Lors de son accueil à Toronto par les pèlerins des JMJ 2002, le Pape Jean-Paul II a médité le texte des Béatitudes, réponse véritable mais exigeante à la soif de bonheur de chacun de nous.
Chers Jeunes,
1. La page des Béatitudes que nous venons d’entendre est la grande charte du christianisme. C’est avec les yeux du cur que nous revoyons la scène de ce jour-là : une foule de personnes entoure Jésus sur la montagne, hommes et femmes, jeunes et vieux, bien-portants et malades, venus de la Galilée, mais aussi de Jérusalem, de la Judée, des villes de la Décapole, de Tyr et de Sidon. Ils sont tous en attente d’une parole, d’un geste qui puisse leur donner réconfort et espérance.
Ce soir, nous sommes nous aussi rassemblés pour nous mettre à l’écoute du Seigneur. Je vous regarde avec une grande affection : vous venez de diverses régions du Canada, des États-Unis, de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Sud, de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie et de l’Océanie. J’ai écouté vos voix joyeuses, vos cris, vos chants, et j’ai perçu l’attente profonde de vos curs : vous voulez être heureux !
Chers jeunes, les propositions qui vous sollicitent de toute part sont nombreuses et séduisantes : beaucoup vous parlent d’une joie qui pourrait s’obtenir par l’argent, par le succès, par le pouvoir. Surtout, ils vous parlent d’une joie qui coïnciderait avec le plaisir superficiel et éphémère des sens.
2. Chers amis, à votre envie de jeunes désirant être heureux, le vieux Pape, chargé d’années mais encore jeune de cur, répond par une parole qui n’est pas la sienne. C’est une parole qui a résonné il y a deux mille ans. Nous l’avons de nouveau entendue ce soir : «Heureux…». La parole clé de l’enseignement de Jésus est une annonce de joie : «Heureux…»
L’homme est fait pour le bonheur. Votre soif de bonheur est donc légitime. Le Christ a la réponse à votre attente. Il vous demande donc de lui faire confiance. La joie véritable est une conquête, qui ne s’obtient pas sans une lutte longue et difficile. Le Christ possède le secret de la victoire.
Vous savez ce qui a précédé. Le livre de la Genèse le raconte : Dieu créa l’homme et la femme dans un paradis, l’Eden, parce qu’Il les voulait heureux. Malheureusement le péché bouleversa ses projets initiaux. Dieu ne se résigna pas à cet échec. Il envoya son Fils sur la terre pour redonner à l’homme la perspective d’un ciel encore plus beau. Dieu s’est fait homme les Pères de l’Église l’ont souligné afin que l’homme puisse devenir Dieu. Tel est le tournant décisif que l’Incarnation a imprimé dans l’histoire humaine.
3. Où se situe la lutte ? La réponse nous est donnée par le Christ lui-même. «Lui qui était dans la condition de Dieu», a écrit saint Paul, «il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais… en prenant la condition de serviteur…, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir» (Ph, 2 6-8). Il s’agit d’une lutte jusqu’à la mort. Le Christ l’a vécue non pour lui mais pour nous. De cette mort a jailli la vie. La tombe du Cal-vaire est devenue le berceau de l’humanité nouvelle en chemin vers le vrai bonheur.
Le «Discours sur la Montagne» trace la carte de ce chemin. Les huit Béatitudes sont les panneaux signalétiques qui indiquent la direction à suivre. C’est un chemin qui monte, mais Jésus l’a parcouru le premier. Et il est prêt à le parcourir de nouveau avec vous. Il déclara un jour : «Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres» (Jn 8, 12). Et dans une autre cir-constance il ajouta : «Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez com-blés de joie» (Jn 15,11).
C’est en marchant avec le Christ que l’on peut conquérir la joie, la vraie joie ! C’est précisément pour cette raison qu’il vous lance aujourd’hui encore un appel à la joie : «Heureux…».
Accueillant maintenant sa Croix glorieuse, cette Croix qui a parcouru avec les jeunes les routes du monde, laissez résonner dans le silence de votre cur cette parole consolante et exigeante : «Heureux…».
