La vie qui vient de Dieu, qui n’a pas souhaité l’accueillir ? Et, dans une société où tout est instantané, ou presque, qui n’a jamais rêvé de se convertir sur un simple clic de souris, en un clin d’oeil, à l’occasion d’une expérience spirituelle forte, d’une retraite ou d’un pèlerinage ? Ca y est, j’y suis ! Et puis non ; le quotidien reprend ses droits et l’on se découvre moins converti qu’on ne le pensait. Mais les plus grands en sont passés par là. En ce 28 août où l’Église le fête, redécouvrons Augustin!
Le temps de la conversion
Augustin lui-même, qui raconte sa conversion comme une fulgurante découverte, ne cache pourtant pas ses longs errements, ses conversions partielles, ses progressions minimes, pas à pas… Etudiant dissipé, voire débauché, il devient amoureux de la sagesse, s’égare dans les filets de la secte des manichéens, veut devenir philosophe. Puis il découvre peu à peu que Dieu n’a jamais cessé de l’appeler.
Ayant pris du recul, devenu évêque, Augustin voit notre vie comme une « peregrinatio », un pèlerinage sur la terre. Mais si la vie est belle par bien des aspects, qui peut affirmer qu’il n’a jamais trouvé ce pèlerinage douloureux ? Pourtant, c’est un pèlerinage, pas une déportation : certes, Adam a été chassé du Paradis, mais le lieu qui lui a été donné, pour le travailler et l’habiter n’est pas un enfer, c’est la création, reflet de la gloire du Créateur. Mais qu’il nous semble parfois long, ce pèlerinage, à nous qui aimerions tant changer au plus vite les aspects obscurs de notre personnalité. Et si, cependant, cette longueur était une chance, un temps donné pour notre conversion ? Car la conversion n’est peut-être pas cet événement ponctuel que nous espérons, mais une histoire, l’histoire d’une vie, l’histoire de notre vie. Cette vie est une succession de tentatives, de commencements, dont aucun n’est comme le précédent. Chacun d’eux est un pas sur le chemin : « Pour un peu de temps dit Augustin une petite lumière brille encore chez les hommes. Qu’ils marchent, qu’ils marchent afin que les ténèbres ne les saisissent pas. » Le temps de notre conversion, c’est la patience de Dieu.
Ce pèlerinage n’est pas non plus une opération commando : nous ne sommes pas parachutés en territoire ennemi. Tous nos contemporains ne poursuivent pas notre quête. Certains même nous critiquent avec vigueur. Et malgré tout, Augustin écrit de l’Eglise, de la Jérusalem céleste : « Elle doit se souvenir que parmi ses ennemis même se cachent ses futurs citoyens, et qu’elle se garde de penser qu’elle n’a aucun fruit à espérer même pour eux en les supportant comme ennemis jusqu’au jour où elle parviendra à les accueillir comme croyants. »
Pour la route, encore un conseil d’Augustin : ne s’attacher à rien : « Le vrai chrétien se regarde comme un voyageur, même dans sa propre maison, même dans sa propre patrie. Lorsqu’il laisse sa maison à ses enfants, c’est un passant qui fait place à d’autres passants.»
