Ce mot n’est pas très à la mode surtout dans une société où l’abondance est reine. Cette abondance, c’est celle du désir illimité. D’autant plus fort qu’il n’accepte pas cette limite fondamentale qu’est notre propre mort.
L’ascèse est non pas d’abord une privation mais une manière d’ordonner son désir, afin qu’il s’applique à un objet valable je peux désirer un vélo, puis, un magnéto, puis puis .. qu’est-ce qui ordonnera ce désir de toujours plus ? A quel bien doit tendre mon désir ? Voilà ce que nous propose la démarche ascétique.
Car le mot ascèse désignait à l’origine « tout exercice physique, intellectuel ou moral – accompli avec une certaine méthode en vue d’un progrès ». Cela voudrait-il dire que tout n’est pas grâce ? Qu’il faut un effort pour acquérir des biens supérieurs, ceux qui ne passent pas ? L’ascète religieux cherche avant tout l’unité intérieure, ce qu’aujourd’hui, on appellerait : « la cohérence ». Cela veut dire que nous avons à lutter contre ce qui en nous et autour de nous abolit la cohérence et introduit un certain désordre intérieur nous ne savons pas ce que nous voulons, nous ne savons pas ce que nous pensons, nous ne savons pas qui nous sommes…
L’Ascèse est donc une lutte. Néanmoins, nous ne serions pas chrétiens mais victimes d’une ancienne hérésie qui s’appelle le pélagianisme si nous pensions que ces biens auxquels notre désir vrai aspirent arrivaient au bout de nos efforts. Non, ils nous sont toujours donnés par pure grâce, pur Amour de Dieu.
C’est là que l’idée proprement chrétienne de l’ascèse tient sa particularité. Comment à la fois vouloir lutter contre ce que nous disperse, tout en ne croyant pas que notre unité soit autre chose qu’un don de Dieu ? Pourquoi les deux sont-ils nécessaires ? Il faudrait un long développement pour répondre à cette question. Rappelons simplement le chemin qu’est Jésus : c’est parce qu’il a vécu les conseils évangéliques de manière sainte qu’il est resté capable infiniment de recevoir la grâce de Dieu. La démarche ascétique, l’effort, corporel et spirituel, nous garde en état de recevoir la grâce, le don de Dieu.
Quelques valeurs que développent en nous l’ascèse
– La discipline du corps, nécessaire pour devenir un « homme spirituel ». Mais discipline ne veut pas dire « mortification ». il est très traditionnel dans l’Eglise de dire que « l’exercice concret de la charité suppose la maîtrise du corps ». Pour vivre un rapport au monde ouvert, nous pouvons traiter notre corps sans méfiance mais avec prudence, sans dureté, mais sans indulgence non plus.
– Un esprit clair : nous avons tous fait l’expérience de repas trop copieux et trop arrosés, et de l’endormissement de nos sens et de notre esprit. Trop d’abondance nous empêche d’engager notre personne dans une direction épanouissante.
voir 1Tim.6,8-9
Ascèse et activité apostolique
Il est des jours où servir le Seigneur, annoncer la Parole, vivre en charité fraternelle nécessite un véritable effort . Il faut parfois prendre sur soi, et lutter contre son désir de tranquillité et de confort. Nous savons bien aussi qu’à l’exercer cette activité apostolique-, notre vie s’en trouve très régulièrement enrichie et épanouie.
Il n’y a pas d’activité apostolique féconde sans un certain renoncement et une certaine abnégation. Nous ne pouvons le vivre sans une ascèse personnelle. La communauté chrétienne est le lieu où , par une ascèse communautaire, chacun sera « sous-tenu », « entre-tenu ». De même, il n’y a pas de prière régulière qui n’exige une certaine ascèse.
N’oublions pas pour finir que, comme en toute chose, l’excès est pire que tout. Cela est vrai aussi dans l’ascèse ?