Dans la banlieue lyonnaise, Christian Delorme vit depuis trente ans une grande proximité avec des familles musulmanes. Il témoigne de la richesse de cette rencontre. Comment cela l’a aidé à préciser l’essentiel de sa propre foi chrétienne et ce qu’il a découvert de leur foi.
Depuis longtemps je me trouve quotidiennement en relation avec des musulmans. Avec plusieurs d’entre eux se sont tissés de vrais liens d’amitié : je peux témoigner que, musulmans et chrétiens, nous avons un fond d’humanité en commun qui nous permet de vivre des relations d’affection.
J’ai approfondi ce à quoi je crois
À travers ce compagnonnage, j’ai rencontré l’islam. Avant tout, la confrontation avec cette autre religion m’a amené à préciser et à approfondir ce à quoi je croyais vraiment. En effet, croyants musulmans et chrétiens vivent tous deux une proximité avec la réalité mystérieuse de Dieu, mais les musulmans ont une approche de Dieu très différente de la nôtre, fondée sur la fascination de l’unicité, de l’immensité de Dieu. Alors que nous, chrétiens, croyons en un Dieu qui s’est fait homme en Jésus Christ, ce qui est un scandale pour les musulmans. Plus j’avance en âge, plus je suis convaincu que, nous, chrétiens, avons eu une chance fabuleuse d’avoir reçu la révélation de ce Dieu-là.
Pour moi, il ne s’agit pas seulement d’un débat intellectuel car cela a des conséquences sur ma vie de tous les jours. En effet, croire en Dieu fait homme suppose que j’accepte le risque d’une plongée dans l’humanité, que je cherche à vivre moi aussi l’amour, la réciprocité et la communion. Ces dernières semaines, on a beaucoup parlé de Mère Teresa. Comment ce petit bout de femme a-t-il marqué tant de monde ? En s’enfouissant dans la souffrance humaine. Non seulement elle annonçait le salut, la rédemption (Jésus Christ, qui nous sauve par sa mort et sa résurrection) pour toute l’humanité, mais sa présence, sa manière d’être, c’était déjà la rédemption. À mon avis, le chrétien est celui qui non seulement annonce le salut, mais est déjà capable d’un peu l’anticiper, avec le secours de Dieu.
J’admire leur grande confiance
Le compagnonnage avec les musulmans m’aide en revanche à me rappeler certaines vérités de la foi. Car, s’il n’y prend garde, le chrétien court le risque de fixer son regard sur l’humanité de Dieu au point d’en oublier que Dieu est aussi le Tout Autre, l’insaisissable. L’islam a une conception très forte d’un Dieu créateur existant comme personne, se révélant, pardonnant, rétribuant. Il nous rappelle une vérité de notre foi que nous ne pouvons négliger : Dieu c’est vraiment quelqu’un, c’est un être qui a impulsé cette création dont nous faisons partie et qui nous aime.
Enfin, l’islam simple et pieux des musulmans a toujours suscité mon admiration par la grande confiance que ceux-ci accordent aux desseins de Dieu. Je ne suis pas sûr que les chrétiens aient cette même confiance ! Les musulmans sont très souvent habités par une formidable sérénité liée à leur conviction que Dieu est juste, qu’il veut leur bonheur et y pourvoira quand Il jugera le moment venu. Il sait ce qui est bon pour l’homme. Même s’ils doivent subir une épreuve, demain il y aura réparation, réconfort.
Moins ce que nous disons que ce que nous vivons
Mais entre chrétiens et musulmans, on ne devient pas amis parce que l’on est croyants différents. Même si nous avons de l’admiration les uns pour les autres, il y a entre nous des différences inconciliables. Si nous nous comportons tous comme d’authentiques chercheurs de Dieu, alors nous pouvons nous enrichir mutuellement, à la fois au plan spirituel et humain. L’important, c’est moins ce que nous disons de Dieu que ce que nous vivons de Dieu. Qu’est-ce que la foi chrétienne change dans ma vie ? Comment la foi musulmane modèle-t-elle le comportement du musulman ? Voilà les véritables questions ! Ensuite, on se rencontre et on peut s’aimer parce qu’on est ensemble des êtres humains solidaires, capables de vivre le merveilleux risque de la rencontre et du compagnonnage sur les routes de la vie.