Signe des temps ? Mode ? Conversion collective ? La redécouverte du langage et des images bibliques se vérifie non seulement dans les hautes sphères de la culture mais aussi et surtout dans la rue, à la portée de n’importe quel passant, qui peut ainsi déambuler spirituellement au gré de ses trajets quotidiens.
Jadis, les Anciens voyaient dans la Nature la manifestation directe et éclatante de la Gloire de Dieu. A notre époque en revanche, même si on peut s’extasier devant tel ou tel paysage et avoir une petite pensée pour le Créateur, qui se transforme éventuellement en louange chez les âmes pieuses, la médiatisation des catastrophes naturelles et les mille et unes menaces qui pèsent sur la planète apportent comme une ombre au tableau et ce qu’est devenue la Nature témoigne aujourd’hui davantage de la folie de l’homme que de la Sagesse du Très Haut.
Mais par je ne sais quel miracle, force est de constater que notre monde actuel continue ou recommence à parler de Dieu de manière tout aussi directe et immédiate, sans qu’une foi particulièrement surdéveloppée soit nécessaire pour le percevoir.
L’autre jour par exemple je me promenais dans la rue et mon regard s’arrêta sur l’affiche d’un arrêt de bus faisant la promotion du dernier parfum de Lancôme : ” Miracle “. Un peu plus loin le titre d’un film fraîchement sorti attira aussi mon attention : ” Il est plus facile à un chameau de passer “, ce titre renvoyant évidemment à ce que dit le Christ dans l’Evangile : ” Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche de rentrer dans le Royaume de Dieu “.
Au coin de la rue, sur un immense panneau publicitaire, deux femmes enceintes s’annoncent une bonne nouvelle, chacune un téléphone portable à la main : on croirait voir une mise en scène de la Visitation, version Wanadoo. Sur un autre panneau publicitaire, à côté, un slogan me saute aux yeux : ” La vie, la vraie ” et je pense immédiatement à sainte Thérèse, qui voulait chercher ” Le vrai de la vie ” !
De deux choses l’une : soit je souffre d’une sorte d’obsession biblique qui me fait voir des allusions aux Saintes Ecritures ou à la littérature spirituelle partout, soit notre monde redécouvre effectivement un langage, des mots, des images religieuses qui rendent nos rues aussi évocatrices de la divinité que la Nature l’était chez les Anciens
Certains évènements me font opter pour la deuxième solution. L’autre jour, je passais devant Notre Dame et une foule compacte se pressait dans la cathédrale en pleine après-midi : Gérard Depardieu, l’acteur le plus populaire venait de lire quelques pages de l’évêque d’Hippone, mort il y a plus de seize siècles : saint Augustin. Et pas plus tard qu’hier j’entendais le dernier tube de Renaud à la radio où le chanteur célèbre, pourtant peu réputé pour son mysticisme, se comparait au Christ portant sa Croix.
Certes tout ceci n’est peut-être qu’une manière de dire, qu’un langage indépendant de ce qu’on dit avec ses mots, mais le retour du religieux n’en est pas moins là comme si ” Miracle “- l’Eternité devenait paradoxalement à la Mode jusque dans nos rues.