47 années de la vie de John Nash, mathématicien génial mais schizophrène, passé de la gloire précoce à l’aliénation psychiatrique. Avant de reprendre le dessus, soutenu par sa femme, et d’être enfin couronné par un prix Nobel en 1994.
Le titre de ce film est trompeur. Certes John Nash, son personnage principal, est bien un être d’exception. Ce véritable génie, qui vit toujours quelque part aux Etats-Unis, aussi doué qu’orgueilleux et asociable, aura marqué l’histoire des mathématiques au XXe siècle. Etudiant à Princeton, il méprise les cours et se consacre exclusivement à la recherche de l’idée géniale qui lui permettra de voir enfin sa supériorité reconnue. Il parviendra à ses fins : ses recherches sur la théorie des jeux lui vaudront aussitôt un poste prestigieux au MIT, et bien plus tard, le prix Nobel d’économie en 1994.
Exceptionnel, Nash l’est aussi par la maladie qui ronge son esprit : il est schizophrène paranoïaque. Enfermé dans un univers délirant, il est victime d’hallucinations qui finissent par le conduire tout droit à l’hôpital psychiatrique pour un traitement de choc.
Exceptionnel enfin, le long chemin de guérison de cet homme broyé par la maladie, assommé par les médicaments, devenu l’ombre de lui-même et la risée d’étudiants morveux de Princeton où il tente de retrouver une place. Mais dans ce combat incessant contre sa maladie, Nash n’est pas seul. Il est accompagné, soutenu, parfois porté à bout de bras, par Alicia, son épouse.
Car celle qui fut son élève, et qui est devenu sa femme, a renoncé à le quitter. Aux pires heures de la maladie, quand sa propre vie est en danger, elle choisit de rester fidèle à l’engagement qu’elle a pris, comme elle confie à l’un des anciens collègues de Nash dans une scène particulièrement touchante.
Voilà pourquoi le titre de ce film est trompeur. Il y a, aux côtés de cet homme d’exception, une femme tout aussi exceptionnelle, et sans qui l’esprit de Nash aurait fini par se disloquer définitivement. Le témoignage poignant de l’amour au sein d’un couple, sur lequel les épreuves de la maladie n’auront pas prévalu : voilà ce qui fait la vraie force de ce film. Il y a, dans le discours de réception du prix Nobel de John Nash, des accents de St-Paul (“quand je connaîtrais tous les mystères et toute la science, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien” 1Co 13:2).
Alors on fermera les yeux sur les quelques faiblesses du film : une mise en scène très académique, et des clichés sur “le savant fou” dénué de sentiments. Plus frustrant peut-être, le scénario passe complètement sous silence le contenu du travail de Nash : sur ces recherches dont on nous dit et redit qu’elles ont bouleversé l’économie, on aurait bien aimé en savoir un peu plus. Mais sans doute cette démarche exigeante aurait-elle contrarié les prétentions d’un film en route vers les oscars.
Tout cela n’enlève rien à la grandeur d’un film qui tient dans la faiblesse reconnue et acceptée. C’est dans certains actes d’une profonde humilité que John Nash vient puiser enfin la véritable force de vaincre sa maladie : se rasseoir en cours à la place de l’élève, aller demander piteusement à son ancien rival une petite place à l’université de Princeton… Saint-Paul écrivait encore : “je puis tout en Celui qui me rend fort” (Ph 4:13). L’expérience de Nash n’est pas si loin. Ce n’est pas la force de son intelligence qui l’a rendu fort, mais c’est la grâce de l’amour qui l’unit à son épouse qui l’a sauvé.