L’annulation de la Dette du Tiers-Monde n’est qu’une simple question de volonté politique. Et cette volonté politique dépend en grande partie de la mobilisation des citoyens qu’il revient parfois aux artistes de susciter ou d’entretenir.
La Dette du Tiers-Monde tue chaque année des milliers d’hommes et de femmes faute de soins pourtant simples qu’un gouvernement épuisé par le service de la Dette n’a pu financer.
Tiken Jah Fakoli, Cesaria Evora, Lenine, Lokua Kanza, El Hadj N’Diaye, Chico Cesar, Fabulous Trobadors, Massilia Sound System, Toto La Momposina, Sally Nyolo, Oliver Mtukudzi, Fernanda Abreu… chantent 16 titres inedits pour les associations qui luttent pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde.
Pourquoi ?
La Dette du Tiers-Monde en bref…
Chaque année, des milliers d’hommes et de femmes meurent en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, faute d’avoir reçu des soins pourtant simples qu’un gouvernement épuisé par le service de la Dette n’a pu financer.
Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement, le remboursement de la Dette occupe en effet dans le budget de bien des pays une part plus grande que celle qui est affectée aux services sociaux (éducation, santé, …). Ainsi, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a indiqué en 2001 que 38 % du budget des pays d’Afrique était consacré au service de la Dette. Ce seul chiffre atteste du sacrifice des besoins essentiels d’une population à des règles économiques tronquées.
Car d’où vient cette Dette ?
Principalement d’emprunts effectués sans le moindre contrôle dans les années 1960 et 1970, souvent par des dirigeants qui n’avaient aucune légitimité démocratique.
Ainsi que penser du sort d’Haïti, condamnée aujourd’hui à rembourser les sommes détournées par la famille des Duvalier, ses anciens dictateurs qui coulent aujourd’hui des jours heureux en Europe avec les millions détournés ?
Ou que penser de l’Afrique du Sud, condamnée à rembourser les prêts consentis au régime d’apartheid pour qu’il s’arme et défende son système raciste ?
Le pire est probablement que cette Dette a déjà été en grande partie remboursée.
Il y a 20 ans, la dette extérieure publique des pays en développement s’élevait en effet à 600 milliards de dollars et, depuis, ils ont remboursé 4 500 milliards de dollars.
Mais leur Dette s’élève aujourd’hui à 2 450 milliards de dollars, ce qui s’explique essentiellement par de nouveaux emprunts destinés à payer les intérêts des précédents.
Les institutions financières internationales utilisent le prétexte de ce reliquat pour imposer au Tiers-Monde des programmes d’austérité toujours plus draconiens, basés sur de nouvelles réductions des dépenses publiques (privatisations, vagues de licenciements massifs et diminution des dépenses sociales).
L’annulation partielle ou intégrale de la Dette extérieure publique d’un état est pourtant possible.
Des antécédents ont eu lieu : à Cuba en 1898, au Costa Rica en 1923, en Allemagne en 1953, …
L’annulation de la Dette du Tiers-Monde n’est donc qu’une simple question de volonté politique. Et cette volonté politique dépend en grande partie de la mobilisation des citoyens d’Europe, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Océanie … qu’il revient parfois aux artistes de susciter ou d’entretenir.
Quels enjeux ?
Ne nous aveuglons pas. Les grandes puissances n’annuleront pas la Dette simplement parce qu’une poignée d’artistes talentueux le leur demandent.
Ce serait pour elles se priver d’une source de revenus très sure (de 1995 à 2001, les flux financiers publics allant des pays en voie de développement vers les pays développés pour l’essentiel des remboursements de dettes étaient supérieurs de 240 milliards de dollars aux flux financiers publics dons, nouveaux prêts allant dans l’autre sens) et reconnaître que leur politique est foncièrement injuste.
Alors qu’espérer d’un tel disque ?
D’abord qu’il aide les associations qui luttent pour l’annulation de la Dette à se faire entendre et à organiser de nouvelles campagnes à l’attention de l’opinion publique, la seule à même de faire plier les gouvernements des pays riches.
Ensuite, qu’il essaime aux quatre vents les protestations des artistes.
Qu’un seul camerounais, qu’un seul indonésien, ou qu’un seul péruvien, étonné par une chanson qu’il vient d’entendre à la radio, se décide à poser autour de lui des questions sur ce que rembourse son pays ou sur les raisons de ces remboursements et le travail des artistes et des producteurs n’aura pas été vain …
Quels artistes ?
Au total, plus de 100 musiciens ont participé à l’enregistrement de cet album !
L’immense majorité d’entre eux vient d’Afrique ou d’Amérique Latine.
Ce n’est pas un hasard mais ce n’est pas non plus un objectif avoué.
Il se trouve juste que la plupart des artistes européens ou nord-américains sollicités n’ont pas trouvé le temps d’enregistrer un titre pour cet album.
Ce qui en fait un disque résolument sudiste, une sorte d’exhortation faite aux populations du Sud à refuser le fatalisme et la dépendance et à reprendre leur destin en main, formulée par des musiciens qui montrent la voie…
Quelles associations ? Quels labels ?
En France …
Une part importante des profits réalisés au cours de la vente du disque sera reversée aux associations qui luttent pour l’annulation de la Dette du Tiers-Monde.
Réunies dans une plate-forme baptisée “Dette et Développement”, ces associations sont de sensibilités diverses. Certaines sont d’inspiration chrétienne (Jean-Paul II avait été parmi les premiers à appeler à une annulation des Dettes au moment du passage à l’an 2000), d’autres sont issues de l’univers syndical (et connaissent de ce fait les difficultés auxquelles sont confrontés les syndicalistes des pays les plus pauvres), d’autres encore ont une vocation plus spécifiquement tiers-mondiste. (www.dette2000.org)
(Le CCFD est coordinateur de la plateforme “Dette et Développement”)
Et ailleurs …
En dehors de la France, des associations seront impliquées dans l’exploitation du disque partout où il sera commercialisé.
Pour certaines, c’est un enjeu considérable.
Prenons l’exemple du Burkina Faso. Les enregistrements y sortiront sous forme de cassettes bon marché. L’opération ne rapportera donc à l’association locale partenaire qu’une somme minime (2000 à 3000 euros, au maximum). Mais cette somme sera très utile à une association dépourvue de tout. Et, surtout, la présence d’artistes très populaires sur la compilation lui permettra d’obtenir l’attention de médias locaux qui, jusqu’ici, l’ignoraient superbement (il lui a été plusieurs fois proposé de payer pour que ses communiqués de presse soient publiés !) et, par leur intermédiaire, de donner à l’ensemble du pays quelques explications sur ce que le gouvernement burkinabé rembourse chaque année.