Catéchèse de Mgr Raffin aux pèlerins des JMJ, le jeudi 25 juillet 2002, sur le thème : “Vous êtes la lumière du monde”.
I. – Lumière et ténèbres. Que dit la Parole de Dieu ?
Le thème de la lumière est présent à travers toute la Bible. La séparation de la lumière et des ténèbres fut le premier acte du Créateur (Gn 1,3 et ss). Au terme de l’histoire du salut, la nouvelle création aura Dieu lui-même pour lumière : ” La cité n’a pas besoin de la lumière du soleil ni de la lune, car la gloire de Dieu l’a illuminée et sa source de lumière, c’est l’Agneau ” (Ap 21,23). De la lumière physique qui alterne ici-bas avec l’ombre de la nuit, on passera ainsi à la lumière sans déclin qui est Dieu lui-même : ” Dieu est lumière, il n’y a pas de ténèbres en lui ” (1 Jn 1,5). L’histoire qui se déroule dans l’entre-deux prend elle-même la forme d’un conflit où la lumière et les ténèbres s’affrontent, affrontement identique à celui de la vie et de la mort L’homme est l’enjeu de ce conflit : son sort final se définit en termes de lumière et de ténèbres comme en termes de vie et de mort.
Ancien Testament
1. – La lumière comme les ténèbres sont créatures de Dieu. Lumière et ténèbres chantent le même cantique à la louange de Dieu (Ps 18,3 ; 148,3).
2. – La lumière est comme le reflet de la gloire de Dieu
Les ténèbres n’excluent pas la présence de Dieu, puisqu’il les sonde et voit ce qui s’y passe (Ps 138, 11-12). Cependant la ténèbre par excellence, celle du Shéol, est un lieu où les hommes sont ” retranchés de sa main ” (Ps 87, 6-13).
3. – Dieu est lumière et communique à l’homme sa lumière. Par sa Loi, il éclaire les pas de l’homme (Ps 118, 105). Il est la lampe qui le guide (Ps 17,29). En l’arrachant au péril, il illumine ses yeux (Ps 12,4) ; il est ainsi sa lumière et son salut (Ps 26,1). Finalement, si l’homme est juste, il le conduit vers la joie d’un jour lumineux (Ps 35,1) tandis que le méchant trébuche dans les ténèbres et voit s’éteindre sa lampe. Lumière et ténèbres représentent les deux sorts qui attendent l’homme, le bonheur pour le juste et le malheur pour l’impie.
4. – Les prophètes annoncent le Jour du Seigneur comme un jour de lumière. ” le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière
” (Is 9,1).
Nouveau Testament
Le Christ, lumière du monde
5. – Jésus accomplit les promesses de l’A.T. Quand il commence de prêcher en Galilée, l’oracle d’Is. 9,1 s’accomplit. Quand il ressuscite d’entre les morts, selon les Ecritures, c’est pour ” annoncer la lumière au peuple et aux nations païennes ” (Ac 26,23). Saint Luc salue la naissance de Jésus comme celle du Soleil levant qui doit illuminer ceux qui se tiennent dans les ténèbres (1,78), la lumière qui doit éclairer les nations païennes (Lc 2,32).
6. – Cependant, c’est surtout par ses actes et ses paroles qu’on voit Jésus se révéler comme Lumière du monde. Les guérisons d’aveugles ont sur ce point une signification particulière, notamment en saint Jean, celle de l’aveugle-né. Jésus déclare alors : ” Tant que je suis dans le monde, je suis la Lumière du monde ” (Jn 9,5). Ailleurs, il commente : ” Qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ” (8,12). ” Moi, la lumière, je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne marche pas dans les ténèbres ” (12,46). Son action illuminatrice découle de ce qu’il est en lui-même : la Parole même de Dieu, vie et lumière des hommes, Lumière véritable qui illumine tout homme en venant dans ce monde (1, 4-9). Aussi le drame qui se noue autour de lui est-il un affrontement de la lumière et des ténèbres : la Lumière luit dans les ténèbres (1,4) et le monde mauvais s’efforce de l’étouffer, car les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière lorsque leurs uvres sont mauvaises (3,19). Finalement, à l’heure de la Passion, quand Judas sort du Cénacle pour livrer Jésus, Jean note intentionnellement : ” Il faisait nuit ” (13,29) ; et Jésus, lors de son arrestation, déclare : ” C’est maintenant votre heure, c’est la domination des ténèbres ” (Lc 22,53).