4. Rassemblés autour de la Croix du Seigneur, nous nous tournons vers lui : Jésus ne s’est pas contenté d’énoncer les Béatitudes. Il les a vécues. Parcourant de nouveau sa vie, relisant l’Évangile, nous restons émerveillés : le plus pauvre parmi les pauvres, l’être le plus doux parmi les humbles, la personne au cur le plus pur et miséricordieux, c’est précisément lui, Jésus. Les béatitudes ne sont que la description d’un visage, son Visage !
En même temps, les Béatitudes décrivent le chrétien. Elles sont le portrait du disciple de Jésus, la photographie de l’homme qui a accueilli le règne de Dieu et qui veut harmoniser sa vie avec les exigences de l’Évangile. Jésus s’adresse à cet homme en l’appelant «heureux».
La joie que les Béatitudes promettent est la joie même de Jésus : une joie cherchée et trouvée dans l’obéissance au Père et dans le don de soi à ses frères.
5. Jeunes du Canada, d’Amérique et de toutes les parties du monde ! Regardant Jésus, vous pouvez apprendre ce que signifie être pauvre de cur, humble et miséricordieux, ce que veut dire rechercher la justice, avoir un cur pur, être un artisan de paix.
Avec le regard fixé sur lui, vous pouvez découvrir le chemin du pardon et de la réconciliation dans un monde souvent en proie à la violence et à la terreur. Avec une dramatique évidence au cours de l’année passée, nous avons fait l’expérience du visage tragique de la méchanceté humaine. Nous avons vu ce qui arrive lorsque règnent la haine, le péché et la mort.
Mais aujourd’hui la voix de Jésus résonne au milieu de notre assemblée. Sa voix est une voix de vie, d’espérance, de pardon ; c’est une voix de justice et de paix. Écoutons-la !
6. Chers amis, l’Église aujourd’hui vous regarde avec confiance et attend que vous deveniez le peuple des béatitudes.
Heureux êtes vous si vous êtes comme Jésus, pauvres de cur, bons et miséricordieux ; si vous savez chercher ce qui est juste et droit ; si vous avez un cur pur, si vous êtes artisans de paix, si vous aimez et servez les pauvres. Heureux êtes-vous !
Jésus seul est le Maître véritable, Jésus seul propose un message qui ne change pas, mais qui répond aux attentes les plus profondes du cur de l’homme, parce lui seul sait «ce qu’il y a dans l’homme» (Jn, 2,25). Aujourd’hui, il vous appelle à être sel et lumière du monde, à choisir la bonté, à vivre dans la justice, à devenir instruments d’amour et de paix. Son appel a toujours demandé un choix entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la mort. La même invitation vous est adressée aujourd’hui à vous qui êtes ici, sur les rives du lac Ontario.
7. Quel appel choisiront de suivre les sentinelles du matin ? Croire en Jésus signifie accueillir ce qu’il dit, même si cela va à contre-courant de ce que disent les autres. Cela signifie refuser les sollicitations du péché, aussi attrayantes soient-elles, et cheminer sur la route exigeante des vertus évangéliques.
Jeunes qui m’écoutez, répondez au Seigneur avec un cur fort et généreux ! Il compte sur vous. N’oubliez pas : le Christ a besoin de vous pour réaliser son projet de salut ! Le Christ a besoin de votre jeunesse et de votre enthousiasme généreux pour faire résonner son annonce de joie dans le nouveau millénaire. Répondez à son appel en mettant votre vie à son service en servant vos frères ! Ayez confiance dans le Christ, parce que lui a confiance en vous.
8. Seigneur Jésus Christ, proclame encore une fois tes Béatitudes devant ces jeunes, rassemblés à Toronto pour leur Journée mondiale.
Regarde avec amour et écoute ces jeunes curs, qui sont disposés à risquer leur avenir pour Toi. Tu les as appelés à être «sel de la terre et lumière du monde».
Continue à leur enseigner la vérité et la beauté des perspectives que tu as annoncées sur la Montagne. Rends-les hommes et femmes des Béatitudes !
Fais resplendir en eux la lumière de ta sagesse, afin que, par leurs paroles et par leurs actes ils sachent répandre dans le monde la lumière et le sel de l’Évangile. Fais de toute leur vie un reflet lumineux de Toi, qui es la lumière véritable, venue en ce monde, afin que quiconque croie en toi ne meurt pas, mais ait la vie éternelle (cf Jn, 3, 16) !