Il faut se réjouir que les 20èmes journées du Patrimoine soit consacrées au patrimoine spirituel. Comme le déclare le ministre de la Culture, Monsieur Jean-Jacques Aillagon, interviewé par France-Catholique, le besoin de sens et de spiritualité est une constante de la vie humaine, et cela dès l’aube de l’humanité. Il est heureux que ce besoin toujours se manifeste, malgré le poids et parfois l’écrasement des activités et des valeurs matérielles.
Mais les manifestations diverses et variées, les spectacles qui seront organisés à cette occasion ne doivent pas nous faire oublier que la notion même de patrimoine spirituel en particulier et de Patrimoine Culturel en général participe d’un parti pris philosophique bien précis. En effet, dès le début, le Patrimoine Culturel s’est défini d’une manière très précise en éliminant de son champ d’investigation la réalité des communautés humaines, liées par une même religion ou spiritualité, pour ne s’intéresser qu’aux objets culturels (architecturaux, artistiques ou intellectuels) qui en sont nés.
Prosper Mérimée, l’inventeur du Patrimoine en France, auquel une place toute particulière sera réservée pendant les 20èmes journées du Patrimoine, ne s’en cache pas. Dans la description de l’église de Conques qu’il fait dans ses Notes de Voyage en Auvergne et dans le Limousin par exemple, il évoque avec une ironie non dissimulée les damnés représentés sur le tympan du Jugement Dernier, il accuse obstinément un évêque et des chanoines d’avoir détérioré le bâtiment, il s’attarde à peine sur la présentation de la statuette de sainte Foy, qui fait pourtant l’intérêt spirituel du lieu, aujourd’hui encore. Ses propos ne laissent pas l’ombre d’un doute : Mais ce n’est pas l’histoire de la communauté dont j’ai à m’occuper ici, déclare-t-il ; je ne cherche que celle du monument.
C’est ainsi que dans ce processus de dissociation entre les objets culturels religieux et la communauté humaine qui les a portés et qui leur a donné sens, le programme des journées du Patrimoine Culturelles nous apprend que l’on pourra par exemple assister à Paris à la proclamation du fameux sermon de Bossuet sur la Mort dans l’église de Saint-Sulpice entre une parade de chevaux monumentale et de multiples mises en scène dans les cours de différents hôtels particuliers du Marais remettant en vie quelques figures libertines et comiques du XVIIème siècle ! En l’occurrence le monument religieux (de littérature) qu’est le sermon de Bossuet sur la Mort est totalement dissocié de tout contexte religieux jusqu’à être transplanté au beau milieu d’un divertissement gigantesque.
Outre son parti pris philosophique indéniable, les Journées du Patrimoine de cette année consacrées au Patrimoine spirituel ont un enjeu politique évident. Au moment même où les rédacteurs de la Constitution européenne préfèrent substituer la notion englobante d’héritage spirituel à celle d’héritage chrétien, l’émergence de ce concept aussi beau que flou de patrimoine spirituel, reprenant donc la notion d’héritage spirituel, intervient en effet comme la ratification symbolique de l’exclusion du christianisme en tant que tel et comme la négation du rôle spécifique qu’il a joué en effet.
Certes Monsieur Jean-Jacques Aillagon se veut nuancé et ouvert aux chrétiens à ce sujet dans l’interview qu’il a accordé à France-Catholique : Le christianisme, déclare-t-il, a marqué des siècles la culture de l’Europe, c’est un fait. ( ) Je comprends ceux qui n’ont pas voulu écarter le principe de laïcité par une référence trop exclusive à cet héritage. Vouloir en taire la spécificité et la force peut cependant, à mon sens, être perçu aussi comme une marque d’oubli, d’ingratitude, voire d’hostilité.
Il n’en reste pas moins que le seul exemple de monument religieux qu’il cite durant tout l’interview accordé au journal catholique est la grande Mosquée de Paris. Avec tout le respect que nous devons à nos frères musulmans, reconnaissons qu’il ne s’agirait-là que d’une indélicatesse si Monsieur le Ministre de la Culture n’avouait pas en même temps que la laïcité est pour lui un moyen d’aimer le patrimoine chrétien sans être écrasé par lui . Ce qui trahit indéniablement un sentiment d’admiration tout de même mêlé de méfiance ou au moins un sentiment pas si simple qu’il n’y paraît au premier abord envers le christianisme.
Pour finir, souhaitons tout de même que ces 20ème Journées du Patrimoine soient l’occasion de nombreuses conversions pour tous ceux qui pénétrerons pour la première fois dans des lieux de culte où, peut-être, certains chrétiens, juifs ou musulmans seront autorisés à prier. L’Esprit souffle où il veut