Catéchèse de Mgr Dubost aux pèlerins des JMJ, le vendredi 26 juillet 2002, sur le thème : “Soyez réconciliés avec Dieu”.
Laissez-vous réconcilier avec Dieu !
Voici que, après saint Paul, je me permets de vous lancer cet appel.
Malheureusement, je ne suis pas sûr que cela vous surprenne : Après tout, vous pensez normal même si cela n’est pas forcément agréable à entendre qu’un évêque vous invite à vous convertir.
Vous pensez que c’est son travail.
De plus, vous avez l’habitude que l’on accuse la jeunesse sa violence, son usage de la sexualité sa paresse son manque d’intérêt pour les choses importantes et son goût de l’éphémère
que sais-je ?
Je ne viens pas comme un accusateur.
Je suis pécheur comme vous car nous sommes tous pécheurs.
Tous. Et quelquefois, si j’en crois l’Evangile, les plus vieux davantage que les plus jeunes.
Et je viens humblement vous demander nous demander à nous qui sommes frères et surs dans le Christ de laisser l’Esprit du Christ envahir notre cur
.
Il est vrai que, à certains moments, nous sommes déviants et nous ne percevons même plus que nous n’aimons pas, que nous ne faisons pas attention aux autres, comme les pharisiens de l’Evangile.
Il est vrai qu’à d’autres moments, nous sommes défaillants, que nous le savons et que nous en avons honte la trahison d’un ami par l’un, un péché sexuel pour l’autre ou encore une violence ou une tricherie peuvent hanter notre conscience ; quelquefois, cette mauvaise conscience vient davantage du fait que nous découvrons que nous sommes moins bien que nous espérons l’être plutôt que parce que nous avons mal agi.
Il est vrai qu’à d’autres moments encore, comme disent nos frères québécois, nous sommes mal pris, déchirés entre des solutions qui semblent toutes mauvaises comme certains entrepreneurs devant faire face à leur concurrence déloyale ou des hommes s’étant laissés prendre par plusieurs amours à la fois.
Il peut même arriver que nous soyons comme à distance de tout problème du bien et du mal, marqués par une blessure, un viol, un abandon qui font que nous nous sentons toujours étrangers.
Je ne doute pas que le péché soit présent dans votre vie, comme il l’est dans la mienne, et pourtant je voudrais vous demander d’entendre l’appel de Dieu beaucoup plus en profondeur même que le plus profond de vos péchés.
Pour être heureux, il nous faut réussir à être “réconciliés”
– Avec nous-mêmes
– Avec les proches
– Avec le monde
– Avec Dieu
Laissez-vous réconcilier avec vous-mêmes.
Osez être ambitieux !
Osez entendre en vous l’appel à l’absolu !
Osez entendre en vous le cri de votre désir, il vous conduit vers Dieu.
Ne vous résignez pas !
Dieu vous appelle à être vous-même, c’est-à-dire saint.
Je connais des gens qui détestent la terre entière ou qui sont indifférents et qui refusent Dieu, parce qu’ils ne s’aiment pas.
Dieu, lui, vous fait confiance.
Vous avez donc le droit et le devoir de vous faire confiance.
Vous faire confiance : qu’est-ce que cela veut dire ?
– Avoir le goût de la liberté, de la vraie liberté : pas de ce semblant de liberté que j’appelle la liberté des grands magasins où l’on peut choisir entre un T-shirt rose et une chemise verte, même pas cette liberté que l’on cherche en essayant de ne pas avoir de contraintes, en ne s’engageant pas. Mais à quoi servirait de pouvoir faire tout ce que l’on veut si on ne sait pas pourquoi faire !
La vraie liberté, celle qui correspond à notre désir le plus profond, nécessite une libération de ce qui nous entrave et en particulier du péché pour être responsable et se donner. La liberté, c’est d’être acteur.
– Etre son corps.
Comme vous, je constate que beaucoup aujourd’hui passent beaucoup de temps à soigner leur corps : gym, cures d’amaigrissement, bronzage, pommades, techniques de relaxation, de musculation, lifting et je passe le sport.
Il est important que le corps soit soigné et même qu’il ait un look une apparence agréable.
Mais le corps n’est pas qu’une apparence.