7. – Le Christ transfiguré. Tant que Jésus vécut ici-bas, la Lumière divine qu’il portait en lui demeurait voilée sous l’humilité de la chair. Il est pourtant une circonstance où elle devint perceptible à des témoins privilégiés, dans une vision exceptionnelle : la Transfiguration.
Les fils de lumière
8. – Aux yeux de Jésus, les hommes se divisent en ” fils de ce monde ” et en ” fils de lumière “. Entre les deux s’opère un partage lorsque paraît le Christ-Lumière : ceux qui font le mal fuient la lumière, pour que leurs uvres ne soient pas dévoilées ; ceux qui agissent dans la vérité viennent à la lumière (Jn 3,19) et ils croient en la Lumière pour devenir des fils de lumière (Jn 12,36).
9. – Des ténèbres à la lumière. Par naissance, tous les hommes appartiennent au domaine des ténèbres. C’est Dieu qui ” nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ” (1 P 2,9). Nous arrachant à l’empire des ténèbres, il nous a transférés dans le Royaume de son Fils pour que nous partagions le sort des saints dans la lumière (Col 1,12) : grâce décisive, expérimentée lors du baptême, quand ” le Christ a lui sur nous ” (Ep 5,14) et que nous avons été ” illuminés ” (He 6,4). Jadis, nous étions ténèbres, maintenant, lumière dans le Seigneur (Ep 5,8). Cela détermine pour nous une ligne de conduite : ” vivre en fils de lumière ” (Ep 5,8).
10. – ” Vivre en fils de lumière “. Il ne faut pas que l’homme laisse s’obscurcir sa lumière intérieure, de même qu’il veille sur son il, lampe de son corps (Mt 6,22). Pour Paul, il faut revêtir les armes de lumière et rejeter les uvres des ténèbres (Rm 13, 12 et ss), de peur que le Jour du Seigneur ne nous surprenne (1 Th 5, 4-8). Toute la vie morale entre dans cette perspective : le ” fruit de la lumière “, c’est tout ce qui est bon, juste et vrai ; les ” uvres stériles des ténèbres ” comprennent les péchés de toute sorte (Ep 5, 9-14). Jean ne parle pas autrement. Il faut ” marcher dans la lumière ” pour être en communion avec le Dieu qui est lumière (1 Jn 1,5 et ss). Le critère, c’est l’amour fraternel : à cela l’on reconnaît si l’on est dans les ténèbres ou dans la lumière (2, 8-11). Celui qui vit ainsi, en vrai fils de lumière, fait rayonner parmi les hommes la lumière divine dont il est devenu dépositaire.
Devenu à son tour lumière du monde (Mt 5,14 ss), il répond à la mission que
le Christ lui a confiée
11. – Vers la lumière éternelle. Engagé sur une telle voie, l’homme peut espérer la merveilleuse transfiguration que Dieu a promise aux justes dans son Royaume (Mt 13, 43). En effet, la Jérusalem céleste où ils parviendront finalement reflètera sur elle la lumière divine, conformément aux prophéties de l’A.T. ; alors les élus, en contemplant la face de Dieu, seront illuminés par cette lumière (Ap 22, 4 et ss). Telle est l’espérance des fils de lumière ; telle est aussi la prière que l’Eglise adresse à Dieu pour ceux d’entre eux qui ont quitté la terre : ” Que les âmes des fidèles défunts ne soient pas plongées dans les ténèbres, mais que l’archange saint Michel les introduise dans la lumière sainte ! Fais briller sur eux la lumière sans fin ! ” (Ant. d’offertoire Domine Iesu Christe de la messe des funérailles).
II. – ” Vous êtes la lumière du monde ” (Mt 5, 14)
Quand Jésus déclare à ses disciples rassemblés autour de lui sur la montagne : ” Vous êtes le sel de la terre Vous êtes la lumière du monde “, il entend leur révéler à la fois leur vocation et leur mission de disciples.
Leur vocation : Lumière du monde, ils le sont dans la mesure où ils sont transparents à la lumière du Christ.
Leur mission : Cette lumière est destinée à briller devant les hommes : ” Que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ” (Mt 5, 16).
1. – Etre transparent à la lumière du Christ
C’est par le baptême que l’on a part à la lumière du Christ. Le baptême est un mystère de lumière ; l’antiquité chrétienne l’appelait couramment illumination (phõtismos) sans plus.
Le CEC affirme :
” Ce bain est appelé illumination, parce que ceux qui reçoivent cet enseignement (catéchétique) ont l’esprit illuminé ” (S. Justin). Ayant reçu dans le baptême le Verbe, ” la lumière véritable qui illumine tout homme ” (Jn 1,9), le baptisé après avoir été illuminé (He 10,32) est devenu fils de lumière (1 Th 5,5) et ” lumière ” lui-même (Ep 5,8) ” (n° 1216).
