A l’occasion de la Pentecôte, la revue Croire Aujourd’hui – Jeunes chrétiens, invite à une réflexion sur le mystère de l’Eglise. Dans l’Évangile, maintes fois, Jésus annonce que sa présence est limitée dans le temps. Il désirait que l’Église prolonge sa présence d’amour dans le monde.
Croire Aujourd’hui Jeunes Chrétiens : Pourquoi Jésus a t-il voulu fonder l’Église ?
P. Philippe Marsset : Il voulait que les hommes de toutes les époques puissent le rencontrer et non seulement ses contemporains. Qu’ils aient tous un lieu source pour parler à Dieu .
Spontanément, beaucoup de gens pensent que l’on peut être croyant tout seul, se faire sa religion perso. Mais Jésus a fondé l’Église pour faire vivre les Apôtres ensemble. À leur suite, nous existons les uns avec les autres pour bannir l’égoïsme ou la solitude spirituelle, la mentalité du moi et mon Dieu dans mon petit coin. Il a voulu créer le besoin d’avoir besoin des autres pour rester croyant. La foi, cela ne se découvre pas tout seul mais grâce aux autres, par les autres et pour les autres.
CAJC : Quelles missions a-t-il données à l’Eglise ?
Père Philippe Marsset : Qu’elle aille où il n’est pas allé. Dans l’Évangile, on voit Jésus aller seulement deux ou trois fois chez les païens (les non juifs), par exemple la cananéenne ou le centurion romain. Il ne pouvait pas tout faire et il fallait bien que son uvre soit poursuivie. L’Église est donc elle-même quand elle est en mission et qu’elle révèle l’amour de Dieu à chacun. Une mission qui commence dans la classe, dans le quartier, dans la cité. Souvent, dans ces lieux, ce n’est pas que Dieu n’est pas aimé, c’est qu’il est inconnu ! Faire connaître et aimer Jésus, c’est la mission de l’Église.
L’Église est là aussi pour prolonger la présence de pardon du Christ : elle est le lieu où se reçoit la capacité de pardonner. Quand on se pardonne à soi-même, on risque simplement de s’auto justifier ! L’Église est la communauté que Jésus donne à l’histoire et aux hommes pour être sûr que dès maintenant (et pas seulement au ciel), on peut être pardonné par Dieu. Il n’y a pas de rencontre en direct live avec le Christ ! Sa rencontre passe par l’humanité. Le pouvoir, proprement divin, de pardonner est comme caché dans l’humaine Église : Ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. (Matthieu 16,19). Comme prêtre, je suis témoin de naissances merveilleuses : Prenant conscience, grâce à l’Église, qu’un réel pardon leur est donné, des personnes renaissent littéralement.
CAJC : Quel geste du Christ nous dit le plus son désir de rassembler une communauté ?
Père Philippe Marsset : L’Eucharistie. Quand Jésus accomplit ce geste, il ne le confie pas à une personne isolée mais à une communauté, son Église. Il ne dit pas “tu feras” mais faites cela en mémoire de moi (Luc 22,19). Lorsque cette communauté est ainsi rassemblée, elle rend présent une présence réelle : celle du corps même du Christ! Dans le corps constitué par les chrétiens, le Christ est présent.
CAJC : Jésus a choisi douze apôtres. Que nous disent-ils de l’Église ?
Père Philippe Marsset : Regardez la diversité de ces douze apôtres : Il y a un zélote (Simon), un Iscariote, (un homme de Karioth -Judas), deux fils du tonnerre (Jacques et Jean), un publicain (Matthieu). Un sera traître, un autre, un lâche. Rien humainement ne pouvait les réunir si ce n’est leur mission et leur amour pour le Christ. L’Église est bâtie sur des hommes qui ont tous vécu la trahison de Jésus et qui ne peuvent pas s’appuyer sur leurs propres forces pour faire perdurer l’Église. À Gethsémani, les Apôtres ont tous fui ! C’est l’expérience même de leur échec qui leur permettra de tenir dans la fidélité. C’est pourquoi saint Paul peut dire : Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Corinthiens 12,10). C’est dans cette dépendance reconnue et volontaire avec le Christ, fort et victorieux, que l’Église peut annoncer le message dont elle est chargée. Dans les temps difficiles, il faut se souvenir que le Christ a tenu bon à Gethsémani et sa foi a sauvé le monde. Seul. Faire partie de l’Église, c’est compter sur le Christ et pas seulement sur soi.
CAJC : Quel passage d’évangile dit le mieux le sens de l’Église ?
Père Philippe Marsset : Sans hésitation, c’est la tempête apaisée (Luc 8) ! C’est l’histoire d’une barque qui doit passer d’une rive à l’autre et cette barque c’est l’Église. De la rive d’Israël à celle des païens, de la terre d’ici-bas à la résurrection en franchissant les eaux de la mort. Et cette barque est conduite par Pierre puisque Jésus dort. Jésus s’endort pour se reposer, mais se reposer sur les hommes. Il a confiance en ceux à qui il a confié la barque. Il leur a donné la route à suivre, l’autre rive et reste lui-même présent dans la traversée : Il dit “passons” et non “passez sur l’autre rive”. Il leur a dit, à eux, de le faire passer, lui. Encore aujourd’hui, croire et aimer vraiment, c’est tenir bon dans la tempête. L’apparente absence de Dieu dans les tempêtes du monde nous renvoie la question : Est-ce que nous croyons qu’il est là avec nous ? Dans l’aventure de la vie, sommes-nous seuls pour ramer face à l’océan de nos difficultés, (comme Gérard d’Aboville !).
CAJC : Comment le Christ est-il aujourd’hui présent à son Église ?
Père Philippe Marsset : En premier lieu par les sacrements. L’image qui le dit le mieux est celle du cur de Christ transpercé à la Croix. L’eau et le sang jaillissent de son côté : Du lieu où il meurt, jaillit la vie : l’eau (du baptême) et le sang (de la vie dans l’Esprit). Au moment où il rend l’Esprit qu’il a reçu de son Père, il donne la vie à l’Église représentée par l’homme et la femme, Jean et Marie, seuls disciples fidèles à cette heure. Oserai-je dire que ce n’est pas en étant croyant que, petit à petit, on deviendra pratiquant, mais le contraire ? Être pratiquant, me rend petit à petit croyant au Christ. C’est en communiant aujourd’hui à cette vie que l’on devient croyant au Christ.
Un autre mode de présence est bien sûr l’Écriture Sainte. Celle-ci ne nous donne pas de réponses immédiates à nos questions. Elle nous donne une présence d’Esprit pour que nous puissions nous-mêmes répondre aux questions que la vie nous pose. L’Évangile a été écrit par les premières communautés et pour le lire aujourd’hui il faut le faire en communauté. Sinon chacun l’interprète comme il veut. Or il ne peut être compris que dans une cohérence donnée par une tradition, un héritage apporté jusqu’à nous par des témoins. Là aussi on touche du doigt qu’on ne peut se baser sur sa seule subjectivité, on a besoin des autres pour comprendre : des autres qui ont pu vivre des siècles avant nous ! Ainsi, il m’arrive de comprendre un texte grâce à saint Augustin
Textes bibliques pour aller plus loin :
“Et moi je te le dis, tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Église et les portes de l’enfer n’auront pas puissance sur elles. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux.”
Matthieu 16,18
“Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps.”
Matthieu 28,16-20