Qui aurait pu dire en voyant Jeanne d’Arc brûler vive sur un bûcher que des siècles après sa mort elle continuerait à enflammer les esprits en devenant une vedette, de la littérature et du cinéma ?Nombre de réalisateurs ont tentés de s’emparer de son image, avec plus ou moins de brio. Retour donc sur trois films de trois époques différentes, chacun avec son esthétique propre et une interprétation intéressante de la vie de la sainte.
Jeanne d’Arc a été une source d’inspiration formidable pour les réalisateurs. Dès 1928, La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer vient bouleverser le monde du cinéma. Ce film muet, considéré comme un pur chef-d’oeuvre, présente une Jeanne martyre, tente de nous faire vivre sa souffrance, en un style bien particulier. Les acteurs ne sont pas maquillés, filmés en gros plan, parfois à la limite du ridicule à force de grimaces. Mais les décors quasiment nuls et la spontanéité avec laquelle sont rendus le procès et l’exécution, réduits à une courte journée, permettent de se focaliser sur le personnage de Jeanne. L’actrice interprétant la sainte, Renée Falconetti, restitue à merveille les souffrances endurées par Jeanne, et force à l’empathie. Et pour cause: Carl Dreyer lui avait comprimé les chevilles dans un étau afin qu’elle souffre réellement, ce dont le spectateur ne doute pas un instant ! Renée Falconetti quant à elle ne se remettra jamais vraiment de cette expérience et ne tournera plus aucun film.
Victor Fleming, réalisateur chanceux d’Autant en emporte le vent, s’attaque aussi à la figure de Jeanne en 1948, avec Ingrid Bergman dans le rôle-phare. Contrairement à Dreyer, son film tend à se transformer en grande épopée, presque hollywoodienne, mais très respectueuse de l’Histoire. On y retrouve les voix que Jeanne entendait, les batailles, la chute de Jeanne, son procès et enfin sa mort. L’esthétique du film contribue à renvoyer l’image d’une jeune fille toute simple, vouant corps et âme à Dieu, tendue vers le but de réaliser la volonté du Ciel. Cette oeuvre se regarde facilement, prête à sourire parfois, du fait du jeu très académique des acteurs, et émeut lors de la scène finale du bûcher.
Encore très différent de ces deux films, Jeanne la pucelle de Jacques Rivette (1993) laisse songeur. Plus qu’une sainte ou une martyre, Jeanne D’Arc est présenté avant tout comme étant une femme originale, n’avançant que pour accomplir sa mission, courageuse. Cette vision cinématographique marque, que l’on adhère ou non à l’interprétation de Sandrine Bonnaire. Divisée en deux parties, Les Batailles et Les Prisons, cette oeuvre fait presque croire que l’on assiste à un reportage, grâce à la manière lente qu’a Rivette de filmer, grâce aussi au côté « témoignage » qui ressort par moments. Surtout Jeanne apparaît sans charisme aucun, mais tendue toute entière vers sa mission divine, ce qui fait que ses victoires semblent d’autant plus miraculeuses. La longueur des deux films, environ six heures, ne doit pas faire reculer : c’est l’une des oeuvres cinématographiques les plus intéressantes jamais réalisées sur la petite bergère !