* RENCONTRE
Tous déjà, dans votre existence de jeunes, vous avez fait des rencontres inoubliables. Tout a souvent commencé par un regard, un parole, un silence peut-être. Et une grande aventure a commencé. A partir de telles rencontres une empreinte inoubliable marque la relation, une amitié respectueuse et affectueuse se construit.
Il est aussi des rencontres qui provoquent des chocs, des bouleversements. Voilà les bases sur lesquelles on se croyait solidement établi profondément ébranlées. Il faut alors un long moment avant qu’une nouvelle harmonie apparaisse.
Par ailleurs chacun peut faire encore cette expérience : des gens rencontrés au hasard de la vie transmettre un art de vivre, font connaître des techniques, conseillent, apprennent à réfléchir, donnent envie de savoir, ouvrent des horizons. Certaines relations peuvent nous transformer en profondeur.
Mais réfléchissons bien. Pour trouver un sens à la vie, à sa vie, est-on obligé de ressembler à quelqu’un d’autre, de l’imiter ? Etre fasciné, charmé, captivé, est-ce là un bon moyen de réussir sa vie ? Qu’en est-il alors de l’identité personnelle ? Et que dire des dégâts provoqués sur certaines personnes par les beaux parleurs, par les leaders dans les sectes ?
* RENCONTRER LE CHRIST
La rencontre avec Jésus est-elle de ce genre ?
Elle est certainement une rencontre bouleversante. Elle a transformé beaucoup de vie depuis 2000 ans. Elle peut encore transformer nos propres vies.
Elle est certainement une rencontre captivante qui a orienté déjà l’existence de tant de femmes et d’hommes et qui peut orienter, oriente même déjà sans doute, notre existence à chacun.
Mais elle n’est pas du même type que la rencontre d’un leader de secte, d’un gourou quelconque, d’un manipulateur de foule, de quelqu’un qui voudrait que nous l’imitions à la lettre et sur tous les points.
Jésus se présente toujours à nous comme le chemin, la vérité et la vie (Jn. 14, 1-7) Certes, il entraîne les disciples à sa suite, mais il ne capte pas leur existence. Il nous montre un chemin, le chemin qui conduit à son Père.
S’il charme, s’il captive, s’il fascine, c’est à la manière du guide qui montre les sentiers pour atteindre les sommets et les parcourt avec nous. C’est à la manière de celui qui sauve dans les situations difficiles, qui libère quand on s’est rendu esclave de tant d’asservissement. Car Jésus, le Christ, s’est donné lui-même pour nous comme l’a écrit saint Paul dans sa lettre aux Ephésiens (5, 2).
Et comment s’est-il donné pour nous ? En s’offrant, en offrant sa vie, en allant jusqu’à accepter de mourir sur la croix au terme d’un étrange procès.
Derrière la mort de Jésus, il y a un dessein d’amour. Dans la foi de l’Eglise nous nommons ce dessein d’amour le mystère de la Rédemption :
– un mystère : car jamais nous n’arriverons à bien saisir la profondeur de cet amour pour nous.
– un mystère de salut, de rédemption : car Jésus connaissait notre faiblesse, nos péchés, nos ingratitudes, nos reniements, et voici que par amour il nous sauve.
C’est bien cette rencontre avec le Christ Sauveur que je voudrais que chacun de vous puisse faire aujourd’hui, au cur de ces JMJ, au cur de ce Jubilé des jeunes.
Ouvrez vos curs, vos esprits, vos intelligences. Dans la grâce du Jubilé, laissez le Christ vous parler. Laissez-le vous dire à quel point il vous aime, il nous aime tous.
* UN SEUL EST MORT POUR TOUS
C’est tout de même un curieux paradoxe que la croix soit devenue pour les chrétiens un emblème et pour bien d’autres une décoration, parfois même dans des métaux rares, précieux.
Je ne sais si vous connaissez l’église Notre Dame de Toute Grâce , sur le Plateau d’Assy, en Haute Savoie. Peut-être certains de vous sont-ils de cette région où sont-ils passés par ce lieu magnifique au cours d’un camp ou d’un voyage ? Cette église a été aménagée et décorée par des grands artistes qui ont mis tous les talents qui étaient les leurs au service de l’art sacré : ils s’appellent Rouault, Matisse, Braque, Lurçat Richier, Léger et bien d’autres encore.
