“Jésus combat les forces de mal. Le mal ne se réduit pas à quelque action mauvaise, violente ou injuste. Il est une force qui précède la venue au monde de tout enfant, plus puissante que l’homme.” Un entretien avec Jean-Michel Maldamé op pour la revue Croire Aujourd’hui Jeunes Chrétiens
Que signifient la diversité des noms donnés aux forces du mal dans l’Évangile ?
Jésus combat les forces de mal. Le mal ne se réduit pas à quelque action mauvaise, violente ou injuste. Il est une force qui précède la venue au monde de tout enfant, plus puissante que l’homme. C’est pourquoi l’Évangile le personnifie. Il emploie plusieurs mots, chacun ayant un sens différent pour dire un aspect de l’action du mal : “Satan” parce que le mot hébreu signifie l’adversaire, l’obstacle, celui qui fait tomber. “Le Malin”, car le mot latin comme le mot français disent qu’il trompe, ruse et agit par manière de séduction. “Le Diable”, car le mot grec diabolos nomme celui qui divise, déchire et sème la discorde. Enfin, “Lucifer, Prince des ténèbres”, car il détruit la lumière et la paix. Tous ces noms disent que le mal est universel. Nous en avons l’expérience dans les images des catastrophes et des guerres qui dépassent toujours le simple reportage pour évoquer une misère infinie. C’est là que Jésus choisit de combattre. Il a affronté le mal sous ses différents visages et l’a vaincu en faisant le bien et n’a jamais eu de complicité avec lui. Jésus a toujours agi pour le bien de tous. Or en son temps, comme aujourd’hui, le mal est à l’uvre ; aussi ce choix l’expose-t-il à la contradiction et à la persécution.
Cela signifie-t-il que Satan existe ?
Elle ne signifie pas que Dieu aurait créé le mal ou des êtres maléfiques par nature. Non ! Dieu a créé le monde dans le bien et pour le bien. Mais en donnant la liberté, il a laissé la possibilité que le mal vienne par le refus de l’homme. Ils expliquent le combat de Jésus et celui des chrétiens à sa suite. Jésus ne se contente pas de détruire tel ou tel mal ; il combat le mal dans sa source la plus profonde.
La personnification souligne aussi qu’il n’est pas de lieu où le mal n’agisse. Pire encore, les forces du mal tissent entre elles une noire solidarité et une triste complicité. Aussi pour détruire l’empire du mal, Jésus fonde et anime une nouvelle solidarité que l’on appelle “la communion des saints”. Enfin, nommer le mal par son nom (diviseur, séducteur, obstacle), c’est le démasquer et donc pouvoir mieux agir contre lui. Il en va de même pour nous ; le fait de reconnaître le mal permet de s’en prémunir. Ce n’est pas se complaire au spectacle du mal.
Pourquoi les quatre évangélistes insistent-ils sur les tentations de Jésus ?
Jésus était un homme libre. Il a fait des choix. Le récit de sa vie qui est donné par les évangiles le montre clairement à plusieurs reprises. Ainsi après avoir multiplié les pains, lorsque la foule voulait l’introniser roi, Jésus s’était retiré dans la solitude pour prier. Après cette longue réflexion personnelle, il est revenu vers elle et lui a dit qu’il fallait vivre pour autre chose que pour se nourrir. Ainsi l’Évangile montre avec précision que Jésus a fait des choix circonstanciés et décisifs pour l’avenir.
Le récit de la tentation à trois reprise, Satan tente Jésus dans le désert montre que pour faire un tel choix après avoir lui-même éprouvé la faim, Jésus s’est référé à des textes bibliques pour discerner la volonté de Dieu. L’emploi du mot “tentation” ne dit pas que Jésus a eu envie de faire le mal. Mais il choisit résolument de ne pas prendre le chemin de la facilité : un chemin exigeant qui mène à la vie éternelle. Dans ce récit, Jésus s’engage à détruire le mal en choisissant la voie qui fait appel au meilleur de l’homme. Il va à contre-courant de l’attitude, à la source de bien des malheurs : le laisser-aller, la corruption ou la fuite devant les responsabilités. Il affronte le mal dans sa racine, le désir perverti de l’homme soumis au pouvoir du mal.
