Le mariage est-il susceptible d’être désigné comme “vocation”? La vie conjugale peut-elle légitimement être connue comme “appelée” par Dieu?
Voir avant : Le Mariage, une vocation 1/2
La plénitude de la vocation baptismale
C’est pourquoi il faut dire que, dès le départ, indépendamment de la sacramentalité élaborée en Occident à partir du Moyen-Age, le mariage chrétien est inséré – fût-ce d’une manière trop peu explicitée et formulée – dans la vocation baptismale. En amont de toute spécification d’état de vie, est placée une unique et même vocation qui qualifie tout disciple du Christ. Baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, tous sont devenus créature nouvelle, dont la vie est cachée en Dieu dans le Christ, tous sont appelés à la sainteté de l’amour. Tous sont introduits dans la nouveauté de l’Alliance nouvelle. Dans cette perspective le mariage se définit d’abord comme une manière spécifique de vivre cette vocation baptismale. Il est l’un des lieux où se joue et se manifeste la nouveauté chrétienne. On se souvient, à ce propos, que la Lettre à Diognète évoque une condition chrétienne en tout semblable à celle des autres hommes, sauf sur quelques points précis où se signale leur singularité. Parmi ceux-ci figure le fait qu’ils vivent une conjugalité qui ne s’aligne pas sur la licence des autres hommes [ 9 ].
Ainsi le mariage est fondamentalement le milieu où se vit, pour le très grand nombre des chrétiens, l’appel du Christ à aimer “comme” lui aime, à être saint de la sainteté de Dieu. Pour ceux qui, dans le Christ, sont désormais les “élus” (Rm8,33; 2 Tm 2, 10 ; Tt 1,1 etc.), les “appelés” (Rm 8,28.30; 1Co 1,24; Col 3,15; Ga1,6; etc.), il est clair que le mariage, chemin normal de la vie, est voie au sein de laquelle l’homme et la femme vont pouvoir répondre à cet appel de Dieu et donner corps à la grâce du Christ répandue dans leurs curs. Et donc, dans l’état de mariage viennent converger et les grâces, et les exigences de la vie baptismale, même si Paul désigne du même mouvement la grandeur et la suprématie d’un célibat qui se porte d’emblée et exclusivement sur Celui qui est la source et le principe de tout amour, source et principe donc de l’amour conjugal [ 10 ].
Certes, on sait les aléas, au long des siècles, qu’ont connus la théologie du mariage et l’élaboration d’une spiritualité conjugale. Il n’est pas contestable que pour beaucoup, dans l’Eglise, le mariage ait été vécu comme une réalité très mélangée, surdéterminée d’intérêts parfois très douteux, assez peu évangélisée en fait, repoussant donc l’idée d’une vocation au mariage. Il n’est pas contestable que, dans le même temps, la théologie ait résisté difficilement à un discours négatif, dépréciatif parfois, ignorant le parallèle que dessine le texte de l’évangile de Matthieu évoqué plus haut. La place finalement limitée de la référence à Ephésiens 5, 21-32 dans les rituels du mariage laisse entrevoir combien la dimension mystique du mariage chrétien, signe de l’amour du Christ et de l’Eglise, a pu être marginalisée dans l’Eglise d’Occident [ 11 ]. On comprend ainsi qu’une élaboration théologique positive de la vie conjugale, comme celle qui se propose aujourd’hui, depuis quelques décennies dans les textes du magistère, ait dû attendre si longtemps pour se frayer un passage. Mais là encore, c’est peut-être la chance du moment présent que de permettre d’affermir les contours d’un mariage-vocation, où l’homme et la femme sont appelés à vivre plus que ce qu’ils croient et espèrent pouvoir vivre.
Un sacrement qui dessine une vocation particulière
Concédons d’abord qu’une telle intelligence du mariage reste peu explicitée, et donc est probablement peu accessible aux chrétiens, qui risquent de retenir des formules du rituel la seule idée d’une “confirmation” par Dieu de leur engagement humain [ 12 ]. On sait que le mot figure dans la liturgie du mariage, et on voit le sens et la raison de ce terme, tout comme on voit le sens positif de la pratique de l’Occident où les époux sont ministres du sacrement. Il reste que, sans plus d’explication, il accrédite la vision d’un sacrement qui ne serait que la ratification seconde, par Dieu, d’un geste entièrement intérieur à l’initiative humaine. Dieu jette un regard bienveillant et confirmant sur une décision humaine surgie de la reconnaissance et du choix amoureux d’un homme et d’une femme. Telle est pour beaucoup la signification maximale du sacrement de mariage, sur laquelle on fonde éventuellement, et de façon un peu magique, l’espérance d’une durée et d’une solidité que dément souvent l’expérience. Difficile à ce niveau de reconnaître une dimension de vocation au mariage. Mais le sacrement, précisément, inclut beaucoup plus.