Un jour, le curé qui à cette époque desservait cette église, – c’était un frère dominicain, – rencontre une dame qui se trouve mal devant le grand Christ qui est au-dessus du maître autel. L’artiste, Germaine Richier, a représenté le Christ crucifié tordu par les douleurs et la souffrance. Cette sculpture est en effet très impressionnante Tandis qu’on venait en aide à cette femme, une autre dame qui l’accompagnait manifestait sa réprobation au frère dominicain. Elle ne comprenait pas qu’on puisse exposer un tel crucifix dans une église, à la place centrale. Le curé avait remarqué que celle qui s’indignait ainsi portait à son cou une croix en or finement ciselé. Le prêtre alors lui pose cette question : Quelle croix est la plus vraie : celle-ci du Christ souffrant que vous avez sous les yeux, ou celle du bijou que vous avez au cou ? . Tout était devenu limpide.
Pour ceux qui furent les premiers à suivre le Christ, les premiers disciples, la croix de Jésus fut d’abord le signe d’un échec, le lieu d’une dérision, d’un scandale. Un Messie crucifié, un Sauveur mis à mort c’est une contradiction dans les termes !
La croix qui demeure pour les chrétiens la référence constante, est aussi l’élément le plus difficile à intégrer. Car qui dit croix dit mal , dit souffrance . Et nous nous heurtons toujours au mal et à la souffrance. Combien de fois avons-nous entendu cette phrase : Pourquoi dites-vous que Dieu nous aime et nous sauve alors qu’il permet le mal et la souffrance ? .
N’ayons pas peur de dire que le lien entre la mise à mort de Jésus et notre Salut n’est pas une évidence qui saute aux yeux, qui est facilement recevable. Et pourtant elle est bien l’évidence de notre Salut en Jésus-Christ.
Pour comprendre ce lien je vous invite à refaire le chemin des premiers disciples, des premiers chrétiens :
– au soir de la veille de la pâque juive, quand Jésus fut mis au tombeau, tout était fini. Ils avaient cru qu’il serait le Sauveur, ils s’étaient trompés, pensaient-ils. Souvenez-vous le désespoir des disciples sur le chemin d’Emmaüs !
– mais voici qu’ils rencontrent Jésus, ressuscité. Il se montre à Marie-Madeleine au jardin près du tombeau, il se montre aux disciples d’Emmaüs, aux autres disciples au cénacle ou au bord du lac, il s’adresse particulièrement à Thomas qui n’avait pas voulu croire ce qu’affirmait les apôtres. Il parle, il mange avec eux. Il leur donne encore quelques consignes, particulièrement celle d’aller dans le monde entier pour faire connaître la Bonne Nouvelle qu’il est venu apporter au monde. C’est bien à ce Ressuscité qu’ils vont croire, qu’ils vont s’attacher. C’est bien ce Jésus ressuscité qu’ils vont suivre.
– les premières communautés chrétiennes, qui célèbrent-elles quand elles se rassemblent ? Le Christ ressuscité bien sûr ! C’est d’ailleurs le jour de la résurrection, le dimanche, que les premiers chrétiens, très vite, se rassemblèrent et non plus le sabbat. Ils voulaient ensemble fêter le Christ ressuscité.
– et quand le dimanche, jour de la résurrection, les premiers chrétiens se rassemblent que font-ils ? Ils se racontent comment, après la mort de Jésus sur la croix, après sa mise au tombeau, il leur est apparu dans le jardin, sur la route d’Emmaüs, au Cénacle, sur le bord du lac. Ils se racontent ce qu’il a été parmi eux, ce qu’il a fait, les miracles qu’il a accompli. Ils refont ce qu’il avait dit de faire quand avant sa passion il avait partagé avec eux le pain et le vin.
– dans tout cela ils n’oublient pas la croix. Elle prend au contraire sa pleine signification. Ils comprennent que c’est par sa vie, sa mort et sa résurrection que le Christ nous a sauvés : Un seul est bien mort pour tous répétera saint Paul dans ses prédications.
