Catéchèse de Mgr Armand Maillard, Archevêque de Bourges.
L’Esprit Saint est désigné de bien des manières dans la tradition de l’Eglise et d’abord dans la prière de l’Eglise. Lors du sacrement de la confirmation, l’évêque, dans la prière, appelle sur les confirmands la venue de l’Esprit-Saint qu’il qualifie d’Esprit de Vérité, d’Esprit de Sainteté qui nous faire vivre comme Jésus et avec Lui, d’esprit d’amour.
Découvrir le Christ est une œuvre jamais achevée, c’est l’œuvre de toute une vie : l’enfant découvre le Christ avec ses yeux d’enfant, l’adolescent avec ses yeux d’adolescent, le prêtre à partir de son expérience de pasteur, le consacré dans sa vie de contemplatif dans cet engagement radical et définitif de toute une vie donnée avec les vœux de chasteté, pauvreté, obéissance qui structurent son existence. C’est une découverte jamais terminée, toujours neuve.
Pourtant le Christ ne nous appartient pas, il appartient à l’histoire des hommes ; et n’importe qui, par l’histoire des religions, peut connaître quelque chose de Jésus. Autour de nous, aujourd’hui encore, nos voisins, des amis, des parents peuvent savoir quelque chose de Jésus mais n’être pas croyants ou avoir abandonné la foi et rejeté l’Eglise ou épousé, choisi une autre religion : c’est l’expérience que font beaucoup de nos contemporains. Et les chrétiens se sentent parfois peu nombreux, mais n’est-ce pas la condition habituelle dès les origines ? Jésus a été bien seul sur sa terre ; les grandes foules n’ont pas été très assidues à le suivre…
L’expérience de la foi au Christ nous met dans une relation très particulière qui influence et change nos vies, notre regard sur la réalité, notre manière d’envisager l’existence, l’avenir, le travail, la vie de famille. En cette année Saint-Paul, comment ne pas laisser résonner ses paroles aux Romains : « Ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux là sont fils de Dieu. C’est un Esprit qui fait de vous des fils » (Rm, 8, 14s). L’Esprit nous introduit dans l’intimité de la relation avec Dieu Père. Nous sommes aux côtés de Jésus qui s’adresse à son Père, nous sommes fils aux côtés du Fils, frère de Jésus en vérité : c’est la vérité de nos vies, notre identité profonde qui est dévoilée. Par la prière, nous sommes ainsi introduits et associés à la vie intime du Dieu Trinitaire.
C’est un grand mystère dont chacun de nous est porteur, un mystère, c’est-à-dire une vie, une réalité qui dépasse l’entendement, qui nous transforme, nous transfigure. C’est un don qui nous vient d’ailleurs, de Dieu. On s’interroge de manière traditionnelle : « Où est Dieu ? ». L’Evangile de saint Jean répond à Jude : « Si quelqu’un m’aime, il observera ma Parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui, nous établirons chez lui notre demeure » (Jn, 14, 23). L’homme est donc la demeure de Dieu s’il sait s’ouvrir au don de Dieu. Quelle dignité ! Quelle grandeur qui nous vient de Dieu quelles que soient notre condition, notre intelligence, notre santé… !
Nous pouvons découvrir le Christ en restant des familiers de sa Parole qui est à notre portée. Le Livre, la Bible, est un écrit qui peut devenir une Parole vivante, une parole qui fait vivre, qui transforme nos vies. Depuis des siècles sans interruption, cette Parole est lue, proclamée, commentée, accueillie, méditée, incarnée dans des vies. Elle a inspiré des hommes, des femmes, que l’Eglise a officiellement reconnus comme des saints et qui restent pour nous des modèles. Elle a inspiré des institutions, des congrégations, des écoles, des hôpitaux pour mettre en œuvre cette Parole au service prioritaire des formes de pauvreté qui existent dans le monde au long des siècles. Pour éclairer notre existence d’aujourd’hui, nous sommes donc invités à en devenir des familiers.
La vie spirituelle des chrétiens, la prière quotidienne, prend souvent la forme d’une relecture de notre vie qui met en présence nos existences au quotidien et l’éclairage de la Parole. Le sens de nos vies est ainsi peu à peu révélé. « L’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 26). Voilà donc l’œuvre de l’Esprit-Saint en nous. C’est un réflexe que nous sommes invités à acquérir : relire nos vies, revoir nos rencontres, intégrer dans notre prière les dialogues que nous avons pu avoir, nous familiariser avec les scènes évangéliques, nous identifier aux personnages, épouser le regard de Jésus sur les personnes, sur la maladie, sur les événements, c’est l’œuvre continue de notre vie spirituelle, de notre rencontre au quotidien avec le Christ et avec son Esprit.
Cette relecture peut être une relecture partagée dans des cercles, groupes qui s’enrichissent fraternellement les uns les autres de l’écho que trouve cette lecture dans leur cœur et qui est œuvre de l’Esprit. Les nombreux groupes bibliques, groupes de parole qui existent dans l’Eglise, en témoignent. Ce partage de la Parole contribue à tisser des liens forts entre les baptisés.
Les chrétiens reçoivent donc l’Esprit qui reposait sur Jésus, le Fils du Père, comme dans le récit de Pentecôte : « Remplis d’Esprit-Saint, ils se mettent à parler en d’autres langues comme l’Esprit leur donne de s’exprimer. […] Ils annoncent les merveilles de Dieu. » (cf. Ac 2, 4. 11). Ils deviennent apôtres et annoncent l’accomplissement du royaume au milieu des hommes, dans l’histoire. Les chrétiens ne peuvent pas ne pas annoncer la Bonne Nouvelle. L’Eglise continue l’œuvre du Christ, elle passe par l’annonce des témoins de l’Evangile que nous sommes. Ce trésor de la foi est fait pour être partagé là où nous vivons, dans nos relations les plus habituelles comme aussi à l’échelle de la planète.
+ Armand Maillard
Archevêque de Bourges