Quand une simple comédie aborde un des sujets les plus complexes qui soient : la toute-puissance de Dieu face à la liberté humaine.
Avec tout le mal qu’on voit sur la terre, Dieu peut-il vraiment être bon ? A priori, on voit mal comment cette interrogation on ne peut plus sérieuse et profonde pourrait rimer avec une comédie au titre aussi irrespectueux, surtout quand l’acteur principal se nomme Jim Carrey et ses acolytes Jennifer Aniston et Morgan Freeman. Et pourtant, on a rarement fait plus explicite dans ce domaine. Jugez en.
Reporter pour une petite la chaîne de TV locale, Bruce Nolan, journaliste frustré et raté, décrète le jour où il perd son job que Dieu se fiche de lui, qu’Il n’est qu’un Dieu sadique qui regarde les hommes comme des fourmis, et s’amuse de le leurs malheurs. Voici alors qu’intervient Dieu en personne -Morgan Freeman- qui lui lance le défi de faire mieux, lui déléguant pour l’occasion ses pouvoirs avec les limites d’usage : le respect du libre arbitre des hommes et la discrétion.
On imagine sans peine l’étendue du panel de gags qu’offre une telle situation. Et Jim Carrey s’en donne à cur joie, accumulant les pires cataclysmes quand il décroche la lune pour reconquérir le cur de sa belle, ou faisant subir les pires avanies à tous ceux qui sont sur le chemin de la gloire journalistique dont il rêve, le tout dans un festival d’égocentrisme dont seul Jim Carrey a le secret.
Mais chemin faisant Bruce découvre petit à petit que face à la liberté humaine, sa toute puissance n’est rien. Et qu’il n’est pas facile de faire bonheur des gens quand on s’interdit de le faire malgré eux. C’est aussi l’occasion de prendre conscience qu’il n’est pas le seul au monde, et qu’avant de s’en prendre à Dieu, il aurait pu s’intéresser à ce que lui-même peut faire pour améliorer le sort de ses semblables.
Le scénario attaque donc sans complexe le problème du mal par la porte de l’humour et sur le fond, le film est presque plus proche du conte théologique que de la comédie. S’appuyant sur le talent de Jim Carrey, mais aussi sur le contraste entre un Bruce égocentrique et acariâtre et une Grace sa petite amie, Jennifer Aniston- aussi belle que généreuse et dévouée, il met en scène par quelques exemples bien choisis, la providence, la difficulté à satisfaire tout le monde, la manière dont notre égoïsme déforme notre vision du mal.
Alors bien sûr, il faut aimer les facéties de Jim Carrey, bien sûr, il faut accepter l’idée de se retrouver face à une intrigue un peu naïve, comme l’est nécessairement toute intrigue de comédie, malgré quelques clins d’il subtils. Mais sur le fond le film ne fait jamais que mettre en image un argument classique sur le problème du mal. Et il remet au centre l’essentiel : avant de pester contre Dieu sur toutes sortes de vastes sujets lointains, et si nous retroussions nos manches pour lutter contre le mal qui passe à notre portée ?
Une comédie, donc, mais qui peut être l’occasion de se poser des questions terriblement sérieuses.