Xavier Lecoeur, journaliste spécialisé en culture et religion, a notamment publié chez Bayard Jeunesse deux biographies, l’une sur Mère Thérésa et l’autre sur Jean-Paul II. Voici l’introduction de son dernier ouvrage, elle vous donnera sûrement envie de lire cette “Petite vie” en entier. Bonne lecture.
L’idée de cette « Petite vie » est née un jour d’avril 2005. La Pape Jean-Paul II vient de s’éteindre, provoquant une vive émotion chez les catholiques du monde entier. Lors de ses obsèques place Saint Pierre, des voix se font entendre, des banderoles apparaissent, pour réclamer sa canonisation immédiate : « Santo subito ! Santo subito ! » Les commentateurs avertis en profitent pour rappeler, avec un brin de perfidie, que l’histoire de la papauté ne croise plus que très rarement celle de la sainteté… En effet, depuis saint Pie V au XVIe siècle, un seul souverain pontife a été canonisé par l’Eglise : saint Pie X. Elu pape en 1903, ce dernier, né Giuseppe Sarto, est décédé en 1914 et a été « porté sur les autels » en 1954 par son successeur Pie XII.
Ainsi, sr les trente-huit papes qui se sont succédé entre Pie V et Jean-Paul II, un seul a été jugé digne d’être proposé à la vénération des fidèles et de faire l’objet d’un culte universel. Dans ces conditions, on doit forcément se trouver en présence d’un être d’exception !
Pourtant, il suffit de poser quelques questions autour de soi pour se rendre que le souvenir de ce saint pape, élu il y a seulement un siècle, s’est largement estompé dans la mémoire des catholiques d’aujourd’hui. En outre, aux dithyrambes de ses nombreux biographes de la première moitié du XXe siècle s’est substituée une franche hostilité de la part de certains historiens contemporains. Beaucoup d’entre aux voient en lui, au mieux, un homme du XXIe dépassé par l’émergence d’un monde nouveau, au pire un excellent curé de campagne ayant atteint son niveau d’incompétence en devenant pape !
Au sein même de l’Eglise, le souvenir de Pie X n’est plus guère évoqué. Paradoxalement, ce saint semble connaître une sorte de purgatoire depuis un demi-siècle. Est-ce dû au fait que les catholiques intégristes l’ont pris comme référence, après le Concile Vatican II ? Estime-t-on que sa conception de la place du christianisme dans la société a été trop contredite par l’Histoire ? Ou bien juge-t-on sa sévérité excessive dans la condamnation du modernisme et du mouvement « le Sillon » ?
Qu’elles qu’en soient les raisons, la désaffection dont pâtit saint Pie X est regrettable car elle tend à laisser dans l’ombre les réformes audacieuses de ce pasteur, humble et charitable, qui recommanda la communion fréquente et voulut que « son peuple prie sur la beauté ». S’intéresser à Pie X, c’est aussi découvrir le destin exceptionnel d’un enfant issu d’un milieu modeste, qui a été amené à gravie, souvent contre sa volonté, tous les échelons de la hiérarchie de l’Eglise jusqu’au trône de saint Pierre. Enfin, c’est rencontrer, en chemin, des thèmes toujours brûlants d’actualité en ce début de XXIe siècle, au premier rang desquels figurent le rôle de la papauté et la question de la laïcité.