A quelques jours de la rencontre européenne de Taizé à Paris, un entretien avec Frère Roger.
Bertrand Révillion : Le 28 décembre prochain, des dizaines de milliers de jeunes de toute l’Europe, et aussi des autres continents, se retrouveront à Paris, à l’initiative de la Communauté des Frères de Taizé. Quelle attente constatez-vous chez les jeunes?
Frère Roger : Avec mes frères, voyant sur notre colline de Taizé tous ces visages de jeunes, non seulement nordiques, slaves ou méditerranéens, mais aussi africains, latino-américains, asiatiques, nous comprenons que beaucoup d’entre eux viennent avec des questions vitales: qu’est-ce que Dieu attend de moi, comment trouver en lui un sens à ma vie? Sans toujours le pressentir clairement, ils cherchent à suivre le Christ. Il en est qui s’interrogent à partir d’une aspiration: comment Dieu peut-il être tout pour moi? Le soir, dans l’église, nous sommes souvent étonnés de voir des jeunes rester très longuement pour prier. N’est-ce pas le signe d’une attente?
Ils sont nombreux ceux qui, aujourd’hui plus que jamais, aspirent à sortir d’une période de méfiance pour entrer dans un temps de compréhension. Et ils savent alors qu’il est essentiel que les chrétiens soient non pas des « maîtres de l’inquiétude » mais des “serviteurs de la confiance”.
Si des jeunes vous demandent : « Qu’est-ce que la prière ? » Que leur répondez-vous?
Toute la vie, la prière demeure une réalité toute simple et souvent toute pauvre…
Même pour vous, Frère Roger ?
Dans l’Evangile, nous découvrons que, si nous ne savons pas comment prier, Dieu par son Esprit Saint vient en aide à nos fragilités et soutient notre prière. Il réanime une unité en nous-mêmes et nous donne une liberté intérieure.
Qu’est-ce que la liberté intérieure?
Etre libre intérieurement suppose de donner notre confiance à Dieu et d’accueillir chaque jour comme un aujourd’hui de Dieu. La liberté intérieure a besoin d’une maîtrise de soi, d’une maîtrise de l’esprit pour ne pas laisser l’imagination divaguer, ce qui ne conduirait nulle part.
Comment trouver le chemin de la prière ?
En chaque être humain, Dieu a insufflé une âme. C’est en elle que naît le désir d’une communion avec Dieu. Et comment réaliser une telle communion ? Il est possible de rencontrer Dieu, réellement, dans la prière.
Mais il n’y a pas de techniques pour prier, de même qu’il n’y a pas de méthodes pour obtenir le silence intérieur. Lorsque notre prière n’est que balbutiement, nous pouvons nous rappeler que nous sommes tous des pauvres de l’Evangile. Dieu ne nous demande pas de prodiges qui nous dépassent. Pour prier, il nous appelle simplement à nous tenir en sa présence, le cur ouvert, et à oser lui dire: «Donne-moi de vivre de toi, rassemble mon désir et ma soif. » Quand notre prière est pauvre de mots, pauvre d’intuitions, lorsque nous sommes distraits, nous nous rappelons que l’Esprit saint nous habite et qu’il prie en nous
C’est Dieu qui prie en nous?
Quand nous prions, il y a une force intérieure qui nous pousse et qui est la même pour tous, et cette force s’appelle l’Esprit Saint. Oui, Dieu, par l’Esprit Saint, prie en nous, même si nous n’en avons pas conscience.
Que de fois je me réfère intérieurement à ces paroles écrites par saint Augustin trois siècles après le Christ: “Il y a une voix du coeur et une langue du coeur… C’est cette voix intérieure qui est notre prière quand nos lèvres sont closes et notre âme ouverte devant Dieu. Nous nous taisons et notre coeur parle; non point aux oreilles des homme, mais à Dieu. Sois sûr, Dieu saura t’entendre.”
Ces paroles sont pour moi tellement uniques qu’elles sont photocopiées sur un mur de ma chambre.
La prière revêt de multiples expressions. Dieu comprend nos paroles. Il comprend aussi nos silences. Et par ailleurs rien ne porte tant vers Dieu qu’une prière commune, quand elle est pénétrée par la beauté du chant, même à quelques-uns seulement.
Mais vous, Frère Roger, après tant d’années de marche vers Dieu, savez-vous aujourd’hui un peu mieux qui est Dieu ?
Dieu est Esprit et sa présence est invisible. Mais il est là. L’étonnement est que, par son Saint Esprit, Dieu est uni à tout être humain, même si celui-ci n’en a pas conscience. Dans nos vies, le plus clair se construit par cette confiance toute simple en Dieu.
Que souhaitez-vous, Frère Roger, pour les jeunes qui, à votre invitation, vont se rassembler bientôt à Paris ?
Si chacun pouvait découvrir comment aimer et le dire par sa vie… S’ils demeuraient dans une telle confiance en Dieu qu’ils puissent pressentir son regard de compassion posé sur leurs vies
Source : livret “Paris-Taizé” réalisé par
Croire aujourd’hui, Panorama et La Croix pour la Communauté de Taizé