Très vite les premiers chrétiens comprirent que Passion et Résurrection sont indissociables dans la foi de l’Eglise.
* LA MISSION DE JESUS
On me pose souvent cette question : fallait-il pour nous sauver de nos péchés que Jésus donne sa vie en mourant sur une croix ? Fallait-il qu’il subisse de telles tortures ? C’est un scandale pour beaucoup cette croix ! Dieu aime son fils et le laisse mettre à mort, et de quelle façon !
Dans l’évangile de Jean, Jésus nous dit :
Ma vie, on ne me l’ôte pas, je la donne moi-même (Jn. 10,18).
Il ne faut pas penser la mort de Jésus comme une volonté de son Père pour châtier ou compenser le péché des hommes, nos péchés, si bien que pour Jésus acquiescer à la volonté de Dieu ce serait, dès le départ, désirer sa propre mort. Dieu le Père n’a jamais désiré la mort de son fils. Jésus n’a jamais désiré sa mort.
Il faut regarder Jésus sous l’angle de sa mission. Qu’elle était la mission de Jésus ? Nous sauver, nous témoigner de l’immensité de l’amour de Dieu pour tous les hommes, même les plus grands pécheurs. Alors il va se consacrer totalement à cette mission. Il va s’y consacrer sans hésiter, même au point de heurter de front ceux qui s’y opposent, même au point de prendre lucidement le risque de la mort.
La mort de Jésus, si on regarde du coté de sa mission, est bien un acte de sa personne, un engagement de sa liberté. Elle est bien acte de salut parce qu’elle engage sa liberté.
Lorsque vous partez pour une randonnée, une course en montagne ou en mer, vous engagez bien votre liberté, vous prenez des risques, avec toutes les précautions nécessaires bien sûr, mais c’est bien vous qui vous engagez dans cette aventure.
Lorsque vous avez reçu une mission et que vous avez à cur de l’accomplir, vous vous lancez à fond pour la réaliser et vous tenez coûte que coûte à parvenir au but.
Jésus avait à cur d’accomplir la mission reçu de son Père. Cette mission, comme Fils de Dieu, était d’offrir le salut à tous les hommes. Il pouvait s’élever des obstacles sur son chemin. Il n’en a pas manqué. Il les a rencontrés. Aussi les incompréhensions, les hostilités, son procès, sa passion, sa mort sur la croix, il subit tout cela, mais en même temps il assume tout. Il choisit d’aller jusqu’au bout de cette détresse parce que dans cette perte de lui-même, dans cet anéantissement (Ph. 2,7) il reconnaît la seule façon pour lui de demeurer fidèle au Père, d’inscrire dans son existence d’homme l’acharnement de Dieu à se vouloir Père, à nous aimer plus que tout. Quand on aime vraiment quelqu’un on est capable d’aller loin dans le don de soi. Il en fut ainsi pour Jésus, fils de Dieu, notre Sauveur.
La mort de Jésus est donc à la fois soumission aux événements et liberté d’y exprimer ce qu’il est.
Si Jésus choisit délibérément d’affronter la souffrance et la mort, ce n’est pas par plaisir, dans une volonté suicidaire et morbide, mais parce que pour aller jusqu’au bout de sa mission, les événements et les usages répressifs de son temps l’ont conduit jusque là. De ces événements et de la manière de traiter les opposants au régime de ce temps, lui, Fils de Dieu, il a fait un don , une consécration , un salut pour tous , une glorification.
* IL MANIFESTA SA GLOIRE ET SES DISCIPLES CRURENT EN LUI
Vous l’avez saisi, les premiers chrétiens, les chrétiens des premiers siècles, poussant plus loin leur réflexion, leur méditation, aidés par les théologiens, les Pères de l’Eglise, ont relu la vie et la mort de Jésus comme chemin vers la glorification.
C’est saint Jean, l’apôtre qui avait été si proche de Jésus durant toute sa vie, qui le premier va méditer sur la gloire , pour nous montrer Jésus comme le Seigneur du ciel et de la terre .
Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire. Cette gloire que, Fils Unique, plein de grâce et de vérité, il tient du Père (Jn 1,14).
