Dans son dernier roman, Marc Levy pose avec humour la question du Bien et du Mal dans des termes explicitement théologiques. Même si les réponses ou les débuts de réponses apportés à cette question ne sont pas, quant à eux, proprement théologiques, la vision de la liberté de l’homme et du sacré qui s’en dégage demeure intéressante.
Les deux personnages principaux de “Sept jours pour une éternité” sont Zofia et Lucas, un ange et un démon que Dieu et Satan ont respectivement envoyés sur terre pour un ultime combat entre le Bien et le Mal, censé décider de l’avenir des hommes une fois pour toutes. Le problème, c’est que Zofia et Lucas, que l’on voit à l’oeuvre dès le début du roman, se rencontrent un beau jour et tombent, contre toute attente, éperdument amoureux l’un de l’autre. Il va sans dire que si Satan voit d’un mauvais il la fréquentation entre un ange et son envoyé, qui se fourvoie peu à peu dans les bonnes actions, la situation n’est pas sans échapper à Dieu non plus. Mais rien n’y fait, l’amour est plus fort que tout. Malgré les mille et unes sollicitations et mises en garde du Ciel et de l’Enfer, Lucas et Zofia finissent par rester sur terre et, ironie du sort, ils donnent vie à un enfant, dont Satan et Dieu se trouvent donc être naturellement les grands-pères.
Ce récit, qui est le récit d’un roman tout public sans prétention intellectuelle, s’inscrit clairement dans un registre comique. Cependant, certains passages atteignent une certaine profondeur théologique. A la fameuse question de savoir pourquoi Dieu n’a pas éradiqué la faim dans le monde, anéanti toutes les maladies, interdit que quiconque attente à la dignité d’un enfant, réconcilié toutes les religions et “soufflé une immense moisson de tolérance sur la terre”, à cette question piège posée à tout croyant, Jules, un clochard fréquenté par les deux êtres spirituels, répond par exemple : “Tu le sais aussi bien que moi, tout cela ne dépend pas de Sa volonté mais de celle des hommes à qui Il a confié la Terre. Il n’existe pas de Bien immense que l’on puisse se représenter, Zofia, tout simplement parce que, au contraire du mal, le bien est invisible. Il ne se calcule ni ne se raconte sans perdre de son élégance ( ) L’apogée du mal que tout le monde redoute n’est rien d’autre que la fin du monde, mais ce même chacun semble ignorer que l’apogée du bien a déjà eu lieu le jour de la Création”.
Certes, Marc Levy prend des libertés avec la théologie. Le refus de l’ange Zofia de réintégrer le Ciel, la manière dont elle se laisse séduire finalement par le démon Lucas et sa volonté parfois exprimée “d’apprendre le mal” pour mieux connaître celui qu’elle aime sortent du cadre strictement religieux. Mais force est de constater qu’il ne s’agit-là que d’entorses auxquelles se donne droit une fiction avant tout comique, qui demeure au final parfaitement conforme à la vision chrétienne et fondée sur une éthique irréprochable. Si Zofia veut s’essayer au mal, elle finit toujours par céder à son appétence pour le bien et Lucas, malgré sa malignité, est peu à peu gagné par la charité.
Plus fondamentalement, la sortie progressive du registre surnaturel à laquelle mène finalement cette histoire d’ange et de démon se transformant peu à peu en humains par le miracle de l’amour offre une réflexion particulièrement intéressante. A l’issue du roman en effet, la question du Bien et du Mal, bien que toujours posée en des termes religieux puisque Dieu et Satan sont toujours là, ne se situe plus sur le plan du sacré, comme au début, mais sur celui de l’humain. A la confrontation pur/impur est substituée la tension humain/inhumain au gré d’un récit qui fonctionne donc comme une machine à désensorceler le monde.