Le paradis ici, tout de suite, c’est possible ? Et surtout est-ce la même chose ? Dans la cocotte-minute du terrorisme mondial, Naplouse, ville palestinienne coupée en deux entre une colonie juive et un poste de contrôle militaire, un réalisateur Israélien arabe, Hany Abu-Hassad, tente de comprendre comment des jeunes gens peuvent accepter de mourir dans un attentat suicide.
Loin de tourner au documentaire didactique, ou à l’apologie du fanatisme, Paradise now est un film riche et complexe qui laisse la part belle au cinéma, c’est à dire à la contemplation des images et à ce qu’il faut d’émotion pour adhérer aux personnages.
Forcément, les choses ne sont pas simples. Le chômage est une plaie qui laisse les jeunes palestiniens désuvrés, les humiliations quotidiennes des contrôles d’identité peuvent transformer les vieillards les plus placides en lanceurs de pierre, le vert des pelouses israéliennes tranchent dangereusement avec la saleté des rues des quartiers arabes et le sentiment de vivre permanence dans une prison peut donner des ailes à ceux qui n’avaient jamais imaginé regarder par dessus la barrière. Mais des deux côtés du poste de contrôle, il y a aussi des femmes qui souffrent et des êtres humains qui ont depuis longtemps compris que répondre à la violence par la violence ne pouvait que faire empirer la situation.
Hany Abu-Hassad nous montre deux jeunes gens désignés pour perpétrer un attentat suicide. Nous les suivons dans les dernières heures qui précèdent l’opération, au plus près de leurs tourments, de leurs interrogations et de leur certitude. A cause d’un très léger incident, les choses ne vont pas se dérouler comme prévues mais vont permettre aux deux protagonistes d’affirmer ou de renier leur conviction. La très belle profession de foi finale, énoncée presque comme une excuse, sur un ton quasi larmoyant, comme à regret, montre à quel point la situation est désespérée pour ces jeunes gens. Et laisse sur le chemin tous les discours politiques, qu’ils soient teintés de fanatisme religieux puéril – « Et après ? Après, les anges viendront te chercher ! » ou d’humanisme le plus prosaïque.
Paradise now n’est pas un cours de politique étrangère. C’est un film qui montre, avec délicatesse, l’horreur vécue au quotidien, la souffrance comme moteur d’une violence stupide et meurtrière, l’enchaînement implacable du terrorisme. Pour le paradis, c’est par où la sortie ?