Si saint Jean a insisté pour nous faire comprendre que Jésus à toujours été proche de son Père, qu’il a toujours été en étroite communion avec lui, qu’il a toujours eu même sur cette terre la gloire qu’il avait auprès de son Père , c’est pour que nous croyons.
Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui (Jn 2/11)
Et dans sa prière pour les siens, Jésus s’exprime ainsi :
Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de cette gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fut. (Jn 17,5)
Comme pour les disciples, comme pour les premières communautés chrétiennes, Jésus nous invite à faire le même chemin, à bien considérer la passion et la croix du Seigneur pour ce qu’elles sont :
– apparues d’abord comme un scandale, une défaite, un échec,
– elles se comprennent comme la libre détermination d’un homme pleinement Fils, Fils de Dieu, menant jusqu’au terme son combat contre le mal,
– c’est ce combat contre le mal, objet de sa mission qui lui permet de demeurer dans la gloire du Père et de nous y entraîner.
Il faudrait relire dans ce sens l’hymne christologique que nous trouvons dans la lettre aux Philippiens. Cet hymne nous présente un Christ qui se dépouille, qui s’anéanti et le Père qui l’élève, l’exalte.
Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ :
lui qui est de condition divine
n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu
mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes,
et, reconnu à son aspect comme un homme ;
il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort,
à la mort sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé
et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom,
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse,
dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ,
à la gloire de Dieu le Père . (Ph. 2, 5-11).
* DIEU SE REVELE EN CELUI QUI SE LIVRE
Jésus nous a dit des paroles qu’il faut bien comprendre. Il a dit :
Qui m’a vu à vu le Père (Jn.14,9).
Il a dit encore :
Le Fils ne fait rien de lui-même, rien qu’il ne voit faire au Père (Jn 5/19).
S’il a dit cela, c’est bien pour nous faire comprendre que la manière dont il vit sa passion et sa mort est en communion profonde avec le Père. Sa passion et sa mort sont des gestes d’amour du Père et du Fils à notre égard.
J’aimerais relire avec vous la parabole des vignerons meurtriers (Marc 12/1-12). Vous connaissez cette parabole :
Un homme avait planté une vigne qu’il aimait beaucoup. Il l’avait entourée d’une belle clôture. Il avait creusé une cuve, construit un pressoir et une tour. Devant repartir à ses affaires il avait confié l’exploitation de sa vigne à des vignerons qualifiés. Au temps de la récolte il envoya un serviteur vers les vignerons afin qu’ils lui remettent la part de raisins qui lui revenait selon les accords qu’ils avaient conclus. Mais les vignerons tuèrent le serviteur. Il en envoya un second qu’ils maltraitèrent, ils tuèrent le troisième et firent subir de mauvais traitements à tous ceux qui suivirent. Le maître de la vigne se dit qu’il allait envoyé son fils, son unique, certain qu’ils respecteraient son propre fils. Mais ils le tuèrent aussi, se disant qu’ainsi l’héritage leur reviendrait.
Apparemment nous pourrions penser que c’est un amour absurde de cet homme pour sa vigne, un amour acharné. Mais quand on sait que, dans cette parabole, la vigne désigne le peuple de Dieu, les hommes, nous tous, c’est la profondeur de l’amour de Dieu pour tous les hommes que l’on saisi. Quand on sait que le Fils, l’unique, c’est Jésus, le Christ, qui se livre parce que l’amour du Père et du Fils pour nous est immense. On comprend mieux.
C’est bien dans le même geste, apparemment insensé de l’envoi du fils au risque de la mort, que nous découvrons qui est Jésus pour le Père et combien le Fils tient à nous.
La croix ne contredit pas Dieu, elle le révèle. Sur la croix Jésus est pleinement ressemblant avec le Dieu qu’il doit dire. Sur la croix est la Parole, le Verbe. Il est l’image bouleversante du Dieu invisible. Image bouleversante, car ce n’est pas ainsi que nous rêvions Dieu.
Sur la croix, ce n’est pas seulement l’humanité vulnérable de Jésus qui se manifeste, mais vraiment sa ressemblance avec le Père, sa divinité. C’est l’amour de Dieu qui s’exprime.
