Missionnaire : un titre difficile à porter aujourd’hui ! Pour beaucoup, même parmi les chrétiens, il rime avec «colonisation», «sentiment de supériorité», «aliénation des consciences». La pression est si forte qu’il faudrait se taire et ne plus exister. Voilà peu de temps, une revue diocésaine titrait un de ses articles : «Du missionnaire barbu au baptisé témoin !» Le jugement est prononcé, la condamnation sans appel…
Explications sur le sens de la Mission en 2006 avec le provincial de la Société des Missions Africaines.
On peut essayer de comprendre. L’histoire de la mission est faite d’ombre et de lumière. Tous les comportements n’ont pas été inspirés par l’Evangile. L’Eglise vit dans l’histoire : elle est sous influence. Le missionnaire reste un homme de son temps. Il en porte les grandeurs et les misères. Il transporte avec lui certains a-priori de son époque. Mais, vouloir faire du missionnaire un conquérant, un homme de pouvoir qui venait imposer la foi, qui baptisait de force, et qui voulait faire nombre, est une contre-vérité.
Il suffit d’écouter ceux qui ont accueilli les missionnaires. En mai 1994, à la fin du Synode des évêques sur l’Afrique, les évêques africains ont écrit ces mots dans leur message final :
L’effort accompli par les missionnaires, hommes et femmes, qui se sont succédés, des générations durant, sur le continent africain, mérite éloge et gratitude. Ils ont peiné dur, affronté l’inconfort, la faim, la soif, la maladie, la certitude d’une vie brève, la mort, pour nous donner ce qu’ils avaient de plus cher : Jésus-Christ. Ils ont payé un lourd tribut pour faire de nous des enfants de Dieu. Leur foi engagée, le dynamisme et l’ardeur éclairée de leur zèle, nous valent d’exister aujourd’hui comme Eglise-Famille pour la louange et la gloire de Dieu.
Très tôt ont été associés à leur témoignage de très nombreux fils et filles de la terre d’Afrique comme catéchistes, interprètes, collaborateurs divers. Puisse leur exemple se communiquer ! (n°10).
On ne peut pas dire mieux.
Malgré les ambiguïtés, dans notre Eglise de France, on n’a jamais autant parlé de la mission. C’est heureux ! Pour les passionnés du Christ, elle est une urgence. Désormais, tout chrétien est missionnaire, et, pour être crédible, tout projet d’Eglise doit avoir une visée missionnaire. Vatican II nous a permis de le redécouvrir : la mission appartient à la nature même de l’Eglise. L’Eglise n’existe que pour l’annonce de l’Evangile, pour proclamer, à tous les hommes de tous les temps, la révélation que Dieu a fait de lui-même en Jésus-Christ. Répondant aux critiques d’aujourd’hui, Jean-Paul II disait, dans son encyclique missionnaire, Redemptoris Missio, que l’annonce de l’Evangile ne viole en rien la liberté de l’homme puisque la foi exige une libre adhésion. La mission ne restreint pas la liberté, elle la favorise. L’Eglise propose, elle n’impose rien. Elle respecte les personnes et les cultures, et elle s’arrête devant l’autel de la conscience. (R.M. n°39)
Sûre que toute personne à le droit de savoir qu’elle est aimée de Dieu en Jésus-Christ, et que Dieu a un projet d’amour sur le monde : celui de nous rassembler tous en une famille de frères, la Société des Missions Africaines (SMA) croit en l’avenir. Sa Mission aujourd’hui peut se comprendre dans trois directions :
1. La Mission, c’est aller à la rencontre des autres, dans l’Esprit d’amour qui précède toujours le missionnaire. Aller à la rencontre de l’autre pour le découvrir, pour partager avec lui, dialoguer fraternellement.
2. La Mission, c’est aussi proposer le projet d’amour de Dieu, proposer la Fraternité en Christ à tous les hommes. C’est là une bonne nouvelle pour aujourd’hui. Cela demande une présence à ceux que l’on rencontre, un partage de leur vie, comme le Christ a partagé la nôtre.
3. La Mission, c’est encore bâtir le Corps du Christ, s’unir pour construire la Fraternité, en comprenant
– qu’elle se construit dans le temps,
– qu’elle accueille chacun tel qu’il est, comme un frère,
– qu’elle permet la conversion du regard et du coeur,
– qu’elle reconnaît la dignité de chacun
– qu’elle est signe d’espérance et d’unité,
– qu’elle entraîne vers le Père, but ultime de notre vie.
Ce projet missionnaire nous dépasse tous. Il ne vient pas de nous : il est à accueillir, car il nous est donné. Pour le réaliser, la Société des Missions Africaines invite tous ses membres à suivre la même route que le Christ, la route du service de l’homme, en se faisant, eux aussi, serviteurs.