A l’origine, le Carême était ce temps d’ultime préparation pour les futurs baptisés de la nuit de Pâques. Le dernier concile a remis en avant l’importance du catéchuménat des adultes et particulièrement les dernières étapes de la préparation au baptême vécues au cours du Carême. La célébration des scrutins, normalement au cours des 3e, 4e et 5e dimanches de Carême, est l’une de ces étapes importantes pour toute la vie ecclésiale mais qu’est-ce à dire?
Le rite a de l’âge. Il remonte aux tout premiers siècles de l’Église. Au cours des dernières semaines avant le baptême, la préparation des futurs baptisés devient plus liturgique que catéchétique.
Le scrutin se présente comme une épreuve de vérification ultime. La vie est pleine d’obstacles à la foi. Peut-être même
que certains futurs baptisés traversent une période de doute ou d’hésitation. Le scrutin veut les aider, les soutenir dans leur démarche. C’est aussi l’occasion de vérifier et de renforcer leur engagement. On parle ici d’«exorcisme». Ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas de ce rituel exercé sur des «possédés du Malin», comme on en rencontre dans certains films d’horreur. Saint Hippolyte dit: «Que l’évêque exorcise chacun d’eux pour éprouver s’ils sont purs» (La tradition apostolique, 20, coll. «Sources chrétiennes», no 11, Paris, Cerf, 1946. p. 48). La vie chrétienne comporte des périodes de combat plus ou moins intenses contre le mal. Le scrutin prépare les futurs chrétiens; il est un exercice ’d’entraînement. Les futurs baptisés sont appelés à une continuelle conversion d’eux-mêmes au Christ qu’ils veulent suivre.
«Les scrutins, que l’on célèbre solennellement le dimanche, sont accomplis au moyen des exorcismes. Ils ont ce double but: faire apparaître dans le cœur de ceux qui sont appelés ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais, pour le guérir, et ce qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir. Ils sont donc faits pour purifier les coeurs et les intelligences, fortifier contre les tentations, convertir les intentions, stimuler les volontés, afin que les catéchumènes s’attachent plus profondément au Christ et poursuivent leur effort pour aimer Dieu. Ils donnent aux futurs baptisés la force du Christ, qui est, pour eux, le Chemin, la Vérité et la Vie.» (Rituel de l’initiation
chrétienne des adultes, p. 99)
Le scrutin ne replie pas les «appelés» sur eux-mêmes. Il ne cherche pas à enfoncer la culpabilité dans leur esprit et dans
leur coeur. Au contraire, il les décentre d’eux-mêmes pour les orienter vers le Christ. Au coeur du rite et en son sommet
se trouve le Christ et non le péché. Saint Jean Chrysostome a une page admirable à ce propos: «Dans les combats olympiques, l’arbitre se tient au milieu des deux adversaires, sans favoriser ni l’un ni l’autre: il attend l’issue. S’il se tient entre les deux, c’est parce que son jugement est partagé entre les deux. Dans le combat qui nous oppose au diable, le Christ ne se tient pas dans l’entre-deux, il est tout entier nôtre… quand nous sommes entrés en lice, il nous a oints, tandis qu’il a enchaîné l’autre… pour le paralyser dans ses assauts. Moi, s’il m’arrive de trébucher, il me tend la main, me relève de ma chute et me remet sur pied…» (Huit catéchèses baptismales, III, 9, coll. «Sources chrétiennes», no 50, Paris, Cerf, 1957, p. 155-156)
Les scrutins sont l’occasion pour les futurs baptisés de rencontrer la communauté chrétienne dans son rassemblement dominical. Ils permettent ainsi à celle-ci de prendre contact avec de nouveaux
frères et de nouvelles soeurs. Et de se soutenir mutuellement dans la prière. Les «appelés» sont mis en contact avec l’Église dans sa réalité bien
concrète de communauté locale. Celle-ci assume tout aussi concrètement sa responsabilité auprès de ceux et celles qui se préparent au baptême. Bref, nous sommes en présence d’un événement de grande importance dans la vie ecclésiale, un événement de salut, sur la route vers Pâques.