Ainsi cheminons-nous inlassablement vers le but ultime, la cité de Dieu : « Car, nous dit Augustin, notre vraie patrie est au ciel, là seulement nous ne sommes point étrangers. »
La marque du péché
Ce but, cette patrie, nous n’y sommes pourtant pas arrivés. Il nous faut maintenant en découvrir la route. Car il y a encore le péché. Il ne vient pas du monde, nous l’avons dit, mais bien de nous. En Adam, nous sommes tous nés pécheurs. C’est difficile à entendre. Il suffit pourtant de regarder des enfants se disputer pour constater qu’il n’existe pas de « bonté originelle » mais un péché originel, qui sépare l’humanité de Dieu. Il nous faut le confesser. Cependant, ce n’est pas une malédiction, qui frapperait irrémédiablement l’espèce humaine. C’est un mal dont nous nous rendons complices, chaque fois que, refusant de nous tourner vers la vérité, nous essayons, par orgueil, de vivre de nos propres forces. « J’ai erré, nous dit Augustin, le front présomptueux, afin de m’en aller loin de toi, aimant mes voies et non les tiennes, aimant ma liberté d’esclave fugitif. »
L’âme ne peut se tenir longtemps seule face à Dieu sans entrer en concurrence avec lui, sans vouloir prendre sa place. « L’orgueil singe l’élévation alors que toi seul, tu es, Dieu, élevé au dessus de tout… Ils t’imitent, mais de travers, tous ceux qui s’éloignent de toi et se dressent contre toi… C’est là une ténébreuse parodie de toute-puissance. » Et pour ajouter au cauchemar, l’âme ne se suffit pas à elle-même : elle a besoin de plus. Refusant de trouver ce plus en Dieu, elle le cherche dans le monde, se dispersant dans des occupations et des relations multiples pour tromper sa solitude. Ce mouvement ne conduit qu’à l’amertume, à l’accablement. « J’étais demeuré pour moi un lieu de malheur… dit Augustin, Où me serais-je fui moi-même ? » « J’étais devenu sourd à cause du grincement que faisait la chaîne de ma mortalité, expiant ainsi l’orgueil de mon âme. »
Comment alors, voir celui qui est la vraie lumière ? « J’avais le dos à la lumière et le visage dirigé vers les objets éclairés ; aussi, mon visage lui-même, qui les voyait éclairés, n’était pas éclairé. » Tel est le mystère de l’humanité : quand bien même elle voit la création dans la lumière du Créateur, elle ne songe pas à se tourner vers la source de cette lumière.
Et pourtant, le pire serait de désespérer, au lieu de nous convertir ; le péché est un mal dont on guérit. Dieu seul est bon : quant à nous, nous avons à le devenir. Peut-être est-ce cela être créé à l’image de Dieu : « Tout ce qui est mal ne devient pas forcément bon, mais nul ne peut devenir bon s’il n’a été mauvais auparavant. »
A l’écoute de la voix intérieure
Dans cette démarche de transformation, nous pouvons compter sur l’aide de Dieu, qui inlassablement, veille sur les bons et sur les pécheurs. « Tu n’es pas comme eux. Ils ont abandonné leur créateur, mais toi, tu n’as pas abandonné ainsi ta créature. » « Tu appelles de loin et j’ai entendu comme on entend dans le cœur. » : à n’en pas douter, Augustin a expérimenté dans sa chair la présence de Dieu. Et il cultive le souvenir de ce moment béni. Des instants de proximité avec Dieu, beaucoup d’entre nous en ont vécus, lors de pèlerinages, de retraites ou de célébrations. Encore faut-il les garder jalousement en mémoire, comme des pierres posées sur ce sentier qui conduit au Seigneur.
Et ce Dieu, où faut-il le chercher ? Est-il dans le monde ? «Elles sont agréables aussi, les choses d’ici-bas ; elles ont une douceur qui n’est pas médiocre. » écrit Augustin. Et cependant, « si l’on peut les entendre, toutes ces choses disent : ce n’est pas nous qui nous sommes faites, mais celui-là qui demeure à jamais. » Par sa beauté, par sa bonté, la création conduit à son Créateur.
