Le 2 février, l’Église célèbre la journée mondiale de la vie consacrée. Voici, à cette occasion, le témoignage d’une jeune moniale.
Dans quelques mois, je vais prononcer mes vœux solennels, faisant profession « jusqu’à la mort », et ainsi engager ma vie d’aujourd’hui et de demain à la suite du Christ, certes, mais aussi ici, à Chalais dans une communauté de moniales dominicaines. « Jusqu’à la mort », oui, mais pour la Vie !
Le texte qui m’a invité à la vie monastique est l’onction à Béthanie (Mc 14,1-9). Là, vie et mort sont intimement liées dans cette offrande de l’amour, dans cet acte gratuit, spontané de la femme offrant son parfum, un parfum de grand prix, offrant en brisant le vase qui le contient, offrant simplement pour signifier son attachement, son amitié à cet homme qui passe en faisant le bien, en sauvant ses frères.
Ma vie religieuse n’a pas d’autre sens ni d’autre source que cet attachement au Christ. Elle a été et est toujours suscités, entraînée, soutenue par son amour. Fruit de la grâce du baptême et de l’appel de Dieu sur toute vie chrétienne, elle s’épanouit dans ce contexte précis d’un monastère de montagne, d’une communauté dominicaine. C’est là, dans la joie et les difficultés du quotidien, de la vie commune (avec 20 sœurs, de 28 à 98 ans…), de l’office, de l’étude, de l’oraison et même de la fabrication des « biscuits de Chalais », que sans cesse doit se briser le cœur pour laisser se répandre le parfum de l’amour. L’aridité et l’exigence de l’acte concret, de la réalité banale de la communauté et finalement le seul endroit où je peux donner ma vie au Christ sans échappatoire ni illusion. Frère Timothy Radcliffe, précédent Maître de l’Ordre des Prêcheurs, écrivait, parlant de la vie monastique dominicaine : « Ce n’est pas tant une fuite à l’écart d’un monde mauvais, que la construction d’un espace au sein duquel apprendre justement à ne pas fuir l’amitié de Dieu, les autres et nous mêmes. » (…)
L’acte de la femme, complètement tourné vers Jésus, n’enferme pas pour autant dans une relation d’exclusivité. Pratiqué au milieu des disciples, quelle que soit leur réaction, Jésus l’ouvre immédiatement au monde entier. Telle est la réalité de la vie religieuse qui, prenant au sérieux le quotidien et le tout proche, ouvre au lointains. Cela se vérifie : jamais je n’ai été plus informée de la situation internationale, en contact avec des milieux sociaux et religieux plus divers. De mon coin de Chartreuse, je me sens profondément solidaire, par la prière et la fidélité à ma vocation propre, de l’action de tous mes frères et sœurs envoyés dans le monde.