Catéchèse de Mgr Boulanger aux pèlerins des JMJ, le vendredi 26 juillet 2002, sur le thème : “Soyez réconciliés avec Dieu”.
Le Pardon, c’est sans doute le plus beau cadeau que Dieu nous fasse pour vivre en communion avec les autres, finalement pour être heureux. Pardonner, être pardonné, c’est redonner confiance, c’est recréer, c’est atteindre les sommets de la vie. Mais nous savons par expérience qu’il est très difficile de pardonner. Le mot « pardon » c’est vrai est ambigu. On peut dire «pardon » simplement pour s’excuser d’avoir bousculé quelqu’un. Nous pardonnons sans y penser vraiment. Aujourd’hui, nous parlons de pardon et de réconciliation. Nous voyons déjà que dans le terme de réconciliation, il y a une rupture, des liens se sont cassés. Saint Paul dit : « Au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Nous allons découvrir que nous ne pouvons pas grandir dans la vie sans pardon et réconciliation. Nous grandissons dans la vie justement à la mesure des pardons que nous avons reçus, nous pourrions dire à la mesure des regards de confiance que l’on a posés sur nous.
La vie peut devenir un enfer comme elle peut être un chemin de réconciliation et de bonheur. Je vous cite simplement deux exemples, celui d’un jeune couple, Thierry et Isabelle, et celui de Caroline.
Thierry et Isabelle se sont mariés il y a 6 ans et ils ont un garçon de cinq ans. Ce jour-là, Thierry rentre du travail très fatigué. Il a eu des remarques de son chef de service sur la qualité de son travail. Il est en colère et le soir en rentrant il reproche à Isabelle que le repas ne soit pas préparé. Alors il se fâche et le ton monte entre Thierry et Isabelle. Voilà le petit Julien maintenant qui arrive à table pour manger. Seulement, il ne s’est pas lavé les mains, il a cinq ans et sa maman lui reproche d’arriver à table les mains sales. Alors, elle pique elle aussi une colère et lui donne une paire de claques. Le petit Julien se met à pleurer, il repart, il va monter dans sa chambre et au coin de l’escalier il y a le chien. Pour libérer sa colère, il donne un grand coup de pied dans le pauvre chien qui n’y est pour rien. Voilà l’exemple même de la violence. Devinez ce qui les a réconciliés, cela a demandé du temps, pendant presque une semaine il ne se parlait plus en famille. C’est parce que le chien s’est échappé que tous les trois ont dû partir à sa recherche. C’est là qu’ils se sont réconciliés mais pendant une semaine, ils ont vécu un véritable enfer. Oui, là où il n’y a pas de réconciliation, on peut dire que c’est l’enfer, au sens de l’enfer-me-ment.
Voici un autre exemple, celui de Caroline. Elle a vingt ans, je l’ai rencontrée à Lourdes et c’était au cours d’un pèlerinage de jeunes. La veille de son départ, elle est venue me rencontrer au bord de Gave. Et après avoir reçu la veille, le sacrement de réconciliation, elle me dit, « J’ai envoyé une carte à mon père et je lui ai demandé pardon ». Si vous aviez vu la joie dans le regard de Caroline. Elle en voulait tellement à son père qui était malade alcoolique et qui avait gâché la vie de ses enfants . Il avait mis toute la famille dans une situation de dettes. Ce jour-là, Caroline avait pu pardonner à son père et lui envoyer une carte en lui disant qu’elle l’aimait. Si vous aviez vu le bonheur de Caroline, elle s’était réconciliée avec son père. Le bonheur est véritablement dans le pardon et la réconciliation. Mais que signifient ces deux termes : pardon et réconciliation ?
I L’AVENTURE DU PARDON
La vie : des liens sans cesse à recréer.
Vous venez d’entendre les deux exemples précédents. Ils nous montrent que la vie est une question de liens et que ces liens sont sans cesse à recréer. Quand nous ouvrons la Bible et surtout le livre de la Genèse, nous voyons que le projet de Dieu sur l’être humain est un projet de communion. Dieu met en communion l’être humain avec tout l’univers et il dit que cela est bon. Quand nous entrons en communion avec nous- mêmes, avec l’univers et avec les autres, Dieu voit que cela est bon, et même quand il crée l’homme et la femme et qu’ils sont en communion, Dieu ajoute que cela est très bon. La communion dans la différence entre un homme et une femme est une joie pour Dieu. Il ajoute même : « il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Dieu nous a créés aussi pour être en communion avec Lui et la bible parle d’un jardin où Dieu se promène et l’homme et la femme, Adam et Eve, sont heureux de vivre en sa compagnie. Nous pourrions dire que le bonheur est véritablement dans cette communion avec la différence.
