La guerre des mondes est l’occasion de redécouvrir la passion de Steven Spielberg pour la science-fiction et le sacré dans le cinéma.
De microscopiques bactéries font l’ouverture du générique. Environ deux heures après, la guerre des mondes s’achève par un gros plan de bourgeon verdoyant sur fond d’apocalypse. Pas de doute, malgré la noirceur de son film, Spielberg croit en l’homme et en la vie. Il faut tout le franchissement du film pour l’apprécier, lutte éprouvante, sans aucune minute de répit ! A ce titre la violence du film (qui l’a vu interdire au moins de 12 ans) peut interroger mais elle est justifiée. Spielberg veut montrer que, même au coeur de la pire des situations, l’espérance est toujours possible.
Le film présente une traversée violente, tourmentée et même apocalyptique de l’humanité. (Les effets spéciaux hyper-réalistes expliquent aussi l’aspect impressionnant de l’image pour le jeune public). Les extra-terrestres envahissent la terre. Ils veulent rayer de la carte le genre humain. Le vulgaire scénario d’extra-terrestre n’est qu’un prétexte pour Spielberg dont on connaît l’attachement pour les films de science-fiction (Rencontre du 3ème type, ET, Minority report, AI etc ) : le réalisateur s’attache surtout à parler, de manière universelle, du mal et de la nature profonde de l’homme. Il existe au cur de notre humanité un mal extérieur à nous : l’invasion des aliens, comme chez Ridley Scott, symbolise surtout celle de l’Alien c’est-à-dire de l’Etranger qui attaque la nature humaine. Les éléments se déchaînent tout au long du film, la fin du monde approche. Sous la terre, dans le ciel, par le feu et l’eau, l’homme est menacé par cette nature d’habitude bienfaitrice. Cette guerre des mondes incarne les attentats du 11 septembre (Le plan du caméscope par terre qui continue de filmer pendant l’attaque de la ville sort tout droit des images d’actualités de New York lors de l’attentat). Mais elle symbolise tout autant la peur de la fin du monde, l’omniprésence de la science, les catastrophes naturelles Autant de fantasmes qui actuellement terrorisent les Américains.
Spielberg va encore plus loin, de manière plus personnelle, en faisant de cette destruction extraterrestre le mythe même de la violence totalitariste et fasciste. La liste de Schindler hante le film: Spielberg ne cesse d’exorciser l’holocauste. La guerre des mondes ne se contente pas de faire ressurgir nos peurs contemporaines par le biais du genre film de catastrophe. Il parvient en même temps à montrer le mal intérieur à l’homme. Face à des situations extrêmes, l’être humain révèle en lui la violence, l’animalité et le meurtre. La guerre fait resurgir les démons (Il faut sauver le soldat Rian). L’homme menacé devient menaçant.
Pour mettre en image cette allégorie du mal, le réalisateur utilise une caméra aérienne, mouvante, tournoyante, utilisant de nombreux travellings comme pour mieux exprimer l’universel du propos : l’être humain est dépassé ; tout se déroule littéralement au dessus de lui, il est assailli de toutes parts par des forces qui le dépassent. Une vision de l’homme soumis, écrasé, étouffé par le mal, exprimée par l’enfermement et claustrophobie auxquelles les personnages sont forcés. L’illustration la meilleure en est certainement la scène où le père et sa fille se sont réfugiés dans une cave avec un fou de guerre. Tout à coup une sorte de tuyau serpenté électronique surmonté d’un grand il s’immisce dans la cave pour vérifier s’il n’y a plus de trace humaine après le désastre. Tel l’insidieux serpent il scrute l’espace, à la recherche de sa proie. Tout est dit de manière allégorique: l’il du serpent ne laisse pas l’homme innocent, il constitue une menace constante pour l’humanité. Pour survivre et protégé sa petite fille, le père joué par Tom Cruise devra même éliminer le troisième personnage enfermé avec eux. L’Etranger passe alors de l’extraterrestre à l’homme lui-même, le semblable. Une image du combat contre le mal, extérieur et intérieur à l’homme, comme il y en a beaucoup dans ce film.
Le réalisateur a pu donner aussi une dimension universelle à son film en le parsemant d’images poétiques atemporelles. Des vêtements pleuvent du ciel, des cendres volent dans les airs, des corps flottent dans le courant du fleuve, un paysage de rue dévasté et nous voici dans des images d’actualité sur la guerre A ces moments précis, comme une respiration, le temps du récit est suspendu, le film prend des allures de mémorial.
Au sein du désastre apocalyptique, le cur du film se situe dans le traitement que fait Spielberg de la famille (AI). L’invasion du mal se vit également à petite échelle au travers de l’histoire d’une famille éclatée, d’un père qui veut retrouver la confiance de ses enfants. Ici le metteur en scène montrera que même si l’homme est capable de la pus grande barbarie, il est aussi capable d’un amour extrême et d’un instinct de survie exemplaire. C’est ce que va vivre le papa de cette histoire joué par Tom Cruise qui va sauver de la fin des temps le foyer familial et s’avérer être un père qui fait réellement don de sa vie. Malgré une fin trop bâclée (le défaut de Spielberg ?), le message est clair : pour Spielberg l’avenir de l’humanité réside dans la famille et le don de soi, principales armes contre tous ces aliens qui assaillent l’homme et la société d’aujourd’hui !