* LE SIGNE DE LA CROIX
Avez-vous bien saisi à quel signe nous nous reconnaissons, nous les chrétiens ? A quel signe se reconnaissent tous ceux qui croient au Christ, quelle que soit leur confession ! Tous nous traçons sur nous le signe de la croix.
Ce signe de la croix, non seulement nous le traçons sur nous, mais nous l’édifions au carrefour de nos routes et de nos chemins, édifices qui sont parfois de vraies uvres d’art ou des lieux de haute portée catéchétique comme le sont certains calvaires en Bretagne et ailleurs. Ce signe de la croix nous le portons sur nous, nous le clouons aux murs de nos maisons, de nos chambres. Pourquoi ? Parce que nous croyons en Celui qui fut crucifié sur ce gibet et que nous ne craignons pas d’affirmer notre foi.
Et que disons-nous quand nous traçons sur nous le signe de la croix ? Quelles paroles prononçons-nous ? Il semble que ce soit seulement au 2ème siècle, à l’époque de Tertullien, que se rencontrent dans un seul et même signe l’emblème christologique de la croix et les paroles trinitaires du baptême : au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit . La croix devenait le lieu où Dieu peut être nommé. Cette relation entre le signe et les paroles trinitaires pouvaient se faire car la croix manifeste la Trinité. Elle dit le Père, le Fils et l’Esprit Saint.
En nous marquant de la croix, en traçant sur nous la croix du Christ, nous nous engageons dans ce processus de l’amour trinitaire. Ratifiant notre baptême qui nous a consacrés au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, nous entrons dans ce mouvement de don, d’échange, de partage où chacun ne veut être que par et pour l’autre.
C’est l’artiste russe, Roublev, qui a magnifiquement montré cet échange d’amour trinitaire dans la magnifique icône que nous connaissons tous, que nous nommons l’icône de la Trinité. L’échange de leur regard s’inscrit dans un mouvement circulaire qui n’a pas de fin. Le mouvement commun de leur geste montre la coupe qu’il faut boire pour accéder à un tel don, à un si grand amour, à un si puissant partage.
Ce mouvement de don, d’échange, de partage, c’est inscrit dans notre histoire.
* INSCRIVONS AUJOURD’HUI DANS NOTRE MONDE CE MOUVEMENT DE DON, D’ECHANGE ET DE PARTAGE
Au cur de ces journées mondiales de la jeunesse, de ce Jubilé des jeunes à Rome en cette grande année jubilaire, au terme de cette seconde catéchèse, l’invitation que vous lance le Christ aujourd’hui est claire et forte : que votre vie à tous soit un témoignage du Christ mort et ressuscité, que votre vie inscrive aujourd’hui dans ce monde le grand mouvement de don, d’amour et de partage qu’il est venu inauguré. Que chaque instant de votre vie soit témoignage du Christ et de l’amour de Dieu Père, Fils, et Saint Esprit.
Mais qu’est-ce que témoigner ?
Le témoignage est toujours témoignage de quelque chose à quelqu’un et par quelqu’un. Ainsi comprend-il toujours deux aspects indissociables :
– d’une part, un énoncé, c’est à dire un savoir plus ou moins précis sur un événement.
– d’autre part une énonciation, une communication à quelqu’un, qui est toujours la réponse à une sollicitation à parler au nom de l’Autre et, dans la question qui nous occupe, au nom de Jésus.
Quand vous êtes témoin d’un mariage, répondant à l’invitation des futurs époux, vous répondez aussi à la demande de la société ou à la sollicitation de la communauté ecclésiale, (dans le cas du sacrement de mariage), qui souhaitent des témoins. Vous reconnaissez, au nom de la société et de l’Eglise l’alliance contractée par les conjoints. Cette reconnaissance s’exprime par vos signatures dans le registre des mariages. Présence et signatures sont témoignages, signe de reconnaissance d’une alliance nouvelle entre les deux époux. Vous pouvez dire : j’ai été témoin de leur mariage, j’ai entendu leur oui . Vous pouvez attester qu’ils sont bien mariés.
La parole du témoin est toujours une parole en première personne, vous dites je , mais vous dites ce je en parlant des autres. Deux témoins du même événement ne vont pas raconter l’événement de la même manière et dans les mêmes termes. L’un des témoins d’un même mariage va insister sur le sérieux des époux alors que l’autre va s’attarder sur l’émotion de la mariée.