” On a souvent évoqué les splendeurs (anciennes) de la liturgie baptismale. Le mystère du baptême s’accomplit normalement au terme de la veillée pascale ; le catéchumène s’est tourné vers le Christ ressuscité, lumière du monde, Oriens ex alto. On l’a introduit dans le baptistère, illuminé par des lampes nombreuses : au Latran, un candélabre de porphyre se dressait au milieu des eaux, il supportait une vasque d’or contenant cent livres d’huile parfumée, qui brûlaient durant la sainte vigile ; l’eau ruisselle, et sa transparence brille de toute cette lumière. Le néophyte va ” recevoir dans leur parfaite pureté la possession et la contemplation de la lumière divine “.
Quant à partir du IVe siècle, l’usage se répandit en Orient de conférer le baptême en la fête de l’Epiphanie, c’est encore au cours d’une fête de la lumière. Au cours des ténèbres de l’hiver, les hommes commencent à entrevoir la lumière dont la pleine clarté les réjouira ; ainsi, l’Epiphanie, c’est l’apparition, la manifestation glorieuse de celui qu’une étoile révèle aux nations, et qui est la lumière du monde. Les ténèbres couvrent la terre et l’obscurité enveloppe les peuples ; mais la lumière du Seigneur brille sur le chrétien et sa gloire se fait voir à lui ” (P ;-Th. CAMELOT, Spiritualité du baptême, pp. 87-88).
Aujourd’hui, lorsque des adultes sont baptisés, on leur remet un cierge allumé à la flamme du cierge pascal en leur disant :
” Vous êtes devenus lumière dans le Christ :
marchez toujours comme des enfants de lumière ;
demeurez fidèles à la foi de votre baptême.
Alors, quand le Seigneur viendra,
vous pourrez aller à sa rencontre dans son Royaume
avec tous les saints du Ciel “.
Lors du baptême des petits enfants, ce sont les parrain et marraine qui reçoivent la lumière en leur nom et une formule équivalente est utilisée.
Lors des exorcismes qui accompagnent la préparation au baptême des adultes, on lit le récit de la guérison de l’aveugle-né en saint Jean et l’on prie pour les catéchumènes en ces termes :
” Père de toute clarté,
toi qui donnes à l’aveugle-né de croire en ton Fils
et d’entrer par cette foi dans le royaume de ta lumière,
fais que ces catéchumènes
soient libérés de toute erreur
qui les enferme et les aveugle ;
et donne-leur la grâce
de s’enraciner fermement dans la vérité
pour devenir fils de lumière,
et le demeurer toujours “.
” Par le baptême, l’âme est purifiée des souillures du péché et libérée des liens de Satan qui la tenaient enchaînée. Elle peut donc s’ouvrir à la lumière de la foi. Saint Thomas d’Aquin souligne en ce sens le symbolisme de l’eau baptismale, ” capable de recevoir la lumière “. Il ajoute que le baptisé est ” illuminé par la foi “. La foi est une lumière, on ne le redira jamais trop. Sans doute, elle est essentiellement obscure, puisque par définition elle a pour objet ce qu’on ne voit pas, et qu’on tient, sans le voir, sur la parole d’un témoin. Mais quand ce témoin est Dieu, quelle certitude, quelle lumière que cette parole, entendue dans les ténèbres ! La parole de Dieu est une lampe sur nos pas, une lumière sur nos sentiers (Ps 118, 105). A cette lumière, tout s’éclaire : la vie en apparence la plus déconcertante, la plus absurde, prend son sens ; même dans les plus épaisses ténèbres, la foi fait apercevoir la main paternelle de Dieu. Les pires difficultés ne peuvent ébranler l’homme qui a la foi : ainsi que Moïse devant le Pharaon : ” il tient bon, comme s’il voyait l’invisible ” (He 11, 27). Ces mots de la Lettre aux Hébreux sont peut-être la plus belle définition de la foi : la foi fait voir l’invisible Ainsi, la vie dans la foi, la vie du baptisé, est une vie dans la lumière : avant le baptême, l’homme errait dans la nuit de ce monde, en proie à l’incertitude et au doute ; maintenant il marche dans la vérité et la connaissance de Dieu ” (P.-Th. CAMELOT, ibid, pp. 95-96).
2. – ” Marchez toujours comme des enfants de lumière,
demeurez fidèles à la foi de votre baptême ”
Ce n’est pas seulement le jour du baptême ou pendant la préparation catéchuménale qu’il faut être transparent à la lumière du Christ, mais chaque jour.
