Dans « Magnus », Sylvie Germain met en scène un personnage en quête d’identité qui constate peu à peu son esseulement dans un monde où il erre, sans attache, à la recherche de l’origine perdue.
Oubli, illusion, angoisse. Telles sont les trois épreuves que Sylvie Germain a décidé de faire subir au héros de son dernier livre. Trois épreuves qui sont en même temps trois troubles de la mémoire, de l’imagination et de l’identité plongeant le lecteur dans une vertigineuse quête de soi.
« Magnus » raconte en effet l’histoire d’un jeune garçon amnésique qui découvre en grandissant que son père, dépeint avec admiration par sa mère suppléant au défaut de souvenirs, est un horrible nazi. Pire : il s’aperçoit, à l’occasion d’une mystérieuse illumination que ses parents ne sont pas ses vrais parents. Pire encore : il éprouve finalement dans sa chair l’angoisse de n’être rien, de ne pouvoir être personne parce que sans père, sans nom, sans parole.
Ce personnage accèdera pourtant au bonheur. Alors reclus dans le fin fond de la campagne française, après avoir parcouru le monde sur les pas d’un faux père, il fait connaissance de frère Jean, fantasque ermite amoureux des abeilles. Juste avant de mourir, le vieil homme l’emmène dans la forêt, s’endort sur son épaule. C’est alors que tout s’accomplit, que tout s’éclaire dans la vie de Magnus (il s’appelle Magnus), sans que l’on sache trop pourquoi ni comment.
Dans les dernières pages du roman, le lecteur apprend que ce frère Jean avait l’habitude de prier devant une statuette de la Vierge, dans la clairière où il avait installé son rucher, et qu’un jour, après avoir constaté le vol de l’objet sacré, il décida que l’absence de statuette célébrerait dorénavant « Notre Dame du Vide ».
Sans vouloir trouver de message dans une oeuvre qui demeure par définition ouverte à une multitude d’interprétations, il est fort probable que cet épisode, niché à la fin du récit, éclaire tout le roman. Comme s’il avait été écrit sous le regard de cette surprenante Madone. Dans « Magnus », au-delà de l’oubli, qui marque immanquablement toute mémoire, par-delà l’incompressible illusion et au coeur même de l’angoisse, il y a Quelqu’un. Une Présence éclairant subitement le Néant.
Autant dire que Sylvie Germain nous donne, une fois de plus, une leçon d’Espérance parfaitement inattendue.