Lorsqu’un chrétien et une chrétienne exposent au regard du Christ leur amour et leur décision de le vivre dans la durée en engageant un don total de leurs personnes, ils font beaucoup plus que demander la simple confirmation d’une expérience et d’un projet humains. Dans l’instant où ils s’engagent en présence de Dieu à un amour fidèle et exclusif, ils entrent dans un amour – qui reste bien sûr le leur – mais qui est désormais, s’ils y consentent, transfiguré, dilaté: ils se reçoivent en cet instant, non seulement l’un de l’autre, mais chacun de Dieu. Ainsi le sentiment est-il débordé par plus grand que lui, qui l’inclut mais aussi l’élargit. Chacun est invité à recevoir l’autre de Dieu et à reconnaître son amour comme la réponse émerveillée qu’il fait à ce don.
Reçu de Dieu en même temps qu’il est choisi et élu par le cur, l’autre est aussi reconnu comme celui que Dieu me confie, tandis que je suis celui auquel il me confie pour le temps d’une vie qui pourra croiser, on le sait, le meilleur et le pire. Ainsi, dans le mariage, je reconnais l’autre comme ce prochain le plus proche que Dieu même me désigne, m’apprenant qu’en l’aimant, j’accomplis le commandement de l’amour du prochain, à travers lequel aussi j’aime Dieu, en aimant celui qu’il me donne à aimer. Cette pensée, faut-il le dire, ne retire rien à la vérité de l’amour. Elle lui donne au contraire l’assise, le sérieux, dont il a besoin pour traverser la durée en grandissant et non en s’étiolant.
Dans ces conditions aussi l’amour conjugal est attiré dans une logique qui le hausse au-dessus des dispositions ordinaires à nos amours humaines, si bonnes soient-elles. Il s’agit d’aimer l’autre de l’amour de Dieu même (“Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés”), c’est-à-dire en fait du seul amour qui soit proportionné au désir de l’homme, et qui ouvre au bonheur [ 13 ]. Telle est, en son fond, ce que l’on peut bien appeler la mission que reçoit la vie conjugale. Elle déborde, on le voit, le propos étriqué justifiant pendant des siècles le mariage comme ordonné à la seule procréation. La mission n’est autre que le commandement de l’amour vécu ici dans les dispositions propres à cet état de vie qui engage le tout, corps et âme, de la personne, qui est particularisé dans ce face à face d’un homme et d’une femme appelés à un amour vaste, généreux, indécourageable, fidèle, comme l’amour de Dieu manifesté dans le Christ aimant l’Eglise, fécond comme est fécond l’amour créateur de Dieu.
Le propos ainsi formulé peut paraître abstrait: il vise en fait des réalités très concrètes de la vie quotidienne où se joue la fidélité vraie à l’autre et à Dieu. C’est dans ce même concret de la patience et de la confiance que s’incarne la grande proposition théologique recueillie dans la lettre aux Ephésiens selon laquelle l’homme et la femme sont appelés à être le signe de l’amour du Christ et de l’Eglise (Ep5, 21-33). Et cet appel reçoit, comme toute vocation, les moyens de s’exercer. Quand le Christ invite désormais à une fidélité indéfectible, il annonce, en fait, les temps nouveaux de la Nouvelle Alliance, du cur nouveau selon Ezéchiel et Jérémie, de l’Esprit répandu, qui rend l’homme et la femme capables, par la communion au Christ, d’affronter les puissances de mort qui s’exercent dans toute vie et cherchent à défaire leur amour. Sans oublier, à la pointe de cette existence conjugale reçue de Dieu et vécue dans sa puissance, le témoignage rendu à Dieu, par les chrétiens, dans la société, pour la vie et le bonheur des hommes. Ce point important est à bon droit amplement souligné dans les textes du magistère. Précisons seulement que ce témoignage vient de surcroît, il est l’effet surabondant d’un amour vécu en vérité. En d’autres termes, on ne s’aime pas pour rendre témoignage à l’amour. Mais s’aimant de l’amour de Dieu, on rend témoignage à la bonté de la création et au salut reçu dans le baptême.
L’autre, fondement d’une vie appelée
Au terme de ce parcours, on le voit, l’amour conjugal vécu dans le mariage n’est ni le simple déploiement d’un sentiment, ni la tentative de pérenniser celui-ci en l’institutionnalisant. Si le mariage ne devait être que cela, il ne pourrait avoir ni les promesses de la durée, ni celles du bonheur. Tel que le connaît un chrétien, l’amour est un opus, un officium [ 14 ], comme l’est d’ailleurs la vie toute entière reçue de Dieu et allant vers lui. C’est précisément cet opus qu’il nous faut maintenant encore préciser, creusant ainsi le sens d’un mariage comme vocation.
