Voici le temps où les chrétiens se mettent en route vers Pâques ; pendant quarante jours, ils font une révision de leur vie et ravivent en eux la foi de leur baptême. Une catéchèse de Mgr Dufour
Le Carême n’a qu’un seul but : nous préparer à la fête de Pâques et nous faire revivre avec le Christ Ressuscité pour que nous marchions chaque jour en sa présence. A l’origine – et c’est encore ainsi dans les jeunes Eglises, en Afrique notamment – c’était dans la nuit de Pâques qu’étaient célébrés tous les baptêmes de l’année. Le Carême était alors comme une longue retraite à laquelle se joignait toute la communauté des baptisés pour accompagner les catéchumènes dans l’ultime préparation à leur engagement dans la foi chrétienne et à l’accueil du don de la grâce baptismale.
Pour ce Carême, je suggère de faire route avec les catéchumènes, en rappelant les grandes étapes qui les mènent vers Pâques, autour de cinq mots clés, cinq piliers de la vie chrétienne.
1. La Parole
« L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui vient de Dieu ». Cette parole est décisive. C’est sur une parole de Jésus que les premiers disciples se mettent en route. C’est sur la parole d’un témoin que des non baptisés demandent à découvrir le Christ. Le premier dimanche de Carême, c’est sur la parole de l’évêque que les catéchumènes sont appelés au baptême : c’est l’appel décisif.
Ainsi, Dieu parle. Et il a donné à chacun un cœur pour l’écouter. Il parle dans la vie, avec des mots d’homme. Il parle dans la Bible qui est le livre de l’histoire de Dieu avec nous. Il parle dans le Christ Jésus en qui Il a tout dit de Lui, une fois pour toutes. Chaque créature, chaque visage, chaque rencontre, chaque événement parle de Lui, comme en écho. Par sa Parole, Dieu se fait proche. « Elle est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur » dit l’Ecriture. La Parole de Dieu est une nourriture qui fait vivre et fortifie, elle est un guide pour la vie.
Sur la route de son baptême, le catéchumène reçoit le livre de la Parole de Dieu. Sur la route du Carême, les chrétiens sont invités à faire révision de leur vie à la lumière de cette Parole.
2. La Prière
« Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean et il monta sur la montagne pour prier ». La prière est un rendez-vous d’amour. Elle est tantôt un cri pour confier à Dieu tout ce qui pèse et fait souffrir, tantôt un chant pour dire en un merci sa joie d’être aimé. Elle est louange et supplication. Elle conduit au-delà de soi , vers le Très Haut, le Créateur. « Tu étais dedans, et moi j’étais dehors » dira Saint Augustin au moment de sa conversion.
Sur la route de son baptême, le catéchumène reçoit la prière chrétienne, celle que Jésus a appris à ses disciples, le « Notre Père ». Sur la route du Carême, les chrétiens sont invités à redécouvrir cette prière comme s’il la recevait de Jésus lui-même.
3. La Foi
« Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon tu le couperas ». Tant de chrétiens ont une foi morte ou endormie ! La foi est comme une graine plantée en terre ou un levain dans la pâte. La foi est vie, elle porte son fruit de confiance et de charité, le pain pour chaque jour.
Sur la route du baptême, le catéchumène reçoit le symbole de la foi. Dans la nuit de Pâques, il sera appelé à professer cette foi de l’Eglise en Dieu Créateur, en Jésus Sauveur et en l’Esprit qui donne vie. Ces mots du Credo sont un symbole, ils portent le mystère, ils disent plus qu’ils ne disent. Sur la route du Carême, les chrétiens sont invités à raviver cette foi de leur baptême, à dire « je crois » avec cœur et une intelligence renouvelée.
4. Le Pardon
« Ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ». Parce qu’il est le don parfait, le pardon redonne vie et recrée l’amour. Il recrée l’amour entre l’homme et la femme, il recrée l’amour des frères. Il recrée l’amour du père et du fils. Le pardon est résurrection. Chrétiens, nous croyons qu’il a sa source dans le cœur de Dieu. Nous croyons que dans le Christ Il a donné aux hommes le pardon des péchés et réconcilié le monde avec Lui.
Sur la route du baptême, le catéchumène est appelé à se mettre sous le regard miséricordieux de Dieu et la communauté prie pour qu’il soit libéré du mal. Sur la route du Carême, les chrétiens sont invités à confesser leurs péchés pour demander le pardon de Dieu et la réconciliation.
5. Le Partage
« Voici que je fais un monde nouveau. Il germe déjà. Ne le voyez-vous pas ? » A la source du partage, il y a l’amour. Et l’amour est don. Et le don est offrande, non pas du superflu, mais du nécessaire. Voilà pourquoi, en invitant au partage, l’Eglise appelle au jeûne. Le jeûne ravive l’amour. Le jeûne est communion au combat du Christ et aux membres souffrants de son Corps. Le jeûne est prière. Le jeûne est un engagement personnel contre les forces du mal qui blessent l’humanité. Le jeûne ne fait pas de bruit, mais il porte un fruit de justice et de charité ; il ouvre dans le cœur la source du partage.
Sur la route du baptême, le catéchumène est appelé à renoncer au mal. Sur la route du Carême, les chrétiens sont invités à lutter contre le mal, par le jeûne et la force du don.
Ainsi le Carême est un temps privilégié pour aller boire à la source, au cœur du mystère de la foi. Temps de combat et de pénitence, le Carême n’est pourtant pas triste. « Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête » dit l’évangile. Quel parfum les chrétiens vont-ils répandre en ce Carême 2004 ?