Mais l’être humain va découvrir l’échec de cette communion, l’échec de cette relation.
D’abord l’échec de cette communion avec Dieu lui-même. Au lieu d’avoir confiance en Dieu, Adam va dire « j’ai eu peur ». De même, alors qu’il était en communion avec Eve, voilà qu’il dira « celle-là que tu as mise à mes côtés ». De même Caïn et Abel vont se jalouser au point que Caïn va tuer Abel. C’est la même chose que les êtres humains vont vivre avec l’univers. Autrefois, ils étaient en communion avec l’univers, maintenant ils vont devoir travailler à la sueur de leur front. La terre devient comme hostile à l’être humain. Il y a comme une opposition. Tout cela, pense la bible, est l’uvre du diable : « diabolos » en grec veut dire le diviseur. Dieu quelque part veut la communion, le diable désire avant tout la division. Or, ce qui était harmonie devient lutte, ce qui était communion devient violence et agression. Voilà comment la bible parle aussi du mal, du péché qui est en nous. Et Saint-Paul dira : « vraiment ce que je fais, je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je déteste
je découvre cette loi : quand je veux faire le bien, c’est le mal qui se présente à moi ». (Rom 7,15-21).
En conclusion, nous pourrions dire que nous sommes faits pour la communion et que les moments où nous sommes en communion avec Dieu, avec l’univers, avec nous-même, avec les autres, ce sont des moments de vrai bonheur. Mais nous découvrons souvent des ruptures de communion, des liens qui se cassent ,des blessures qui se ravivent dans notre cur, des pardons que nous n’arrivons à donner. Tout cela, c’est notre péché. Le péché, c’est une rupture de communion, un peu comme un fil qui nous relie à Dieu, aux autres, à l’univers, comme un fil invisible et ce fil s’est cassé. Alors le pardon, nous allons voir ce qu’il signifie mais on pourrait dire déjà que le pardon, c’est un nud que nous faisons pour renouer le fil et peu à peu, ce fil est rempli de nuds mais par le pardon nous nous rapprochons peu à peu de Dieu, des autres, de nous-mêmes, de l’univers. Voilà ce qu’est le pardon et ce que nous révèle l’Evangile. Nous avons finalement à nous pardonner mutuellement devant Dieu d’avoir laissé se détériorer notre vie relationnelle avec nous-mêmes, l’univers, les autres et Dieu.
II LE PARDON A LA LUMIERE DE L’EVANGILE
Quand nous ouvrons l’Evangile, nous découvrons l’immense confiance de Jésus pour tous les êtres humains, surtout les plus petits. Nous pourrions d’abord évoquer la confiance que Jésus a eue vis à vis de ses apôtres. Ils n’ont pas toujours compris son message, ils n’ont pas toujours été fidèles. L’un d’entre eux l’a trahi et l’autre l’a renié. Or, regardons comment Jésus s’est comporté vis à vis de Pierre et de Judas. Qu’est ce qui les différencie à travers l’expérience de la trahison et de l’échec ? Jésus n’a jamais renié sa confiance même vis à vis de Judas. C’est Judas qui n’a pas cru au pardon de Jésus et qui finalement s’est suicidé. Qu’est-ce qui le différencie de Pierre ?
Ouvrons l’évangile de Saint Luc, au chapitre 22, versets 61-62. Vous connaissez sans doute cette scène de l’Evangile où Pierre renie Jésus et dit devant la femme qui est là devant la maison du grand prêtre, dans la cour, « femme, je ne connais pas cet homme ». Et de même Pierre osera dire devant un autre homme « je ne sais pas ce que tu dis, je ne le connais pas ». Or, au même instant, comme il parlait encore, un coq chanta et le Seigneur sortant de la maison du grand prêtre se retourna et fixa son regard sur Pierre. Pierre alors se souvint de la parole du Seigneur qui lui avait dit : « avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois » et sortant dehors, Pierre pleura amèrement. J’aime beaucoup ce regard de Jésus posé sur Pierre. Ce n’est pas d’abord un regard qui juge mais c’est un regard de pardon, c’est un regard d’amour. Jésus ne dit pas à Pierre « qu’est-ce que tu viens de faire ? » ou encore « rappelle-toi, il y a quelques heures, tu avais dit, Seigneur, je suis prêt à aller avec toi, même en prison et à la mort ». Jésus pose un regard de pardon sur Pierre, un regard d’espérance et de confiance au point qu’en sortant Pierre va pleurer amèrement. C’est ce regard de Jésus qui a libéré Pierre du suicide.
