Il y a 40 ans, le 28 octobre 1965 les Pères du Concile Vatican II adoptaient la ” Déclaration sur les relations de Église avec les religions non chrétiennes “. Eclairage.
Bref historique
Le 28 octobre 1965 les Pères du Concile Vatican II adoptaient la ” Déclaration sur les relations de Église avec les religions non chrétiennes ” dont le dernier paragraphe, le n°4, est consacré aux relations avec le peuple Juif. La quasi unanimité du vote des membres de l’Assemblée en faveur de ce texte (2221 placet, 88 non placet) pourrait donner à penser aujourd’hui qu’une telle déclaration allait de soi. Cet exceptionnel résultat ne fut pourtant acquis qu’au prix de très difficiles discussions au sein des instances préparatoires et de débats délicats dans les Assemblées elles mêmes. On en a recensé plus de sept versions et bien que le premier texte fut préparé avant l’ouverture du concile, le document ne fut définitivement acquis qu’à la dernière session.
A l’origine, il faut le rappeler, la décision de mettre en chantier cette réflexion provient de l’initiative personnelle du Pape Jean XXIII et il n’était envisagé au départ qu’un document concernant les relations de l’Église avec le peuple Juif. Aucune instance épiscopale n’en avait fait la demande auprès de la commission préparatoire du concile, même si certains évêques ou experts pensaient qu’après la guerre et ce qu’on n’appelait pas encore la Shoah il était inconcevable de ne rien dire de l’antisémitisme, et qu’il fallait s’interroger de ce fait sur l’influence de la longue histoire de l’antijudaïsme sur les consciences chrétiennes pendant le conflit.
Aussi le projet de Jean XXIII, élaboré sous la responsabilité du Cardinal Bea, rencontra-t-il d’emblée une très vive opposition et à un très haut niveau des instances ecclésiales. Oppositions de nature diverse : de la part des églises chrétiennes minoritaires d’Orient qui en craignaient les retombées politiques dans le contexte précaire où elles vivaient, opposition attisée jusqu’à la fin par les états Arabes eux-mêmes. Opposition plus surprenante mais révélatrice du poids de l’histoire de formes variés d’antijudaïsme chrétien allant jusqu’à rejoindre les craintes d’une emprise judéo-maçonnique hostile à l’Église et enfin ce qui était plus difficile, une question dramatique : comment surmonter la lecture de nombreux passages du Nouveau Testament marqués par l’interprétation antijuive qu’en avaient fait les Pères de l’Église
C’est pourquoi il apparut à de nombreux Pères qu’il était nécessaire d’élargir le projet à une déclaration sur les religions non chrétiennes tout en demeurant très réservés quant à sa dimension et à la place où il fallait la situer. Dans la constitution sur l’Église, dans le décret sur l’cuménisme ? On mesure dans ces hésitations la difficulté théologique.
La portée théologique de cette déclaration
Quand on regarde le résultat aujourd’hui, la première phrase surtout du n°4, on mesure son importance théologique. On ne peut pas la lire dans toute sa profondeur si l’on oublie le renouveau ecclésiologique marqué dès le 1er chapitre de Lumen Gentium : ” le Mystère de l’Église “. On ne peut pas comprendre l’absence dans les notes de toute référence aux Pères de l’Église si on oublie les précisions exceptionnelles apportées par la Constitution Dei Verbum sur les rapports entre Ecriture et Tradition.
Aussi, bien que ce ne soit qu’une déclaration, et non pas une constitution, ni un décret, il devrait être évident qu’il s’agit bien d’un renouvellement du regard théologique commun de l’Église sur le peuple Juif dont la portée est certes pastorale, mais dont le fondement est théologique.
C’est pourquoi Jean-Paul II dira le 15 février 1985 aux représentants de l’American Jewish Committee “Je souhaite confirmer avec la plus extrême conviction que l’enseignement de l’Église proclamé durant le concile Vatican II par la déclaration Nostra Ætate [ ] demeure toujours pour nous, pour l’Église catholique, pour l’épiscopat et pour le pape, un enseignement qui doit être suivi, un enseignement qu’il est nécessaire d’accepter, non seulement comme une chose convenable mais beaucoup plus comme une expression de la foi, comme une inspiration de l’Esprit Saint, comme une parole de la sagesse divine ” (Documentation Catholique N° 1893, 1985). C’est aussi pourquoi lors de sa visite inoubliable à la synagogue de Rome en 1986 il osera dire “La religion juive ne nous est pas ” extrinsèque “, elle est ” intrinsèque ” à notre religion. Nous avons donc à son égard des rapports que nous n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et dans un certain sens on pourrait dire nos frères aînés ” (Synagogue de Rome 13 avril 1986).
Source : diocèse de Paris