C’est bien, mais ce Créateur, celui qui détient la vérité, où le trouver, s’il n’est pas dans le monde ? Augustin nous pose la question autrement : « Qui nous instruit, sinon l’immuable vérité ? » « Le son de nos paroles frappe vos oreilles, le maître est au dedans. N’allez pas croire qu’on apprenne quelque chose d’un autre homme. Nous pouvons attirer votre attention par le bruit de notre voix : si au dedans n’est pas celui qui instruit, vain est le bruit de nos paroles… Les enseignements extérieurs sont une aide, une invitation à faire attention. C’est au ciel qu’est la chaire de celui qui instruit les cœurs… C’est donc le maître intérieur qui instruit, c’est le Christ qui instruit. »
Pèlerin infatigable, Augustin cesse ainsi de parcourir le monde à la recherche de la vérité et se met à l’école du Maître intérieur. « Que de biens l’homme possède au-dedans de lui-même, sans songer à scruter son intérieur ». L’évêque d’Hippone se sent appelé à entrer en lui-même : « J’étais étranger à moi-même. » « En suivant le sens de la chair, c’est toi que je cherchais ! Mais toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même. » Les mystiques en ont souvent fait l’expérience, l’homme qui tourne son regard vers l’intérieur, sans narcissisme ni volonté d’enfermement, qui scrute le fond de son âme comme on regarde au fond d’un puits, a la joie d’y découvrir Dieu. Celui qui nous a faits nous appelle inlassablement, où que nous soyons, mais c’est de l’intérieur qu’il appelle : « Tu appelles de loin et j’ai entendu comme on entend dans le cœur. »
Et s’il appelle, Dieu prend aussi ses enfants par la main pour les aider à tourner le dos à leurs obscurités : « Tu me retournais vers moi-même, me ramenant de derrière mon dos où je m’étais mis pour ne pas porter les yeux sur moi. » Le Seigneur est celui qui nous donne la force de marcher sur ce chemin de pèlerinage. « Nous courons vers la patrie. Si nous désespérons d’y parvenir, c’est notre désespérance même qui est défaillance. Mais lui veut que nous arrivions : pour nous avoir avec lui dans la patrie, il nous nourrit en cours de route. »
Seulement, voilà, « de même qu’il est le créateur de toutes les natures, de même il est le dispensateur de tous les pouvoirs, mais non de tous les vouloirs. » Dieu nous donne le pouvoir, mais c’est à nous de faire acte de volonté ; il ne peut en être autrement : le Seigneur aime trop sa créature pour la contraindre en voulant à sa place. Libres nous sommes ; libres nous demeurons.
L’amour pour seule raison
Quelle est-elle, cette nourriture que Dieu nous donne pour nous aider à avancer ? Pour le savoir, voyons ce qui fait bouger les hommes : au commencement, à la racine de nos élans, de nos actions et de nos passions, qu’y a-t-il ? Augustin nous donne une réponse en forme de question « La vie heureuse, n’est-ce pas cela que tous désirent et que personne au monde ne se refuse à désirer ? » L’espèce humaine est mue par un seul moteur, le désir du bonheur, quête légitime et qui dépasse sa seule humanité : pour Augustin, elle vient de Dieu. Et ce désir devient élan d’amour : « Mon poids, c’est mon amour. C’est lui qui m’emporte où il m’emporte.»
« Aimez, mais prenez garde à ce qu’il faut aimer». Si l’amour et le désir sont légitimes, si ce qui nous est donné à aimer est bon, toute attitude ne conduit pourtant pas au bonheur véritable : « Dieu n’interdit pas d’aimer les choses, mais de les aimer jusqu’à y trouver ta béatitude! » Là est la difficulté : se perdre dans un amour de soi et du monde qui chasse Dieu. Parlant à des Romains, Augustin évoque l’image des cités : « Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la Cité céleste. » De laquelle sommes-nous citoyens ?
« Là où il y a amour radical (dilection) du monde, il n’y a pas amour de Dieu. Attachez-vous plutôt à l’amour de Dieu : ainsi, comme Dieu est éternel, vous aussi, vous demeurerez dans l’éternité. Car tel on aime, tel on est. »
Augustin fait droit à la part d’obscurité et de pulsions qui anime l’être humain. Cependant, il nous place devant un choix radical, qui conditionne notre existence : « Tel on aime, tel on est ». Saurons-nous marcher en direction de la Cité de Dieu ? Comment savoir si nous ne faisons pas fausse route ? Sur ce point, pas de doute, un seul critère peut nous guider : la charité. « Ils peuvent bien tous se signer du signe du Christ ; tous répondre : Amen ; tous chanter : Alleluia ; être tous baptisés… les fils de Dieu ne se discernent du diable que par la charité. »
Insensiblement, nous changeons de registre : de l’amour humain, nous passons à l’amour divin, à la charité. Et cette charité a ses voies concrètes : « Comment nous exercer à cet amour (de Dieu) ? par l’amour fraternel. Tu peux me dire : je n’ai pas vu Dieu ; mais peux-tu me dire : je n’ai pas vu l’homme ? » C’est alors que l’amour des ennemis prend sens : Dieu ne nous demande pas d’aimer nos ennemis par héroïsme, pour prouver notre valeur ou pour en souffrir. Tout cela, c’est agir à la manière humaine. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » nous dit le Christ. Or, Dieu ne nous aime pas tels que nous sommes, c’est-à-dire pécheurs. Dieu n’aime pas le péché. Mais il nous aime tels que nous serons, tels que nous sommes appelés à être. « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » (1Jn 3,2) nous dit l’épître de Jean. Notre être est en avant de nous-mêmes, mais Dieu l’aime déjà. C’est ainsi que nous devons aimer nos ennemis : en voyant en eux les frères qu’ils seront pour nous, un jour, peut-être.
