Prédication pour les vêpres du premier dimanche de l’avent, 27 novembre 2005
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? 2/4
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? 3/4
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? 4/4
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » est la demande adressée par Jean-Baptiste à Jésus, peu avant sa mort. Question étrange et tragique : Jean, qui a passé sa vie à annoncer Jésus, qui l’a désigné, qui lui a donné ses propres disciples, se serait-il trompé ? N’a-t-il pas raté sa vie ? Et nous-mêmes, qui consacrons au Christ une part importante de notre vie, dimanche après dimanche, jour après jour ; nous qui, dans notre quartier, sommes le plus souvent nés chrétiens comme on naît avec un nom, sommes-nous bien sûrs que c’est le Christ que nous attendons, et non un autre ?
D’abord, que savons-nous du Christ ? Nous ne connaissons ni son visage, ni sa taille, ni le ton de sa voix, ni la couleur de ses cheveux. Les images que nous possédons de lui ne font que refléter l’imagination des artistes, comme le Christ de James Tissot qui occupe l’abside de cette église. En réalité, nous connaissons mal celui que nous attendons. Les textes qui nous parlent de lui sont peu abondants les Évangiles sont des livres de petite taille ! parfois énigmatiques, toujours étrangers à notre culture, à nos modes de raisonnement. Comment donc attendre celui que nous ne connaissons pas ?
Aussi bien nos contemporains, lassés d’attendre celui-là, se sont-ils mis à en attendre un autre. Ou à ne rien attendre du tout.
Et nous, qu’attendons-nous ? Une sagesse, un code moral ? Est-ce de cela que nous avons besoin ? Savons-nous même ce que nous, et nos contemporains, attendons, dans cette époque où une sorte d’absence d’attente, d’absence de désir, de désespoir pratique, semble gagner beaucoup d’hommes ? Ce que nous attendons, et il faut le regarder en face, ce que nous attendons, c’est tout simplement le bonheur. Le bonheur, c’est-à-dire la joie de vivre, aimer et être aimé. Rien de moins. Le bonheur plein et entier d’être homme et femme, aimant et aimé. C’est cela que nous attendons. C’est cela, notre désir. Il est de tous les temps, même si les conventions, les exigences de la vie en société, en entreprise, en famille parfois l’occultent. Nous voulons le bonheur !
À cette quête fondamentale qui est sans doute le propre de l’homme, ce premier dimanche de l’Avent ne donne qu’une réponse faible, une voix presque inaudible, venue du fond du désert : celle d’un prophète, Isaïe, dont la vie nous est inconnue, dont la langue nous résiste, dont la culture est extrêmement lointaine de la nôtre par le temps et par la distance ; une voix presque évanouie.
Comme il est étrange qu’à cette quête de l’homme la réponse vienne de si loin, pointe si ténue ! « Je veux le bonheur », disons-nous ; « Écoute la voix d’un prophète mort », répond notre foi
Ici s’arrête cette première méditation d’Avent. Sur ce que les publicistes nomment le teasing : une question intrigante et pour l’instant sans réponse. Comment un désir fondamental, que nous devons redécouvrir, accepter, vivre : celui du bonheur, peut-il rencontrer cette voix, cette infime lumière, venue du désert et du fond des siècles ? L’Avent est un temps étrange
Laissons le désir nous dévorer.
Tendons l’oreille à ce murmure des siècles. La lumière viendra, elle est plus proche que nous le croyons.
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