre feu pour cette lumière-là. Mais c’est vrai aussi qu’elle luit dans les ténèbres, et qu’il ne faut pas s’attendre à être davantage compris que le Christ ne l’a été. Si on est habitué qu’à l’éclairage artificiel, on ne voit pas cette lumière-là ; on n’y est pas attentif même s’il y a une panne d’électricité !. Le courage du chrétien s’appelle la vertu de force, qui consiste à tenir avec douceur et constance, sans cesser d’aimer ceux qui persécutent les disciples à cause de leur Maître. Ce n’est pas la forfanterie, mais l’humilité : accepter d’être soi-même, ne pas jouer un personnage Accepter de prendre des initiatives et que d’autres en prennent en se réjouissant sans jalousie de tout ce qui est bon « pourvu que le Christ soit annoncé », etc.
Enfin, ayez confiance : quelles que soient la condition physique ou les épreuves psychologiques ou les autres épreuves, les limites humaines, la lumière peut être transmise, et on s’aperçoit même que les plus pauvres aux yeux des hommes la laissent passer avec intensité ; les malades, les handicapés nous le montrent chaque jour. Les personnes âgées rendent un témoignage admirable de la fidélité de la foi, pour peu qu’on les écoute : le « vêtement de la vertu( la grâce) ne vieillit pas. Plus le temps avancera, plus sa beauté sera éclatante et fraîche et radieuse sa lumière » (JEAN CHRYSOSTOME, cat bapt. VII,24, S.C. 5O). Une scène dont j’ai été témoin il y a peu me le rappelle : sur un banc deux femmes mal habillées se partageant une boite de conserves ; l’une était jeune et l’autre âgée. La plus jeune s’était habillée comme la clocharde pour passer inaperçue et pour être plus proche de la clocharde ; la joie étaient sur leurs deux visages, simplement parce que chaque personne était une personne aux yeux de l’autre. Parlaient-elles du Christ ? Je ne sais. Mais j’imagine que le Christ se réjouissait de cette rencontre, comme de toutes celles qu’Il vous donnera de vivre.