Pour être réconcilié avec soi, il faudrait que le corps reflète le cur, la personnalité profonde et qu’il ne soit pas instrumentalisé qu’on l’utilise pour un but déterminé – mais qu’il devienne signe d’amitié, d’amour.
Les mêmes gestes peuvent être signes d’angoisse, de peur, de possession ou d’amour
Etre réconcilié avec son corps demande d’accepter sa mort.
Etre réconcilié avec son corps demande de savoir que la beauté dépend de l’amour et de la bonté.
Je connais des vieilles qui lorsqu’elles prient sont de toute beauté.
– Aimez-vous.
Cela a l’air facile de dire : “Aimez-vous” !
Mais pour certains, il suffit de se regarder dans un miroir ou d’examiner leur vie pour ne plus s’aimer.
Certains sont tentés de s’aimer quand tout marche bien
et encore !
Mais vous éprouverez des moments difficiles où le système social ou des personnes qui comptent sembleront ne pas avoir besoin de vous, vous rejeter
Vous souffrirez
Vous trouverez la vie difficile.
C’est à ce moment-là qu’il faudra vous aimer.
Certains vous diront : Oublie. Eclate-toi
Et moi, je vous dis, construis-toi. Ne sois pas futile. Aime-toi pour être capable d’aimer.
Je le sens
Vous allez me dire :
OK, je suis d’accord pour accepter qu’il faut, pour être bien, que je m’aime, que je sois bien dans mon corps et que j’aie le goût de la liberté.
Mais en quoi Dieu intervient là-dedans ?
Dieu vous aime. C’est son amour qui vous réconcilie avec vous-mêmes.
Dieu le Père a envoyé son Fils pour qu’il mène la même vie que nous.
En tout, excepté le péché.
Parce qu’il vous considère, comme vous ne pouvez pas l’imaginer !
Je ne sais pas ce que vous pensez de vous-mêmes.
Savez-vous que le Christ dit de vous que vous êtes un cadeau de son Père ?
Un cadeau divin et il parle de vous en disant : “Ceux que tu m’as donnés”
.
Et Dieu compte sur vous comme sur son Fils pour aimer le monde.
Nous avons été donnés au Fils pour poursuivre son uvre d’amour pour le monde.
Aimer !
Vous ne serez jamais heureux si vous n’apprenez pas ce que veut dire ce mot.
Ne croyez jamais savoir
On ne sait jamais vraiment.
Et on n’est jamais vraiment capable de se réconcilier avec soi et avec Dieu tant qu’on ne sait pas.
Les enfants les plus jeunes parlent d’amour.
Bien sûr, ils ne savent pas ce que c’est sauf sans doute s’ils en manquent -
.
Est-ce qu’un poisson rouge sait qu’il est dans l’eau ?
Est-ce que nous savons, enfants, combien nous avons besoin d’air pour respirer ?
Au seuil de l’adolescence, notre corps se transforme.
Le mot “amour” prend un sens nouveau.
Nous rêvons d’être amoureux.
Au début, nous sommes surtout amoureux de nous-mêmes, amoureux d’être amoureux.
Puis un jour, beaucoup deviennent amoureux.
Et tous, je crois, ont des amis qui, sur un autre plan, vont faire apprendre l’amitié.
Et l’amitié va pouvoir grandir
Mais un jour, la plupart aiment c’est-à-dire sont prêts à se livrer totalement à quelqu’un d’autre.
Mais entre être prêt à se livrer et se livrer réellement,
Il peut y avoir beaucoup d’illusions, beaucoup de distances.
Et aimer quelqu’un ne suffit pas à l’homme ou à la femme.
Il lui faut plus.
Le sacrement de mariage leur permet de vivre plus.
Leur amour de personne à personne
y prend une signification d’Absolu, comble leur désir d’Absolu
Car ils y apprennent dans leur amour à aimer le monde comme Dieu l’aime
Car ils y apprennent que c’est par leur amour que Dieu aime le monde.
Et leur amour même leur apprend petit à petit
A coup d’enfant qui pleure, à coup de différence, à coup d’épreuve,
A découvrir que l’amour véritable est don total.
Se donner est ce qui permet de se réconcilier avec notre désir le plus profond.
Et si l’amour naît dans la famille, il ne se confine pas à la famille.
