Partons du texte du prophète Isaïe 9, 1-2 et 5-6
1. Dieu est avec nous dans notre histoire humaine. C’est le sens de la prophétie de l’Emmanuel au temps du roi Achaz (9ème siècle avant Jésus-Christ). Le prophète Isaïe annonce que, malgré les difficultés avec les rois voisins, ce n’est pas fini du peuple d’Israël. Il promet un Dieu avec nous, ce qui veut dire un fils pour Achaz, qui assurera la permanence de la lignée messianique de David (Is. 7,14 ss).
Dès l’origine des alliances avec son peuple, Dieu se déclare avec le peuple et avec ceux qu’Il envoie auprès de ce peuple, les patriarches, les juges, les rois, les prophètes. On peut citer ici des références multiples : Gen. 26,24 et 28,15 ; Isaïe 41,10 et 43,5 ; Jér. 1,8 ; 1,19 ; 15,20 ; 30,11 ; 42,11 ; 46,28 ; Agée 2,4.
De plus, quand Dieu dit seulement je suis, cela signifie qu’il est présent dans l’histoire même de son peuple.
Cette présence était aussi signifiée dans l’Ancien Testament par l’arche d’Alliance et par le Temple. L’arche d’Alliance contenait la Loi (Ex. 25,10),
C’est là, dit Dieu, que je te rencontrerai Ex. 25,22.
Devant l’arche, Dieu avait demandé que soit placé un gomor de manne afin qu’ils voient le pain dont je vous ai nourris dans le désert quand je vous ai fait sortit d’Egypte Ex. 16,32.On ne peut manquer de voir dans la manne une annonce de la présence de Dieu auprès de nous dans le sacrement de l’Eucharistie.
2. Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son fils né de la femme (Gal.)
Il s’agit de la plénitude du temps de l’histoire et pourtant l’histoire est encore à remplir de notre propre histoire et de l’histoire de toute l’humanité. Dieu a tout dit dans et par son Fils et, en même temps dit Jésus,
L’Esprit vous conduira vers la vérité tout entière (Jn 16,13).
Et encore :
Celui qui croit en moi fera lui aussi les uvres que je fais, et il en fera même de plus grandes, parce que je vais vers le Père (Jn 14,12).
En Jésus tout est dit mais tout reste encore à découvrir, grâce à l’Esprit Saint qui, puisant dans le bien commun de la Trinité, nous rappelle en nous aidant à l’approfondir, tout ce que Jésus a dit et fait. Il nous aide aussi à l’actualiser.
3. Entrons plus avant dans le mystère de Jésus pour mieux mesurer le sens de cette proximité de Dieu à notre égard et demandons-nous :
Pourquoi s’est-il fait homme ? Pour notre salut. C’est à dire pour nous réconcilier avec Dieu, pour que nous connaissions de plus près, pour ainsi dire, l’amour de Dieu et que nous en vivions (I Jn. 4,9). Pour que nous apprenions de Lui qu’il est la Voie, la Vie, la Vérité, le modèle de béatitudes et la norme de la vie nouvelle (Jn. 15,12). Pour nous faire participer à la vie même de Dieu, car le fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu (St Athanase).
En quoi consiste cette proximité de Dieu ? Il a pris la condition de Serviteur (d’esclave : cf. le lavement des pieds). C’est un signe distinctif de la foi chrétienne et il est scandaleux pour la sagesse du monde. Il est demeuré vrai Dieu en devenant homme L’Eglise a du défendre cette vérité et aussi la clarifier au cours des premiers siècles face à des hérésies qui la falsifiaient.
Il n’a pas fait semblant d’être un homme. Il a aussi assumé une âme raisonnable et pas seulement un corps. Sa connaissance humaine s’est exercée dans les conditions historiques de son existence, dans l’espace et dans le temps. Il a accepté, en se faisant homme, de croître en sagesse, en taille et en grâce (Lc. 2,52) et même d’avoir à s’enquérir sur ce que dans condition humaine on doit apprendre de manière expérimentale (cf. Mc. 6,38 ; 8,27 ; Jn. 11,34). Il possède une volonté humaine, qui n’est pas opposée à la volonté divine, mais coopère avec elle. Il a voulu humainement dans l’obéissance à son père tout ce qu’il a décidé divinement pour notre salut (cf. Concile de Constantinople III). Dans le corps de Jésus, Dieu qui est par nature invisible s’est rendu visible à nos yeux (Préface de Noël). Ainsi, Dieu ne pouvait pas être plus proche de nous qu’il l’a été en Jésus.
– Dieu n’a pas cessé d’être avec nous lorsque Jésus est monté au ciel le jour de l’Ascension.
C’est même notre avantage qu’il ne soit plus visible : Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu (cf. aussi Jn. 16,7). En effet ce que nous percevons par nos sens extérieurs risque de s’arrêter au plan d’une perception purement humaine, sensible, affective, sans profondeur, sans purification pourtant nécessaire, quand il s’agit de la quête de Dieu. En faisant l’économie d’une perception de la proximité de Dieu, dans la Foi, nous risquons de nous fabriquer un Dieu à notre image et conforme à nos goûts, à nos désirs, à nos projets. Ce Dieu-là n’est pas le Dieu de Jésus-Christ. C’est une idole. Mes chemins ne sont pas les vôtres, dit Dieu.
4. Ces considérations, puisées tout simplement dans l’Evangile, ont une incidence actuelle et très concrète.
Jésus, vrai homme, ayant assumé en quelque sorte en lui toute l’humanité, il en résulte que tous les hommes portent en eux des semences du Verbe. D’une façon ou d’une autre, le mystère pascal du Christ les rejoint tous, qu’ils croient ou non en Lui, même si la manière de les atteindre nous échappe. Cela déjà peut modifier notre regard sur l’humanité, même la plus blessée.
Cette proximité mystérieuse pourtant ne rend pas vaine ou inutile la mission de L’Eglise. D’abord parce que c’est la nature de l’Eglise d’être missionnaire. Le Christ l’a envoyée pour cela. Il entre dans le plan de Dieu que l’homme collabore consciemment et librement à son propre salut et au salut du monde. Dieu nous veut responsables, il nous fait confiance pour sauver nos frères qui, dans son plan, ont besoin d’entendre l’annonce de l’Evangile pour être sauvés (cf. Rom. 10). Il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes et cela doit se savoir !
Les spirituels de l’Ecole française de spiritualité, au XVIIème siècle, écrivaient que les mystères du Christ ne sont pas encore dans leur entière perfection et accomplissement (St Jean Eudes). Belle façon de signifier que, non seulement le Christ nous rend Dieu proche, mais que nous sommes en Lui, et qu’Il est en nous. Cela, en fidélité à l’enseignement de St Paul : Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. Pour moi, vivre c’est le Christ. Ainsi la moindre de nos bonnes actions est sainte, elle resserre nos liens de proximité avec Dieu.
Cette perspective de réflexion peut nous aider beaucoup à faire l’unité de nos vies, dans le Christ. Puisse-t-il nous y aider, avec la prière maternelle de la Vierge Marie.