« Ne te sépare pas. C’est un ennemi ? Gagne ton ennemi. Une fois gagné, il ne sera plus ennemi. Es-tu meilleur que les autres ? Interroge-toi toi-même, tu sauras de quelle cité tu es citoyen. »
Ainsi, Augustin ne nous exhorte-t-il pas à modérer nos élans de désir ; au contraire : « Votre désir, par lequel vous voulez la vie et de bons jours, non seulement je ne le réprime pas, mais je l’allume avec plus de véhémence. » Il nous pousse à désirer davantage, à désirer en grand, à désirer ce qui seul est à la mesure de notre appétit de désir, Dieu lui-même.
En nous poussant à la charité fraternelle, l’évêque d’Hippone voit plus loin : « Aime ton frère. Si tu aimes ton frère que tu vois, par le fait même tu verras aussi Dieu, car tu verras la charité, et Dieu habite en elle. » Vivre la charité conduit à une proximité avec Dieu. C’est en ce sens qu’Augustin a écrit ce mot devenu célèbre : « Aime et fais ce que tu veux ». Cela ne signifie pas, comme on l’a parfois entendu, qu’on pourrait faire n’importe quoi sous prétexte qu’on serait amoureux, mais que celui qui agit par charité pour ses frères est animé de l’amour de Dieu. Il peut alors bien faire ce qu’il veut : pas un de ses actes ne manquera de cette charité, et contre cela, il n’y a pas de loi.
La prière, éducation du désir
Nous sommes alors en droit de nous demander où trouver la force de cette charité. Comment s’y exercer, sinon en puisant à la source de toute charité, en nouant une relation avec celui qui est lui-même l’amour de charité, en entrant en union avec Dieu ? Et comment cette relation peut-elle s’établir si ce n’est par la prière, qui unit la créature à son créateur ? Mais voilà, prier, nous essayons tous de le faire et le succès n’est pas toujours au rendez-vous : nous ne ressentons pas toujours autant que nous le voudrions cette présence de Dieu. Et quant à être exaucés… bien des chrétiens auraient des réclamations à faire valoir à leur Père éternel !
Sur cette question aussi, Augustin s’est penché, lui qui a tant buté, tant souffert avant d’établir avec Dieu une relation d’amour. Dans une lettre adressée à une veuve romaine nommée Proba, que la vie avait vertement malmenée, il fait le point sur la prière. Et tout d’abord, quelques conditions préalables : Cela paraît stupide à dire, mais la prière demande avant tout d’avoir la foi, et donc d’avoir confiance. Confiance en celui que l’on prie, en son amour inlassable pour nous. C’est ici que les appels du Seigneur, et les moments privilégiés de contact avec lui nous sont précieux ; ici qu’il faut se souvenir que chaque prière, chaque instant de notre vie s’inscrit dans une histoire, celle de notre relation à Dieu.
Mais cette relation exige aussi un dépouillement, un désencombrement de tout ce qui obstrue l’accès à notre âme, des biens matériels comme des relations avec les êtres. On peut les aimer, oui, mais n’aimer rien plus que le Christ. Pour prier, il faut être pauvre de cœur.
Une fois dans cette disposition, comment prier ? Certes pas en accablant Dieu d’un flot de paroles. Augustin scrute ce que le Christ dit de la prière : « Le Seigneur nous recommande de ne pas parler longuement à Dieu. C’est la piété et non la verbosité qui rend la prière efficace. » « Parler beaucoup, c’est faire, en priant, une chose nécessaire avec des paroles superflues. Prier beaucoup, c’est frapper longuement, avec un mouvement filial du cœur, auprès de celui que nous prions. » Entendons-nous bien : il n’est pas interdit de dire au Seigneur ce qu’on a sur le cœur : bien au contraire, il est celui qui comprend le mieux nos souffrances, lui qui est « plus intime que l’intime de nous-mêmes. » Mais les prières que l’on a parfois appris à réciter de façon quasiment magique n’ont pas leur place aux yeux d’Augustin.