Et au moment où Jésus ressuscité apparaît à ses disciples dans Saint Jean, au chapitre 21 versets 15 à 17, il est simplement question de cette rencontre entre Jésus et Pierre. Jésus dit à Simon Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Jésus lui dit « Pais, mes agneaux ». Je trouve ce passage merveilleux. Dans la rencontre de Pierre et de Jésus, il n’y a aucun reproche sur le passé mais là aussi, une seule question que Jésus ose poser à Pierre « M’aimes-tu ? ». Pierre ne répond pas : « je t’aime » car il a reconnu son péché, son reniement. Mais Pierre dit simplement « toi qui me connais Seigneur, tu sais que je t’aime ». Alors Jésus peut lui confier son Eglise et Pierre peut devenir le premier Pape. Il pourra redire à tous ses frères que dans sa vie il a fait l’expérience du pardon et il les invitera à ne pas désespérer de Jésus. Qui que nous soyons, quoi que nous ayons fait, Jésus continue de garder confiance en nous. Recevoir le pardon de Jésus, c’est laisser poser sur nous ce regard de confiance du Père qui ne cesse de nous espérer. D’où pardonner, c’est porter un regard divin sur l’autre. Vous avez aussi entendu ce texte de Zachée. Zachée nous montre que nous sommes invités à accueillir Jésus chez nous même si notre maison n’est pas très rangée, même si notre chambre n’est pas très ordonnée. Jésus s’invite dans notre vie quelle qu’elle soit. N’ayez pas peur, vous les jeunes, d’inviter Jésus chez vous, dans votre propre vie.
L’Evangile aussi nous montre l’expérience du père aimant et des deux fils. Vous connaissez aussi ce texte du fils prodigue et du fils aîné. Il se trouve dans Saint Luc, chapitre 15, versets 11-24.Vous connaissez la Parabole de Jésus mais je voudrais surtout insister sur l’attitude des deux fils face au père. Quand le fils cadet revient, il revient vers un père. Tout le monde l’a abandonné mais il sait qu’il a encore quelqu’un qu’il peut appeler du nom de père. Et c’est vers lui qu’il revient. Or, il pense dans sa tête qu’il préfère être traité en esclave dans la maison de son père que d’être vraiment traité comme il l’a été par tous ceux qui l’ont exploité. Même s’il est esclave, son père continuera de respecter sa dignité. Or, quand il revient, c’est le père qui se jette à son cou et qui l’embrasse longuement. Le fils n’a pas le temps de dire « traite-moi en esclave » il dit simplement « je ne mérite plus d’être appelé ton fils ». Or, voilà que le père dit au serviteur « vite, apportez la plus belle robe, mettez-lui un anneau au doigt, des chaussures aux pieds, amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé ». Et ils se mirent à festoyer. Qu’est-ce que cela signifie pour nous ?
Quand nous revenons vers Dieu, nous demeurons pour Lui des fils et des filles de ce Père. Il a toujours confiance en nous. Et quand nous faisons cette démarche de pardon, de réconciliation vers Lui, dans le sacrement du Pardon, le Père nous revêt de sa plus belle robe, c’est-à-dire qu’il nous redonne toute dignité de fils et de fille.Iil passe à notre doigt un bel anneau pour nous dire sa fidélité et il nous met aux pieds des nouvelles chaussures comme pour repartir à nouveau dans la vie. Et nous sommes invités à être heureux, c’est la fête. Voilà le sens même de la Parabole. Seulement, nous pouvons être aussi comme le fils aîné, profondément jaloux, profondément orgueilleux. Lui, refuse d’entrer en méprisant son frère mais surtout il n’a jamais découvert son père. Il dit simplement « voilà des années que je te sers sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres et moi, tu ne m’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis ». Vous voyez, pour ce fils aîné, le père est un peu comme un patron qui donne des ordres. C’est vrai, ce fils aîné, n’a jamais désobéi mais il n’a jamais aussi demandé pardon au père. Or, vous savez bien que pour grandir dans l’amour, il faut passer par le pardon. Dans l’Evangile, Jésus nous invite à grandir dans la communion avec son Père, avec Dieu. Mais il n’y a pas d’autre chemin que de demander pardon au Père. Etre pécheur, c’est être devant quelqu’un qui nous aime et toujours nous nous tournons vers Jésus sur la Croix qui nous montre que le Père, que Dieu son Père, nous aime. C’est cela le sacrement de réconciliation.
