Pour sensibiliser l’opinion au respect dû aux personnes contaminées par le virus du sida, l’Eglise catholique s’associe avec Bollywood pour produire un film grand public.
Le P. Dominic Emmanuel est prêtre de l’Eglise catholique et porte-parole de l’archidiocèse de Delhi. Il est aussi un passionné de cinéma et il a convaincu sa hiérarchie que Bollywood, l’industrie cinématographique indienne dont le siège est à Bombay, pouvait être un allié pour faire passer le message de l’Eglise auprès des masses. De cette alliance va sortir un film, présent sur les écrans en juillet ou en août prochain, dont le titre, en hindi, est : « Aisa Kyon Hota Hain » (Pourquoi cela se produit-il ?’).
Derrière le style du film, qui emprunte tout au savoir de Bollywood, avec force danses, épisodes chantées et intensité mélodramatique, le message est que les comportements à risque, en matière de conduite sexuelle, ont un prix : le danger de se voir contaminé par le virus du sida, mais que les personnes contaminées ont droit au respect et à l’amour de leurs proches, au même titre que n’importe quelle autre personne.
Selon le P. Dominic Emmanuel, c’est la première fois que l’Eglise catholique en Inde se lance dans la production d’un film commercial. « Des gens ont bien produit des films vidéo dans un style documentaire, mais celui-ci n’a rien à envier aux productions-types de Bollywood », explique-t-il. L’héroïne est jouée par Rati Agnihotri, une actrice qui a connu la gloire il y a quelques années. Elle interprète le rôle d’une femme qui élève seule son fils, après avoir découvert que son mari la trompait. Elle est fière de son enfant, qui excelle à l’école et sur les terrains de sport. Joué par Aryan Vaid, un acteur encore inconnu du grand public, le garçon, à mesure qu’il grandit, ne croit pas cependant à l’amour et à la valeur de l’engagement. « Le film a trait aux conséquences de cela, précise le P. Emmanuel, qui joue le rôle d’un directeur de collège dans le film.
Le garçon passe un jour un test du sida et s’aperçoit qu’il a été contaminé, du fait de ses multiples relations amoureuses. Mais ce n’est pas un film noir. Il s’ouvre sur l’espoir parce que l’héroïne proclame son amour pour son fils, en dépit de sa mauvaise conduite et malgré le fait qu’il soit contaminé par le virus. »
Avec 13 millions de roupies (230 000 euros), le budget du film est modeste, mais il bénéficie du soutien de Mahesh Bhatt, un des producteurs-réalisateurs les plus en vue de Bollywood. Sa maison de production, Vishesh Films, assurera le lancement et la promotion du film. Le soutien de Mahesh Bhatt, explique encore le P. Emmanuel, a été voulu afin que le film « ne tombe pas dans le préchi-précha, mais garde toute sa place dans le genre des films de divertissement ».
Selon le prêtre, les opposants au film ne sont pas dans l’Eglise, où la hiérarchie a très vite donné son accord, mais à l’extérieur, où les esprits sceptiques ont demandé ce que l’Eglise venait faire à Bollywood. La réponse du P. Emmanuel est que « les films sont le médium le plus populaire en Inde. Il y a plus de gens dans les salles de cinéma que dans les églises. Dès lors, pourquoi l’Eglise s’interdirait-elle le médium le plus à même de toucher ces masses ? » Le P. Emmanuel ajoute que la recherche du profit n’est certainement pas ce qui le guide dans cette entreprise. « C’est faire passer le message qui m’importe », assure-t-il.
Tourné à Bombay (Mumbai) en hindi, le film sera doublé en tamoul (pour le Tamil Nadu) et peut-être en telugu (pour l’Andra Pradesh), deux Etats de la partie sud de l’Inde où vivent une grande partie des 5,1 millions d’Indiens officiellement recensés comme étant porteurs du virus du sida. Outre la question de la conduite sexuelle des individus et de la valeur de l’amour humain, le film aborde la question de l’harmonie interreligieuse. Cet élément était nécessaire, explique le P. Emmanuel, après ce qui s’est passé au Gujarat en 2002, où 2 000 personnes, en majorité des musulmans, sont mortes du fait d’émeutes entre musulmans et hindous (1).
« Le P. Dominic est venu nous voir et nous a dit qu’il était profondément inquiet du fait de la perte des valeurs familiales et de l’importance prise par les questions communautaires dans l’Inde d’aujourd’hui. La polarisation de la société selon des lignes de partage communautaristes l’inquiète», a témoigné Ajay Kanchan, réalisateur du film. « Le scénario est original. Le ton du film est très jeune et les résonances émotionnelles sont fortes », ajoute-t-il, espérant que ces éléments compenseront l’absence de grandes stars sur l’affiche.
Source : Eglise d’Asie, Agence d’information des Missions étrangères de Paris