De la lutte fratricide de Caïn contre Abel au combat final de Jésus contre Satan en passant par les nombreuses batailles menées par Israël, la Bible définit la Guerre en distinguant fondamentalement l’ordre spirituel de l’ordre temporel.
LA GUERRE DANS L’ANCIEN TESTAMENT
La guerre était, dans l’ancien Orient, une réalité permanente. A chaque retour d’année, les Rois se mettaient en campagne (2 Samuel, II,I). Les dieux des polythéistes se livraient aussi la guerre entre eux et même si Israël coupa court à de telles croyances, elle n’en conserva pas moins l’image d’un Dieu combattant (Psaume 74, 13-15 ; Psaume 89, 10 et 11).
Depuis l’Alliance sinaïtique, Israël a dû conquérir la patrie que Dieu lui avait donnée (Exode, 23, 27-33). C’est ainsi que, dans l’Ancien Testament, les guerres nationales d’Israël, qui sont en même temps les guerres de Yahwéh , sont globalement justes (Deutéronome 7,3-4 ; 7,I). Bien plus, elles permettent l’avènement du règne de Yahwéh. Cause d’Israël et cause de Yahwéh se superposent donc, autant dans le cas de guerres offensives (Nombres, 21,21-25 ; Deutéronome 2,26-3,17 ; Josué 6-12) que dans celui de guerres défensives (Nombres 31 ; Juges 3-12 ; 15,11-17 ; 28-30 ; 8 ; 10). La victoire remportée est alors politique et religieuse (Psaume 2 ; 45 ; 4 ; 60,7-14 ; 110).
Mais les combats de Yahwéh ne sont pas réductibles aux combats d’Israël dans l’Ancien Testament. Yahwéh lutte personnellement contre l’Egypte par exemple en la frappant de prodiges de toutes sortes (Exode 3, 20). Les Psaumes rappellent d’ailleurs que les hommes combattent mais que Dieu seul donne la victoire (Psaume 118, 10-14 ; 121, 2 ; 124).
De plus, Yahwéh lutte contre les ennemis de son peuple mais, plus généralement, contre les pécheurs. Or il se trouve qu’Israël pèche et devient donc parfois l’ennemi de Yahwéh. L’histoire du peuple élu est marquée par toute une série de revers militaires qui sont compris par les prophètes comme autant de punitions divines dirigées contre son peuple à cause de son péché (Isaïe, I, 4-9 ; Jérémie 4, 5-5, 17 ; 6 ; Isaïe 5, 26-30). A travers ces événements, Israël comprend que la guerre est fondamentalement un mal. Mal qui est absent des promesses touchant à la fin des temps qui se terminent par une merveilleuse vision de paix universelle.
En définitive, même si l’assaut des forces ennemies peut prendre l’aspect d’assauts militaires païens contre Jérusalem (Zacharie 14,1-3 ; Judith I-7), le combat dont il est question dans l’apocalypse de Daniel par exemple est avant tout spirituel, il oppose Dieu et Satan. (Pourtant l’apocalypse de Daniel a été rédigée durant la persécution sanglante qu’avait déchaînée le roi Antiochus.) Dans ses révoltes militaires contre l’oppression, Israël se sait donc engagée dans une lutte plus haute dont la victoire dépend de Dieu seul (2 Maccabées 15, 22-24 ; Judith 9). Cette perspective débouche naturellement sur le combat céleste que remporteront tous ceux qui auront soutenu les justes (Psaume 35, 1) et combattu l’iniquité (Sagesse 5, 17-23), le terme étant le règne de Dieu sur la Terre suivi par une paix éternelle à laquelle auront part tous les justes. (Daniel 12, 1 ; Sagesse 4, 7-9 ; 5, 15).
LA GUERRE DANS LE NOUVEAU TESTAMENT
Le combat de Jésus est uniquement spirituel, il n’est pas de ce monde (Luc, 22, 50 ; Jean 18, 38) et il répugne à l’emploi de la force, serait-ce à des fins défensives (Matthieu 26, 52 ; Jean18, 11). L’ennemi est Satan que le Christ a définitivement vaincu par la Croix.
Mais en dépit de l’ordre spirituel dans lequel s’inscrit la grandeur de l’Eglise, les chrétiens sont en butte, à la fois individuellement et collectivement, à un monde haineux (Jean 15, 18-21) et violent (Matthieu 11, 12). Et même si l’Ennemi, c’est-à-dire Satan, est spirituel, ses alliés peuvent se manifester sous des formes temporelles, telle la Rome impériale, cette nouvelle Babylone (Apocalypse 12, 17-13,10 ; 17).
Il n’en reste pas moins que les armes chrétiennes sont essentiellement spirituelles. Il s’agit des vertus (I Timothée 5, 8 : Ephésiens 6, 11) et, par-dessus tout, de la Foi (I Jean 2, 14 ; 4, 4 ; 5, 4). Si le monde triomphe, en tuant et en persécutant les chrétiens (Apocalypse 11, 7-10), ce n’est qu’en apparence. Grâce à la Résurrection du Christ en effet, une telle défaite s’inverse en victoire. (Apocalypse 12, 11 ; 14, 1-5)
Dans une perspective eschatologique, nous vivons les derniers temps – inaugurés par Jésus – qui sont marqués par un lutte entre le Christ et l’Antéchrist. Les guerres humaines révèlent les oppositions internes auxquelles est vouée l’humanité pécheresse dans la mesure où elle n’accueille pas la Paix du Christ. Mais bien qu’une lutte doive être menée ici-bas et pour l’instant, l’Apocalypse nous rappelle que la Victoire finale du Bien ne sera remportée que par le Christ lui-même, quand il paraîtra dans sa Gloire pour triompher de Satan. (Apocalypse 19, 11-26 ; 21 ; Matthieu 24, 30). C’est une telle vision de victoire finale qui fonde la constance et la confiance des saints (Apocalypse 12, 10), résolument située par-delà le temps.
D’après l’article Guerre du Vocabulaire de théologie biblique, édition du Cerf