Mais pourquoi la lutte contre les démons revient-elle si souvent ?
Jésus veut le bonheur de tous, il guérit les malades. Le fait est incontestable – même ses adversaires le reconnaissent ! Mais il ne se contente pas de faire se lever un paralytique ou de faire voir un aveugle, sa force de guérison va jusqu’à la racine de la personne qu’il guérit.
Jésus guérit ceux que l’Évangile appelle possédés. Le terme est clair : un possédé n’est plus lui-même. Il est manipulé par des forces qui lui enlèvent sa liberté. Il désire le bien, il le veut ; mais ce désir est vain, c’est un rêve ; par contre, il fait le mal de manière compulsive, comme malgré lui. La situation des victimes de la drogue le montre bien ; ils ont tant de difficultés à s’en libérer.
Les évangélistes racontent ces guérisons de possédés ou de démoniaques, pour dire que la guérison donnée par Jésus touche l’intime de chacun et le libère de toute complicité avec les forces qui détruisent l’humanité. Encore aujourd’hui, par son Esprit Saint, il touche au plus profond des curs, là où se nouent les forces qui détruisent l’homme. Il appèle à la vie.
Est-ce Jésus à la croix a perdu le combat contre le mal ?
En poursuivant sa route et en ne renonçant jamais à faire le bien, Jésus est entré dans le cercle du pouvoir de ceux qui voulaient sa mort. Il l’a fait lucidement. Pourquoi ? Était-ce un acte suicidaire ? Non, car Jésus aimait trop la vie et son angoisse à Gethsémani montre qu’il n’y a en lui aucune complaisance vis-à-vis de la mort. Son acceptation est un acte de fidélité et de responsabilité.
Dans son combat contre le mal, Jésus n’est pas revenu en arrière pour se mettre à l’abri. En un sens, sa mort est la conséquence logique de ses choix. Les disciples de Jésus l’ont éprouvé ensuite : faire le bien expose à la dérision, à l’exclusion et à la persécution.
Jésus se sait aussi responsable de tous ceux qu’il aime. Il cherche donc à les rejoindre dans leur malheur et donc en vivant sa mort, il rejoint tous ceux qui ont vécu, vivent et vivront cette mort.
La manière dont Jésus a vécu sa mort a été une victoire sur le mal. Par la résurrection, Dieu le Père a manifesté que c’était là la voie du salut. La victoire décisive appartient à la vie, non pas à la mort. Tout chrétien est invité à vivre sa mort en communion avec le Christ, comme un passage vers la lumière. La victoire du ressuscité est la source de l’espérance chrétienne.
Les images et les mots de l’Évangile valent-ils encore aujourd’hui ?
La manière de parler de l’Évangile est ancienne et nous ne pouvons pas faire correspondre de manière trop littérale le nom des maladies corporelles et des possessions avec les notions actuelles venues de la science et de la médecine. Les images disent les forces de la nature, bonnes et mauvaises ; elles expriment une expérience humaine fondamentale, la même qu’aujourd’hui.
Mais il ne s’agit pas de mots, ni d’images. Il s’agit de la réalité. L’Évangile nous donne les moyens de comprendre ce qui se passe dans le monde, dans le cur des hommes, dans notre vie et notre conscience. Jésus n’est pas enfermé dans le passé. Il est entré dans la gloire ; il vit aujourd’hui. Il agit par son Esprit. Les chrétiens sont les membres de son corps ; d’une certaine manière, ils sont les mains de Jésus lui-même qui agit pour guérir, libérer et sauver de la puissance du mal. Ce qui est dit par les Évangile donne un fondement à cette action.
Repères bibliques
“Si par la faute d’un seul, la multitude a subi la mort, à plus forte raison la grâce de Dieu, grâce accordée à un seul homme, Jésus Christ, s’est-elle répandue en abondance sur la multitude.”
Romains 5,15
“On présenta à Jésus beaucoup de démoniaques ; il chassa les esprits d’un mot ; et il guérit tous les malades afin que s’accomplit l’oracle d’Isaïe le prophète: Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies.”
Matthieu 8, 16
“Moi, je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ?”
Jean 11,25-26