Le 24 août dernier, nous commémorions les 60 ans de la mort de Simone Weil. Cette philosophe inclassable et très proche des réalités de son temps, a toujours entretenu avec le christianisme des relations privilégiées.
Simone Weil est la fille d’un médecin scientiste et la soeur cadette d’André Weil, l’un des proches collaborateurs d’Einstein. C’est donc la rigueur qu’elle reçut en héritage ; une rigueur alliée chez elle à une quête insatiable de la Vérité embrassant toute son existence. Elle connaissait, elle vivait la distance désespérante entre “savoir” et “savoir de toute son âme” et sa vie n’avait pas d’autre but que d’abolir cette distance, déclare le philosophe Gustave Thibon.
Fuyant les landes stériles d’un intellectualisme désincarné, elle travailla comme ouvrière à l’usine et son chemin croisa la guerre d’Espagne et l’Italie, Assise en particulier, la ville de saint François. Elle mourut en Angleterre, où elle était venue, après un détour par les États-Unis, conduite par son désir de se rapprocher de ses compatriotes. Et à trente-quatre ans, elle laissait une uvre monumentale. Albert Camus, celui qui a publié plusieurs de ses oeuvres, (Oppression et liberté, L’Enracinement, La Condition ouvrière, Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu) dans la collection Espoir chez Gallimard, a écrit à son sujet: “Il me paraît impossible d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies.”
Simone Weil est inclassable. Son anticonformisme se traduisit d’abord dans la manière dont elle envisageait sa profession d’enseignante. Gustave Thibon, qui a préfacé La pesanteur et la grâce, raconte qu’à un inspecteur général qui la menaçait de sanctions pouvant aller jusqu’à la révocation, elle répondit en souriant: Monsieur l’inspecteur, j’ai toujours considéré la révocation comme le couronnement normal de ma carrière. Mais c’est surtout son amour du peuple et sa haine de toute oppression mêlés à sa haine du progrès et son culte de la tradition qui interdisent définitivement aux partis, aux clans et aux factions politiques de droite comme de gauche de se réclamer d’elle, bien que son engagement fût indéniable et significatif.
Simone Weil est inclassable en définitive parce qu’elle recherche la vérité intérieure au-delà des controverses, dans le cur éblouissant de l’être, qui prend les dimensions de la Croix pour elle :
Nous sommes ce qui est plus loin de Dieu, à l’extrême limite d’où il ne soit pas absolument impossible de revenir à lui. En notre être, Dieu est déchiré. Nous sommes la crucifixion de Dieu. L’amour de Dieu pour nous est passion. Comment le bien pourrait-il aimer le mal sans souffrir ? Et le mal souffre aussi en aimant le Bien. L’amour mutuel de Dieu et de l’homme est souffrance. ( La Croix , La Pesanteur et la Grâce)