Que serait un amour qui ne penserait pas à l’avenir de la planète ?
qui accaparerait les richesses d’aujourd’hui
en ignorant le sort de ses enfants ?
Ou le sort des enfants des autres ?
Comment pouvons-nous prétendre savoir ce qu’est l’amour
Si nous refusons de voir ce qui se passe à l’autre bout du monde ?
Ou même au bout de notre rue ?
Saint Paul affirme que la Création tout entière attend le salut.
“La Création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu
Toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement”
La création ne pourra être elle-même,
Et nous ne pourrons être nous-mêmes,
ayant trouvé enfin notre place dans le monde, réconciliés avec les habitants du monde entier et même la nature,
que si l’Esprit d’amour, l’Esprit du Christ est en nous.
Dans le monde, pour accueillir les nécessaires changements du monde,
Je vous en prie, laissez-vous réconcilier avec Dieu
Comment faire ?
Savez-vous pourquoi tous les hommes sont différents ? Parce qu’ils ressemblent tous à Dieu !
Dans l’Eucharistie, vous êtes appelés à vous réconcilier avec vous-mêmes en faisant corps avec le Christ
A la messe, lorsque le prêtre verse un peu d’eau dans le calice, il prie ainsi :
“Comme cette eau se mélange au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité”.
Etre uni au Christ, c’est être uni à Dieu.
C’est entrer dans l’intimité de Dieu Créateur de tout
et de tous.
C’est découvrir une fraternité universelle.
Et nous sommes fabriqués pour cela.
Nous ne sommes réconciliés avec nous-mêmes qu’en vivant en Dieu cette fraternité universelle…
– Pour vivre en Dieu, il faut donc apprendre cette fraternité
Et cela se fait d’abord en Eglise.
Si vous n’aimez pas l’Eglise, vous ne serez jamais réconciliés avec Dieu.
Dans le monde, beaucoup regardent l’Eglise d’une manière telle qu’il leur est impossible de l’aimer : ils la regardent selon son aspect extérieur : c’est comme si on commençait par vous regarder par tout ce qui est limité en vous.
Le chrétien voit au cur de l’Eglise le cur du Christ
Il y respire l’Esprit du Christ.
Et il sait qu’il ne peut être lui-même que dans la pleine communion avec ceux qui composent cette Eglise.
Et c’est là qu’il faut parler de drame.
Aucun d’entre nous ne peut être lui-même totalement lui-même tant que l’Eglise est divisée, morcelée, cassée.
Lutter pour l’unité de l’Eglise, à l’intérieur de l’Eglise catholique comme avec nos frères orthodoxes ou réformés, est essentiel pour se laisser réconcilier avec Dieu.
Ne pas vivre dans l’unité, c’est vivre soi-même brisé.
Mais comme dans un couple, il ne suffit pas de dire qu’il faut s’aimer. L’unité n’est possible que dans la vérité, c’est-à-dire dans l’écoute amoureuse de ce que l’Esprit dit aux Eglises en particulier à travers la Parole de Dieu.
Vivre réconcilié avec soi-même nécessite d’aimer plus loin que le bout de son Eglise : Dieu est Trinité, Dieu est différence en lui-même, il est amour en lui-même. Nous ne pouvons être réconciliés avec lui et avec nous qu’en vivant de son Esprit
.
L’Esprit est présent sur toute la création.
C’est lui qui nous fait découvrir que chaque homme, chaque créature a été créée par la Parole pour nous parler du Père
Nous serons étrangers au monde et à nous-mêmes tant que nous ne verrons pas l’invisible, tant que nous n’entendrons pas cette Parole répondre…, tant que de notre cur ne jaillira pas, à chaque instant, le mot Père.
Se laisser réconcilier avec Dieu
C’est entrer dans la grande prière de louange, d’émerveillement
Pou la création
Pour le Fils qui a vécu notre condition d’homme en toutes choses
Pour la Réconciliation que celui-ci établit entre nous, Dieu et le monde
En faisant circuler sa vie par le don de son sang.
Laissez-vous réconcilier avec Dieu
.
Le Fils vous supplie dans votre liberté de vous tourner vers lui pour le chanter.
Je vous le dis, c’est ainsi que vous serez sous-mêmes.