Et alors, que demander ? Certes pas de vivre à sa guise ou de tout avoir, on l’imagine. La santé et des amis ? « Voilà donc des biens pour lesquels il faut prier, nous dit Augustin, afin de les conserver si nous en sommes pourvus, afin de les posséder si nous en sommes privés. »
Pourtant, il y a mieux : ayant compris à quel point le Seigneur nous aime, Augustin nous exhorte à demander ce qu’il y a de plus grand : « Demandez la vie bienheureuse ». Rien que ça : la vie avec Dieu, pour l’éternité. Avoir confiance, demander ce qu’il y a de plus grand, voilà qui est parfois difficile lorsqu’on a le sentiment de n’être pas exaucé pour de petites choses. Cependant, Augustin rétorque : « Dieu ne fait pas ce que tu veux mais il fait ce qu’il faut ». Lui seul sait ce qui nous est nécessaire.
Une question alors se pose : s’il sait déjà cela, quel besoin avons-nous de prier ? La prière est-elle vraiment utile ? « Le Seigneur notre Dieu n’a certes pas besoin que nous lui fassions connaître notre volonté car il ne peut l’ignorer, mais il veut, par la prière, exciter et enflammer nos désirs, pour nous rendre capables de recevoir le don qu’il nous prépare. »
Nous y voilà : la prière ne dispose pas Dieu à donner mais elle nous prépare à recevoir. Elle nous conforme au Seigneur, à sa volonté. Augustin aimait à prier ainsi : « Donne-moi ce que tu commandes et commande ce que tu veux. » A cet égard, la prière entre toutes est celle que nous a enseignée le Christ : dans le Notre Père, nulle parole superflue, nulle demande infondée, nulle volonté exprimée si ce n’est celle de Dieu. Le Notre Père est l’éducateur du désir.
Ainsi, la prière n’apprend rien à Dieu, mais elle façonne la créature à l’image de son Créateur, elle creuse en l’homme la place que viendra prendre son Seigneur, elle prépare notre cœur à le voir, à le recevoir : « Ce que tu désires, tu ne le vois pas encore, mais en le désirant, tu deviens capable d’être rempli quand viendra ce que tu veux voir. »
Semblables à Dieu
Par la prière, le présent rejoint l’éternité, nous préparant au retour du Christ en gloire. Lors du grand jugement, tous le verront, mais de façon différente : « En tant que Verbe fait chair, les méchants peuvent le voir, eux aussi ; en effet, tel il viendra pour juger, qu’il était venu pour être jugé. Dans cette même forme d’homme, mais Dieu ». « Ils verront celui qu’ils ont transpercé» (Jn19,37), nous dit l’Evangile : ils verront un homme, mais ne reconnaîtront pas leur Dieu. Le Seigneur lui-même l’a dit : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu » (Mt 5,8). Avoir un cœur pur, tel est donc l’enjeu de notre cheminement terrestre. En éduquant notre désir, la prière nous lave le cœur.
Ainsi, serons-nous comblés, lorsque viendra celui que nous attendons : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu et ce que nous serons n’est pas encore manifesté. Nous le savons, lorsqu’il paraîtra, nous lui serons semblables, puisque nous le verrons tel qu’il est. » (1Jn 3,2) Tel est le but de notre parcours : être semblables à notre Créateur, achever notre création « à l’image de Dieu ». Contrairement à la promesse du serpent, dans le jardin d’Eden, aux premiers jours du monde, nous ne serons pas « comme des dieux », ténébreuses parodies de divinité : nous serons avec Dieu, semblables à lui.
Alors, frères et sœurs, nous pourrons poser notre sac de pèlerin et dire avec le psalmiste :
« Maintenant notre marche prend fin,
devant tes portes, Jérusalem !
Jérusalem, te voici dans tes murs :
Ville où tout ensemble ne fait qu’un. »
Psaume 121