C’est chaque jour qu’il faut suivre le Christ : ” Moi, je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie ” (Jn 8,12).
C’est chaque jour qu’il faut le rencontrer personnellement dans la prière et la lecture de sa parole. De cette rencontre personnelle avec le Christ, jaillit une lumière nouvelle qui éclaire notre vie : ” La manière nouvelle de regarder le monde et les personnes, manière qui nous vient de lui, nous fait pénétrer plus profondément dans le mystère de la foi, qui est non seulement un ensemble d’énoncés théoriques à accueillir et à ratifier par l’intelligence, mais une expérience à assimiler, une vérité à vivre, le sel et la lumière de toute la réalité ” (Jean-Paul II, Message aux JMJ 2002, n° 3).
C’est chaque jour qu’il faut chercher à vivre selon l’Evangile : ” Que l’Evangile soit le grand critère qui guide les choix et les orientations de votre vie ! “, dit encore Jean-Paul II (Ibid).
Chaque jour. Alors que la culture contemporaine privilégie les temps forts mais sans continuité, l’expérience chrétienne est attachée, au nom même de la parole de Dieu, à la quotidienneté. Chaque jour, ces mots reviennent souvent dans l’Evangile et, dans le Notre Père, nous demandons le pain de ce jour. Le temps fort des JMJ ne portera du fruit que s’il transforme votre vie de chaque jour.
3. – Des témoins (et des missionnaires)
En marchant comme des enfants de lumière de la façon que je viens de décrire, nous laissons briller en nous la lumière du Christ, nous devenons ses témoins : ” Là où vous travaillez et où vous vivez, vous serez des signes de l’amour de Dieu, des témoins crédibles de la présence amoureuse du Christ De même que le sel donne de la saveur aux aliments et que la lumière éclaire les ténèbres, de même la sainteté donne le sens plénier à la vie, en en faisant un reflet de la gloire de Dieu ” (Jean-Paul II, ibid).
” Vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ” (Ac 1,8).
Comment être témoin ?
En s’appuyant sur la force de l’Esprit Saint, reçu à la confirmation. Avez-vous tous reçu le sacrement de la confirmation qui est le sacrement qui fait les témoins ? Sinon demandez à le recevoir. Confirmés, qu’avez-vous fait de votre confirmation ?
Appuyés sur la force de l’Esprit, en triomphant de nos peurs. Peur de vous affirmer comme chrétiens au lycée, à l’Université, dans le travail, dans le loisir. On s’affirme comme chrétien plus en vivant comme chrétien qu’en disant que l’on est chrétien, mais il ne faut pas avoir peur de dire que l’on est chrétien et que ” la foi est une décision personnelle qui engage toute l’existence ” (Jean-Paul II, ibid)).
On vit en chrétien, en privilégiant les choix de l’Evangile sur ceux que propose le monde ambiant : on préfère l’honnêteté à la malhonnêteté, par exemple dans les choix professionnels ; on préfère un amour véritable et durable dans la fidélité au plaisir d’un instant qui n’aura pas de lendemain et qui ne construit rien. On vit en chrétien, en étant un intrépide défenseur de la vie, de son fragile commencement jusqu’à son terme naturel. On respecte sa vie, son corps, la vie et le corps des autres. On vit en chrétien en cherchant à vivre la pureté du cur, dans un monde qui favorise la pornographie.
Le témoin du Christ et de son Evangile est fréquemment persécuté ou du moins rejeté, mis à l’écart, objet de dérision. L’Esprit nous est promis à ce moment-là comme réconfort et consolation.
Persécuté ou non, le vrai témoin n’a plus peur.
4. – (Des témoins) et des missionnaires
Tout témoin est missionnaire : ” En voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ” (Mt 5, 16) et tout missionnaire est nécessairement témoin. Et cependant le missionnaire est plus qu’un témoin, il est préoccupé par l’annonce explicite de l’Evangile, c’est un évangélisateur.
Le 8 décembre 1975, dix ans après la clôture du Concile Vatican II, le Pape Paul VI a publié un document important sur l’évangélisation, l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi : Annoncer l’Evangile aux hommes de notre temps.
Ce document rappelle entre autres qu’
” Evangéliser est la grâce et la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse ” (n° 14).