Le témoignage, s’il est subjectif , ne signifie pas forcément erroné . Témoignage signifie conditions d’expérience, lieu particulier, proposition de vérification .
Pour qu’un témoignage soit valable, il faut qu’il puisse être vérifié et, en quelque sorte, qu’il le soit déjà. Il l’est déjà s’il s’inscrit dans une tradition (Delzant, Croire en Dieu dans un monde scientifique Coll. Dossiers libres, Paris, Cerf, 1975, p. 39)
Dans le cas du témoignage de la résurrection par les apôtres : c’est parce qu’ils appartiennent à la communauté des disciples de Jésus que les apôtres deviennent témoins du Ressuscité et qu’à ce titre, ils sont crédibles.
Comprenons bien : la foi des premiers témoins ne sert pas de preuve à la résurrection du Christ. Ils n’ont pas vu l’acte de la résurrection. Ils n’ont pas vu le Christ se levant et sortant du tombeau. Ils ont vu le Ressuscité et ils nous l’ont dit. Leur foi se donne comme lieu à partir duquel la foi au Ressuscité est possible pour moi aussi. Si je m’engage, moi aussi, dans la foi du Ressuscité, c’est parce que j’aurai entendu, vu, rencontré des témoins du Ressuscité dont la foi est proposition de vérification pour moi. Je témoigne du Ressuscité parce qu’ils ont témoigné et que la communauté chrétienne dont je suis membre depuis mon baptême m’a permis de vérifier ce témoignage transmis par une multitude de témoins depuis vingt siècles.
Sans hésitation, soyez aujourd’hui de vrais témoins, à la suite de tous ceux dont on vous parlera dans la catéchèse de demain. Soyez témoins avec les moyens que l’Eglise nous donne.
Sans hésitation, soyez aujourd’hui et toute votre vie, de vrais témoins du Christ qui s’est donné lui-même pour nous, pour nous sauver, pour que le monde ait la vie.
Sans hésitation, faites entrer l’événement du Salut en Jésus Christ dans notre histoire actuelle, dans notre temps. Si vous ne parlez pas, si vous ne témoignez pas, si vous ne vous engagez pas dans ce mouvement de l’annonce explicite de l’évangile, Christ ne sera pas connu. Un fait brut ne signifie rien en soi. Il se produit des nombreux événements chaque jour qui ne rentrent pas dans l’histoire. Une expérience humaine n’est expérience humaine que parce qu’elle est nommée par l’homme, c’est à dire amenée au langage.
C’est bien parce que la vie, la mort et la résurrection de Jésus ont de quoi susciter un témoignage qu’ils appartiennent vraiment à l’histoire humaine. Si jamais on ne m’avait parlé de Jésus, je ne serai pas capable de vous en parler aujourd’hui. Je ne serais pas là au milieu de vous.
Regardons dans l’évangile : comme je vous le disais, les disciples ont vraiment compris que Jésus était le Messie, qu’il était l’agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde (Jn 1, 29-36), que lorsqu’ils ont commencé a confesser dans la foi, que celui qu’ils avaient vu portant sa croix, cloué sur la croix, mourant sur cette croix, mis au tombeau, était ressuscité. D’incrédules et de désorientés, ils sont devenus croyants, explicitant eux-mêmes la raison de leur conversion : le crucifié, Jésus de Nazareth, qu’ils avaient suivi pendant trois ans, s’est imposé à eux tous comme vivant.
Sans hésitation, aidez tous ceux qui vous entourent à passer du doute, de l’incrédulité, du refus de croire à la joie du témoignage. Proposez ce Christ, offrez son évangile. Invitez largement à entrer dans votre propre expérience croyante.
Cette richesse est entre vos mains. Ne l’enfouissez pas comme un trésor que l’on cacherait, mais proposez-la à tous les grands vents de ce monde, même si parfois ces grands vents vous décoiffent . Le Christ s’offre à tous. Il nous appartient de le présenter à tous.
Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps . (Mat. 28 , 19-20).
Tout cela nous le ferons ensemble.