“Les Confessions” est le premier livre de toute l’histoire de la littérature dont l’auteur s’exprime personnellement. Montaigne, Descartes et plus tard Rousseau ou encore Musset ne feront que suivre les pas de Saint Augustin qui a ouvert la voie à l’introspection et au dévoilement de soi.
Qu’un écrivain dise “je”, “je suis” ou encore “je pense” ou “je ressens” nous paraît tout à fait naturel aujourd’hui. On n’imagine même pas d’ailleurs qu’il puisse en être autrement. Et pourtant, avant que Saint Augustin ne livre au public ses “Confessions”, entre 397 et 401, les auteurs s’exprimaient différemment. C’est qu’il fallait parler au nom d’un groupe, d’un clan ou d’une nation et non pas en tant qu’individu… La chose publique prenait le pas sur l’intimité. Certes Jules César, Octave Auguste, Sénèque, Ovide ou encore Marc Aurèle et Apulée ont pu parler d’eux, au détour d’une lettre, d’un journal intime ou d’un plaidoyer mais ce n’était que pour faire allusion à leur vie personnelle, sans jamais aller très loin.
Au contraire Saint Augustin, quant à lui, parle de lui en profondeur. Il évoque par exemple en détail le vol de poires dont il s’est rendu coupable, enfant, et décrit le sentiment qui l’a assailli alors. Il nous dit avec beaucoup d’émotion les sentiments qu’il éprouve pour sa mère, Monique. Il confie au lecteur ses errements intellectuels aux côtés des Manichéens et ses égarements charnels parmi les créatures, qu’il confond avec le Créateur. Et puis par-dessus tout il nous raconte comment, un jour, accompagné de son ami, il s’écroula dans un jardin, au pied d’un arbre, harassé de fatigue et fourbus par le doute, comment il ouvrit sa Bible, alors que des enfants chantaient non loin “Prends et lis” comme pour l’inciter, et comment il découvrit alors les paroles de Saint Paul qui lui ouvrirent pour jamais le coeur à l’infini de la Miséricorde divine et à une conversion éblouissante.
Qu’est-ce qui a bien pu permettre un tel bond ? Quel est le moteur d’un tel progrès, dont bénéficie toute la littérature moderne ? La réponse se trouve dans les premières lignes des “Confessions” : la louange de Dieu. Chanter Dieu, dire l’Eternité du Très Haut, clamer la splendeur de l’Eternel, voilà ce que fait Saint Augustin dans ses “Confessions”, qui représentent donc autant l’aveu de fautes passées qu’une profession de foi ardente. Autrement dit c’est la considération de la Grandeur de Dieu qui lui fait considérer sa propre misère ainsi que la joie du repentir qui sont au cur de son intimité.
Lisez ou relisez donc ” les Confessions ” de Saint Augustin et vous découvrirez, en plus d’un témoignage unique sur la Miséricorde du Seigneur, plus forte que nos péchés, le premier livre où un homme a pu se dire, a pu dévoiler son intimité et son coeur, grâce à Dieu.