” Evangéliser, pour l’Eglise, c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même : ” voici que je fais l’univers nouveau ! ” (Ap 21,5 ; cf. 2 Co 5,17 ; Ga 6,15). Mais il n’y a pas d’humanité nouvelle s’il n’y a pas d’abord d’hommes nouveaux, de la nouveauté du baptême (cf. Rm 6,4) et de la vie selon l’Evangile (cf. Ep 4, 23-24 ; Col 3, 9-10). Le but de l’évangélisation est donc bien ce changement intérieur et, s’il fallait le traduire d’un mot, le plus juste serait de dire que l’Eglise évangélise lorsque, par la seule puissance divine du Message qu’elle proclame (cf. Rm 1,16 ; 1 Co 1,18 ; 2,4), elle cherche à convertir en même temps la conscience personnelle et collective des hommes, l’activité dans laquelle ils s’engagent, la vie et le milieu concrets qui sont les leurs ” (n° 18).
Tous les baptisés, y compris les fidèles laïcs, sont des ouvriers de l’évangélisation : ” Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c’est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des masse media ainsi que certaines autres réalités ouvertes à l’évangélisation comme sont l’amour, la famille, l’éducation des enfants et des adolescents, le travail professionnel, la souffrance. Plus il y aura des laïcs imprégnés d’évangile responsables de ces réalités et clairement engagés en elles, compétents pour les promouvoir et conscients qu’il faut déployer leur pleine capacité chrétienne souvent enfouie et asphyxiée, plus ces réalités, sans rien perdre ou sacrifier de leur coefficient humain, mais manifestant une dimension transcendante souvent méconnue, se trouveront au service de l’édification du Règne de Dieu et donc du salut en Jésus Christ ” (n° 70).
Les jeunes eux-mêmes, bien formés par la foi et la prière, seront les premiers apôtres de la jeunesse (cf. n°72).
Vingt cinq ans après la clôture de Vatican II, le 7 décembre 1990, le pape Jean-Paul II publie l’Encyclique Redemptoris Missio sur la valeur permanente du précepte missionnaire. Il y rappelle entre autres, au chapitre III, que l’Esprit Saint est le véritable protagoniste de la mission. Il y rappelle aussi les nouvelles conditions de la mission en un temps marqué par la mondialisation et l’interreligieux.
Aujourd’hui, il n’y a plus, comme c’était encore le cas au XIXe siècle, des pays chrétiens qui évangélisent et des pays non-chrétiens qui sont évangélisés. L’Evangile est répandu plus ou moins sur toute la terre et les pays les plus anciennement évangélisés ont besoin d’une nouvelle évangélisation.
En découvrant les valeurs positives des religions du monde, certains chrétiens en viennent à penser que toutes les religions se valent et que l’annonce de l’Evangile est devenue aujourd’hui moins urgente qu’hier. D’autres estiment que l’évangélisation et le développement ou l’humanitaire, c’est tout un.
En réalité, le dialogue interreligieux ne diminue en rien l’urgence de la mission. Admettre la pluralité des religions ne consiste pas à penser que toutes se valent – ce serait céder au relativisme – mais, à reconnaître à chacun le droit de tenir pour vraie la religion de son choix. Par ailleurs, l’annonce de l’Evangile doit respecter la liberté de celui à qui il est proposé : nul ne peut être contraint à croire.
Si le Christ a embrassé tous les hommes dans l’offrande de sa croix, nous devons être soucieux de le leur faire connaître, tout en pensant que le Christ est sans doute plus préoccupé de ce que tous soient sauvés que de ce que tous sachent qui est leur Sauveur.
Enfin, il est bien certain que l’Evangile est une bonne nouvelle pour tout l’homme, son corps et son âme, la chair et l’esprit. L’histoire de la mission le montre bien, l’annonce de l’Evangile s’est toujours traduite par la promotion humaine des peuples évangélisés sur le plan de l’éducation et de la santé. Pour autant, la mission ne saurait se réduire au seul développement, encore moins à un humanitaire privé de son enracinement chrétien.
” C’est l’heure de la mission ! “, vous écrit Jean-Paul II dans son message pour les JMJ, ” Venez faire raisonner dans les grandes artères de Toronto l’annonce joyeuse du Christ qui aime tous les hommes et qui porte à leur achèvement tous les signes du bien, du beau et de la vérité présents dans la cité des hommes ! Venez dire au monde votre joie d’avoir rencontré le Christ Jésus, votre désir de le connaître toujours mieux, votre engagement à annoncer son salut jusqu’aux extrémités de la terre ! ” (nn° 4 et 5).
Le Pape vous invite à puiser votre élan missionnaire dans la grâce sacramentelle de la réconciliation et de l’eucharistie, dans l’adoration eucharistique. Il vous invite plus particulièrement à réconforter ceux qui souffrent et à porter la paix au monde.
Chers jeunes amis, devenez les missionnaires du troisième millénaire. Le Pape et vos évêques comptent sur vous.