Considéré comme le roman de la décennie aux Etats-Unis, traduit dans trente pays et vendu à plus de trois millions d’exemplaires, ” La Nostalgie de l’Ange ” se présente sous la forme d’un récit particulièrement surprenant dont la narratrice n’est autre qu’une jeune fille qui, se trouvant au Paradis, passe son Ciel à faire du bien sur la Terre.
L’histoire de ” La Nostalgie de l’Ange ” commence fort mal : une jeune fille prénommée Susie est violée puis tuée par un de ses voisins dans un champ de maïs. Son assassin échappe à la police et sa famille sombre dans une profonde tristesse jusqu’à éclater sous le poids du chagrin. Sa mère part s’installer loin des siens après avoir essayé, en vain, de fuir la douleur dans la débauche et l’adultère, son petit frère, Buckley, et sa soeur, Lindsey, sentent naître en eux une terrible révolte tandis que son père erre à la recherche du bourreau de sa fille.
Mais heureusement, Susie veille sur les siens. Elle est au Paradis en effet et c’est par elle que le lecteur découvre toute cette histoire difficile, qui est donc racontée depuis le début avec la compassion d’une jeune fille qui voit sa famille en proie à la douleur mais aussi avec la quiétude de ceux qui reposent dans l’au-delà. C’est ainsi qu’à force d’attention portée à la Terre et de vux destinés au Ciel, elle parvient progressivement à ressouder les liens que sa propre mort avait distendus. Sa mère finit par revenir auprès de son mari en redécouvrant son vrai visage et peu à peu, la douleur s’estompe pour laisser la vie reprendre ses droits.
L’intérêt de cette histoire vient d’abord du point de vue ” paradisiaque ” à travers lequel le lecteur découvre l’enchaînement des faits et chacun des personnages en particulier. La narratrice Susie étant au Ciel, la vengeance ainsi qu’un amour trop fusionnel et imparfait lui sont étrangers. Elle évoque par exemple son meurtrier sans haine. Bien qu’elle souhaite qu’il soit arrêté, ne serait-ce que pour soulager ses proches, elle découvre d’où elle est et elle dévoile au lecteur l’enfance malheureuse de son bourreau de sorte qu’il apparaît, lui aussi, comme une victime, plus pitoyable qu’exécrable. Du Ciel, Susie regarde aussi sa mère d’une autre manière, comme un être à part entière, fragile, vulnérable. Le plus beau passage du roman est peut-être celui où elle la décrit telle qu’elle n’avait réussi à la voir qu’une seule fois sur terre, le temps d’un cliché photographique, non pas comme ” mère de “, ” fille de “, ” femme de “, ” voisine de ” mais pour elle-même. Il en est ainsi pour tous les autres personnages.
Alice Sebold met aussi en lumière avec force dans ” La Nostalgie d’un Ange ” le lien qui rassemble les vivants et les morts ainsi que l’action bénéfique que ces derniers peuvent avoir sur la Terre qu’ils ont quittée. Ce sont les prières et les vux que Susie formule au Ciel qui provoquent le rapprochement des membres de son entourage, encouragés à continuer de vivre ensemble malgré sa disparition. De plus, ce rapprochement s’accompagne d’un agrandissement réel de sa propre famille venant compenser en quelque sorte son absence. Le roman se clôt en effet par l’annonce du mariage de la soeur de l’héroïne suivi de près par la naissance d’une petite nièce qui est considérée comme la revanche de la Vie par Susie, dont les ” apparitions ” furtives sont à comprendre comme autant de manifestations puissantes d’un souvenir capable de transporter des montagnes.
En définitive, ” La Nostalgie de l’Ange ” est un véritable message d’espoir, voire d’Espérance qui met au premier plan l’amour, plus fort que la mort, et une vision du Ciel positive où règne une compassion absolue. Le fait que l’auteur de ce roman ait vécu elle aussi un viol dans sa jeunesse, donne à son récit la force d’un témoignage touchant et constitue une preuve d’autant plus grande de la beauté de la vie qui continue, malgré tout.