“Si le rôle de l’Eglise consiste à faire appel à Dieu et à éclairer moralement la conduite des hommes, il réside aussi dans la proposition concrète de l’expérience du peuple qu’elle représente ” Un texte exclusif de Monseigneur Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO.
Si le rôle de l’Eglise consiste à faire appel à Dieu et à éclairer moralement la conduite des hommes, il réside aussi dans la proposition concrète de l’expérience du peuple qu’elle représente, avec tout ce que cela suppose en termes de globalisation et d’universalité. Contrairement aux autres pays du monde qui ne parlent qu’en leur nom, le Vatican, qui fait entendre la voix de l’Eglise sur la scène internationale, a en effet une expérience de la multi-culturalité dont nul autre Etat ne peut se prévaloir et qu’elle se doit de communiquer au monde.
Au sujet de la communication proprement dite, on pourrait parler des oeuvres artistiques innombrables que l’Eglise a produites au Moyen Age et à la Renaissance en particulier mais prenons l’exemple concret du clocher. A l’époque où il n’y avait pas d’horloges dans toutes maisons, le clocher indiquait le moment de la prière, il avertissait la population qu’un tel était mort, que tel autre était né, il prévenait du danger aussi. C’était déjà un moyen de communication multi-fonctionnel qui émettait des signaux très codifiés. Aujourd’hui encore, à l’heure de l’Internet, l’Eglise contribue à une meilleure maîtrise des nouveaux moyens de communication. Elle pose en l’occurrence la question de la fiabilité de l’information et de la motivation de ceux qui la donnent. La technologie représente un coût en effet et tout à chacun est en droit de se demander pour quelles raisons telle entreprise décide d’investir de l’argent dans la communication. Leur but n’est pas la charité mais le profit. L’Eglise n’a rien contre mais elle a bien conscience que des entreprises françaises ou italiennes par exemple n’ont aucun intérêt à partager avec des sociétés africaines une information qu’elles ont payées très cher. S’il faut que la multi-culturalité se développe, reste à savoir dans quel but. S’il faut que beaucoup d’informations circulent, reste à savoir aussi qui les donne et si ceux qui les donnent sont-ils habilités à le faire. Telles sont les questions que pose l’Eglise qui donne donc en définitive une expérience en humanité en même temps qu’un point de vue particulier.
Contrairement aux ambassadeurs français, gabonais ou allemands, l’ambassadeur du Vatican n’a aucun intérêt économique à défendre. Ce qui l’intéresse, c’est ce qu’il advient de l’homme, de la personne humaine dans la multi-culturalité qui est en train de se faire. En l’occurrence, il s’oppose à une simple juxtaposition des anthropologies qui n’auraient de cesse d’en faire une mosaïque. En mélangeant toutes les différentes visions de l’homme en une seule, on risque d’obtenir une anthropologie grise ! Il faut proposer une vraie multi-culturalité. Il ne s’agit pas de donner de leçons bien évidemment. D’ailleurs tout le monde est persuadé qu’il faut dire la vérité et qu’il faut aider les pauvres.
Mais pour faire entendre sa voix à l’ère de la globalisation, autrement dit, pour communiquer , l’Eglise doit déjouer des attaques et des préjugés souvent liés à de profonds malentendus concernant son passé. On dit par exemple que l’Eglise est puissante. Mais, d’autre part, on dit aussi qu’elle est en crise. Dans le même registre, on parle aussi des guerres de religion mais les deux dernières guerres mondiales n’étaient pas des guerres de religions. Le communisme n’était pas religieux non plus. En tous les cas, le pape actuel aura appris aux chrétiens à sortir du complexe d’infériorité, à condition de ne pas tomber dans le complexe de supériorité bien sûr. Au chapitre des griefs injustement retenus contre l’Eglise, qui l’empêchent de communiquer son expérience millénaire, il y a aussi l’Inquisition, qui hante l’inconscient collectif et dont les chrétiens ont malheureusement à répondre, encore aujourd’hui , mais il suffit de regarder les chiffres de l’Inquisition pour que les jugements hâtifs soient révisés rapidement. En France, l’Inquisition est un tabou. Certes l’Inquisition a malheureusement causé la mort de nombreuses personnes mais on oublie de dire souvent combien la Révolution française en fait. En plus de cela, un chrétien qui tue son prochain va à l’encontre de ses principes tandis que le meurtre est justifié par des idéologies comme celle de la lutte des classes décrétée par Marx. Il est indéniable que, d’un point de vue historique, des chrétiens ont trahi le christianisme mais le fondamentalisme des Chrétiens, c’est la Charité, ce n’est pas la haine, comme dans les idéologies. Un autre tabou concerne le Moyen Age, cette période que l’on dit volontiers obscurantiste . Le nom même de Moyen Age est révélateur d’un certain malaise, comme si toutes les périodes de l’histoire n’étaient pas des moyens âges , des âges moyens, des âges intermédiaires. Et puis opposer le Moyen Age aux Lumières est absurde. Tout le monde sait aujourd’hui que cette période n’était pas aussi sombre qu’on voudrait nous le faire croire. La cathédrale de Chartres témoigne à elle seule du niveau culturel atteint à cet époque.
Pour revenir à l’expérience qu’a l’Eglise de la multi-culturalité, outre les obstacles qu’elle a à surmonter pour la communiquer, j’aimerais faire observer qu’elle se vit non seulement entre les différentes églises locales mais aussi, très concrètement, au sein des congrégations par exemple, où sont représentées toutes les races et toutes les cultures. L’autre jour, j’étais à Francfort, en Allemagne et je disais la messe chez les frères de saint Jean. Beaucoup de frères de cette communauté étaient indiens. Dans leur réfectoire on avait installé pour eux une horloge qui était encore à l’heure de New Dehli ! De manière générale, l’expérience de l’Eglise en matière de multi-culturalité est tout sauf une démarche colonisatrice. C’est exactement le contraire. L’Eglise a toujours voulu s’inculturer, s’adapter à la culture locale. L’expédition des jésuites au Paraguay est exemplaire à cet égard.
On peut être chrétien sans connaître le grec, le latin ou l’hébreu. On peut appartenir à l’Eglise en restant ce que l’on est ! Telle est la bonne nouvelle qu’annonce l’Eglise à l’ère de la multi-culturalité ! Pour finir, j’emploierais le terme de ” pluri-formité “. Un tel mot signifie que les valeurs universelles peuvent être vécues sous différentes formes, sur tous les continents. Parmi ces valeurs, Le Christ est la Valeur Suprême car, en s’étant conformé à la nature humaine, Il a sauvé tous les hommes en leur laissant la liberté magnifique d’exprimer la beauté d eleur foi de différentes manières. Autrement dit, comme dans un orchestre, il y a une seule musique, mais beaucoup d’instruments. Aucun d’eux ne doit jouer la partition d’un autre, il faut seulement qu’ils jouent ensemble pour accéder à l’harmonie, c’est-à-dire au Christ, cette Vérité symphonique que nous devons proclamer pour la paix du monde.