L’écrivain François Coppée (1842-1908), dont toute l’oeuvre est profondément influencée par la Liturgie, nous donne une méditation originale de la cérémonie des cendres.
“Cérémonie d’un symbolisme admirable, comme toutes celles de l’Eglise d’ailleurs. Elle n’a pas seulement pour but de nous rappeler que la vie est brève, la mort prochaine et que le peu qui restera de nous, eussions-nous été des conquérants fameux et des puissants empereurs, servira peut-être un jour à boucher la lézarde d’une muraille ou la bonde d’un tonneau, encore que cette vérité banale soit toujours utile à redire et salutaire à méditer. Les cendres répandues sur la tête du Chrétien ont une autre signification ( …)
Les cendres recommandent à l’homme d’être humble, quand il songe au mérite qu’il peut avoir, à la place si considérable qu’elle soit, qu’il occupe dans le monde, aux bonnes actions même qu’il a pu faire. Elles lui ordonnent aussi de réparer le mal qu’il a commis, ou, tout au moins, si la faute est irrémédiable, de la regretter amèrement, et de toutes les forces de son âme (… )
Un sens profond se dégage (encore) de cette cérémonie des Cendres, qui rappelle à l’homme que la mort le menace sans cesse et qu’il doit souvent s’examiner et se juger, humblement, sévèrement avec un esprit de pénitence et de réparation (… )
C’est dans un quartier populaire, dans une église de faubourg, à l’une de ces messes très matinales, où ne se rencontrent que de très pauvres gens, que je voudrais conduire, pour y voir donner les cendres, un homme d’aujourd’hui, un incrédule (pourvu qu’il sente) un amour sincère du peuple.
Le spectateur serait ému. En voyant répandre sur leur front cette poussière, qui selon le mot d’Hamlet, contient peut-être un atome d’Alexandre et de César, et présente, en quelque sorte, l’image de tant de civilisations détruites, de tant de peuples disparus, il se souviendrait, que l’histoire n’est qu’un long cri de douleur, que partout et toujours le sort des faibles et des petits fut à peine supportable, et qu’ils n’ont jamais trouvé de meilleurs soulagements à leurs souffrances qu’en levant les yeux vers le ciel.
Dans cette atmosphère religieuse, devant ces pauvres gens en prière, l’incrédule croirait en Jésus-Christ.”
« La Bonne souffrance »