Catéchèse de Mgr Laurent Ulrich sur le thème de la Vierge Marie.
Voir aussi :
– En toi, Marie, se manifeste la liberté de l’Homme
– « Voici ta mère »
– Marie et la Parole de Dieu
LA VIERGE MARIE
Le mois de mai est consacré à une dévotion particulière envers la Vierge Marie, selon une tradition catholique, on l’appelle le « mois de Marie », et il se termine, le 31, par la fête de la Visitation de Marie à Elisabeth. De même que le mois d’octobre, marqué (le 7) par la fête de Notre-Dame du Rosaire, est aussi appelé « mois du Rosaire », avec par exemple un grand pèlerinage du Rosaire qui clôture la saison des pèlerinages à Lourdes. C’est la raison de cette catéchèse, ce mois-ci sur Marie.
La façon de parler de Marie dans la théologie et la prière catholiques est parfois source d’incompréhensions avec la tradition protestante ; mais il serait bien exagéré de penser que c’est ce qui marque la différence entre catholiques et protestants : un groupe œcuménique, appelé « le groupe des Dombes » qui réunit depuis 1937 des théologiens catholiques et protestants a même publié, il y a une dizaine d’années, le résultat de ses belles recherches. Je me contente de signaler ce fait, et je m’attache seulement ici à détailler et faire comprendre quatre titres donnés à Marie que nous reconnaissons comme la mère du Sauveur.
Marie, mère de Jésus
« Ton père et moi te cherchons tout angoissés » Luc 2,48
La mère de Jésus, ce n’est pas un titre d’honneur, c’est simplement ce que l’Evangile nous présente de façon incontestable à son sujet. Les évangiles de Matthieu et de Luc nous livrent des épisodes concernant la naissance et l’enfance de Jésus. Ils nous disent combien la vie de Jésus fut une vie réellement humaine, commencée dans une famille. C’est une famille juive qui vit dans la foi, qui pratique le pèlerinage à Jérusalem comme les autres et avec les autres ; c’est une famille dans laquelle on n’est pas à l’abri des soucis quotidiens, ni des inquiétudes liées à l’éducation des enfants et des jeunes. Marie est la vraie mère d’un vrai homme, de cet homme Jésus.
On peut méditer à loisir sur cette condition humaine vécue dans l’ordinaire des jours. Lorsqu’il est allé en pèlerinage en Palestine en 1964, le Pape Paul VI a proposé une très belle méditation sur Nazareth où Jésus a grandi : « ici, on apprend à pénétrer la signification, si profonde et si mystérieuse, de cette très simple, très humble et très belle manifestation du Fils de Dieu. (
…) Une leçon de silence d’abord,
dans notre vie moderne si bruyante et hypersensibilisée (…
) Une leçon de vie familiale, communion d’amour
primordiale sur le plan social (…
) Une leçon de travail,
la conscience de la noblesse du travail (
…).
Marie, mère de Dieu
« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, il est né d’une femme, il a été sous la domination de la loi de Moïse » Galates 4,4
Dans cette lettre de Saint Paul, la mère de Jésus n’est pas nommée; et c’est la seule fois que l’apôtre parle d’elle, de façon impersonnelle. On peut s’en étonner. C’est à l’évidence que l’humanité de Jésus ne fait pas de doute à Paul. Lui, il n’a pas approché Jésus dans sa vie terrestre, avant Pâques, mais il sait bien que Jésus de Nazareth a existé, les témoignages lui en ont été donnés. Ce qui l’a saisi, c’est que cet homme s’inscrive d’une façon unique dans le projet de Dieu : Il est l’aboutissement, Il est la Révélation définitive, Il est l’achèvement de ce que Dieu a voulu. Il est le Fils parfait : cet homme « né d’une femme », et sujet de la loi de Moïse, c’est-à-dire véritable juif, est Fils de Dieu et grâce à Lui les hommes sont appelés à devenir aussi des fils.
De cette façon, on comprend que c’est ici que commence la méditation de l’Eglise chrétienne qui aboutira à dire, en 431, au Concile d’Ephèse (ville de l’actuelle Turquie, en Asie) : Marie est « Mère de Dieu ». Cela paraît bien extraordinaire de dire d’une femme de notre race humaine qu’elle est Mère de Dieu. Cela signifie que c’est par elle que Dieu, qui surpasse et domine le monde puisqu’Il l’a créé et voulu, est devenu l’un de ces hommes qui y vivent. Elle a engendré Dieu dans notre monde, parce qu’elle a accepté d’être la mère de Jésus. Peut-être pouvons-nous dire comme elle : « comment cela est-il possible ? » Si nous ne savons pas dire comment cela se fait, nous pouvons quand même comprendre que cela éclaire étonnamment notre situation d’hommes. Dieu aime et respecte tellement notre humanité qu’il emprunte les voies humaines pour se faire connaître, et pour nous entraîner jusqu’auprès de Lui.
Marie, mère de l’Eglise
« Femme, voici ton fils » Jean 19,26
Ce que Marie a vécu en accueillant Dieu fait homme, voici que de la croix Jésus lui demande de le vivre à nouveau avec ses disciples, et donc avec l’Eglise entière. Elle va permettre aux apôtres d’accueillir, d’accepter et de comprendre ce qui arrive. Jésus qui était mort, il leur faut à tous l’accueillir dans sa nouvelle présence après la Résurrection. Là encore, il faut bien se dire : comment cela est-il possible ? C’est à nouveau un acte de foi qui est demandé et rendu possible par Dieu même. Marie franchit cette étape avec l’Eglise naissante, et en quelque sorte, elle engendre l’Eglise qui devient Corps du Christ au milieu de l’humanité.
Si nous regardons ainsi Marie, nous pouvons bien la reconnaître comme celle qui, dans son humanité si proche de la nôtre, montre le chemin de l’expérience croyante, celle par laquelle Dieu en Jésus-Christ se révèle présent, vivant et actif dans le monde.
Marie, mère des hommes
« Faites tout ce qu’il vous dira » Jean 2,5
Je reviens aux débuts de l’évangile de Jean. C’est à Cana. Marie perçoit, et elle seule semble-t-il, qu’il manque à cette humanité, pourtant en fête de mariage, le vin de la joie. Elle presse Jésus de l’apporter, et lui il sait que cette joie ne viendra que du don parfait de sa vie qui sera réalisé sur la croix. Voilà pourquoi il dit : « mon heure n’est pas encore venue ! » Mais elle invite les serviteurs, ceux qui ne sont pas encore dans le cercle des disciples, de faire ce qu’il dira. C’est dire qu’elle compte bien que ce que fait Jésus n’est pas seulement pour ses disciples, pour ses apôtres, ses amis, l’Eglise.
Elle-même donc peut indiquer à d’autres hommes, qui ne sont pas dans l’Eglise, que Jésus sera pour eux un chemin, qu’il leur dira une parole bonne et vraie pour eux. Elle est un modèle d’humanité, elle peut faire que soit engendrée en eux , et rendue visible, la vie même de Dieu, et sa joie.
Méditer avec Marie, et avec l’exemple de sa vie, c’est méditer sur la foi qui survient en l’homme comme le don le plus merveilleux.
Extrait du Directoire sur la Piété populaire et la Liturgie sur le mois de mai