III LE SACREMENT DE RECONCILIATION
Ensemble, nous méditons cette phrase de Saint Paul « au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Nous avons découvert que le péché est une rupture d’amour. Pour prendre une image, nous pourrions dire que notre péché ressemble aux carreaux qui sont remplis de poussière. Quand il fait nuit ou quand il fait sombre, nous ne voyons pas la poussière sur les carreaux. C’est lorsque le soleil luit que nous découvrons la poussière. Il en est ainsi dans notre vie. C’est lorsque nous nous sentons aimés de Dieu, c’est à la lumière de son amour que nous découvrons notre péché. Plus nous grandissons dans l’amour de Dieu, plus nous reconnaissons notre infidélité. Plus nous voulons aimer les autres, plus nous découvrons que nous les blessons par nos paroles et nos actes d’égoïsme et d’indifférence. Alors, nous pourrions désespérer de nous-mêmes et dire que nous n’y arriverons jamais. Jésus veut nous montrer qu’en nous donnant son Esprit Saint, il nous donne son pardon. Il le dit dans l’Evangile de Saint Jean, au chapitre 20 versets 19 à 23, lorsqu’il apparaît le soir de Pâques à ses disciples, il souffla sur eux et leur dit « recevez l’Esprit Saint . Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ». Cette phrase est surprenante. Lorsque Jésus apparaît à ses disciples et qu’Il leur envoie l’Esprit- Saint, cela concerne d’abord le pardon et la confiance. La paix que Jésus veut nous donner et mettre dans notre cur, ce n’est pas forcément la paix des braves mais davantage la paix du cur, la confiance, l’aventure du pardon et de la réconciliation.
Le Saint Père a beaucoup insisté auprès des chrétiens et surtout auprès de vous les jeunes, pour retrouver cette démarche personnelle du sacrement de réconciliation. Voici ce qu’il dit en s’adressant à vous : « puisez votre force dans la grâce sacramentelle de la Réconciliation et de l’Eucharistie. Jour après jour vous recevrez un nouvel élan qui permettra de réconforter ceux qui souffrent et de porter la paix autour de vous ». Il y a des pardons que nous n’arrivons pas à donner. C’est trop difficile. Je pense particulièrement à une jeune fille qui a été violée par son père. Je peux vous dire que c’est en recevant peu à peu ce pardon de Jésus qu’un jour, alors que son père se trouvait à l’hôpital, elle a pu aller lui dire bonjour, lui dire qu’elle le pardonnait, et elle a même pu l’embrasser. Cela, ce n’était pas possible humainement, mais c’était l’uvre de Jésus ressuscité en elle. C’est en recevant le pardon de Dieu dans notre vie que nous arrivons à notre tour à pardonner. Le Saint Père dit encore dans l’une de ses lettres en s’adressant plus particulièrement à vous les jeunes, que vous êtes des veilleurs. Le veilleur, c’est lui qui le matin voit le jour poindre à l’horizon. Vous avez entendu aussi que vous êtes le sel de la terre. Jésus vous le dit pour le monde d’aujourd’hui. Le sel donne du goût et saveur aux aliments. En étant témoins du pardon autour de vous, vous les jeunes, vous devenez pour le monde d’aujourd’hui, sel de la terre. Nous ne pouvons pas grandir dans la vie sans la réconciliation et le pardon. C’est la grâce que je demande au Seigneur de vous accorder, ici, durant ces JMJ. Je vous souhaite de devenir dans le monde des témoins du pardon et de la réconciliation, au nom de Jésus.
Que Le Seigneur vous bénisse et que la Vierge Marie vous accompagne au long de votre vie !