Pour cela nous ferons le détour par un texte de Louis Beirnaert, daté de 1977 et que les Etudes ont jugé suffisamment important pour le republier dans un numéro de mai 2000 [ 15 ]. Ce texte, centré sur la question de l’indissolubilité, prend en charge avec beaucoup de finesse une expérience très commune, et aussi très fondamentale, que l’homme et la femme font nécessairement dans le mariage, et qu’ils ne savent ordinairement ni vraiment reconnaître, ni affronter positivement. Cette expérience peut se décrire comme celle du “manque”, de la “déception” qui, à plus ou moins long terme, viennent nécessairement s’imposer à la relation amoureuse. Il nous faut dire “nécessairement”, pour la raison que toute relation vraie engage nécessairement aussi, en son début, quelque chose qui peut se nommer “illusion narcissique”. Aimant l’autre, je commence par aimer l’image que je me fais de lui, conformément au désir que j’ai de lui. Ainsi débute tout amour, et ce n’est pas là une malédiction. C’est là seulement le début d’une histoire destinée à s’approfondir précisément par le dépassement du désir narcissique, par la découverte de l’autre, le consentement à l’autre, à “ce qui est là entre l’homme et la femme” dit L.Beirnaert, “cette absence qui tend à se faire reconnaître dans son visage de mort”. Dès lors, poursuit celui-ci, l’enjeu de l’indissolubilité consiste à se tenir précisément en ce lieu et en cet instant qui semblent signifier la mort de l’amour, qui sont le plus souvent interprétés comme tels par nos contemporains, alors que c’est là que se fait, si l’on accepte de s’y tenir, l’entrée dans l’amour vrai, par-delà le narcissisme.
Nous sommes évidemment loin d’un discours contemporain dominant où l’idée que l’amour puisse engager autre chose que l’évidence du sentiment est méconnue, où la perspective d’y associer l’acte de la volonté et le poids d’une décision semble le plus souvent incongrue. Nous sommes, en revanche, très près de l’expérience non moins dominante d’amours fragiles et du scepticisme de beaucoup qui, faute d’avoir reconnu ce qu’ouvre l’expérience de la “déception” au sens de Beirnaert, se voient condamnés au jeu de fidélités successives qui sont identiquement des infidélités successives. Et enfin surtout, nous sommes probablement au plus près de ce que comporte l’idée de vocation.
Il est clair en effet, dans la ligne de ce que l’on vient de dire, que vivre le mariage consiste à vivre ce qui ne se déduit pas simplement d’un projet ou d’un désir initial. Outre l’imprévisible dont est tissée toute existence, la vie conjugale amène à faire l’expérience de l’imprévu – de ce que l’on n’avait pas prévu – car, fondamentalement, elle est l’expérience de l’autre [ 16 ]. Expérience de l’autre en l’autre, d’abord, dans la vérité de son altérité, dans sa vulnérabilité peut-être, ses manques, ses limites, dans son appartenance à Dieu aussi, non pas rivale de l’appartenance mutuelle conjugale, mais plus grande que celle-ci. Expérience de l’autre à travers la paternité et la maternité aussi: les enfants ne répondent jamais aux rêves parentaux (le feraient-ils, il y aurait certainement péril). Ce faisant, c’est aussi la vérité de soi qui commence à se découvrir, à travers la présence du conjoint ou de l’enfant.
Tel apparaît l’enjeu central d’une relation conjugale qui est censée être vie de l’amour, dans l’amour : en elle – où se concentre et se densifie en quelque sorte la question de l’autre – la vie se découvre comme ce qui surgit d’une traversée de l’épreuve qui, ordinairement, a une saveur de mort. Dire cela n’est pas dramatiser artificiellement l’existence, c’est prendre acte d’une réalité fondatrice qui, bien sûr, pour un chrétien, fait signe au mystère pascal. Une formule de Jean-Paul II exprime cela avec une telle force qu’elle peut dérouter : il déclare dans Familiaris Consortio que “les époux sont (…) pour l’Eglise le rappel permanent de ce qui est advenu sur la Croix [ 17 ].” Rappel donc de la puissance de l’amour, qui traverse la mort qui rejoint l’humanité à tout instant, sous toutes sortes de formes. Et rappel de cela pour tous, y compris pour ceux qui sont appelés à vivre dans l’Eglise le sacerdoce ministériel ou les conseils évangéliques. L’article de L. Beirnaert comporte d’ailleurs une longue note qui développe le thème de la “déception” expérimentée dans la relation à Dieu qui, souligne-t-il, n’est nullement préservée de l’illusion narcissique et a besoin, tout comme la relation amoureuse, de découvrir Dieu comme l’autre de son désir et de son attente [ 18 ].
Retrouvant l’unité des vocations chrétiennes et sachant qu’elles sont invitées à être en relation de signe mutuel les unes pour les autres, nous avons certainement là une réflexion à approfondir. Ce qui se vit dans la vie conjugale a bien trait à un appel, et il est important que celui-ci soit explicité. D’abord pour aider les chrétiens à vivre effectivement un sacrement de mariage qu’ils ne savent pas toujours comprendre ni mobiliser dans leur vie. Mais aussi, pour éclairer des épreuves qui se retrouvent dans toute vie humaine, y compris consacrée, et que les candidats à la vie religieuse peinent à négocier aujourd’hui, comme en témoignent les défections qui ont lieu, par exemple, dans les noviciats, voire au-delà de la prise d’engagements définitifs. Il s’agit enfin, dans une société qui connaît de grands désarrois en ce domaine, que des hommes et des femmes attestent, pour le service de tous, que l’amour est bon et possible, qu’il est puissant plus que la mort, dès lors que, sortant du cercle mortifère du narcissisme et de l’individualisme, il se reconnaît appelé, convoqué, requis par l’autre qui fait signe au Tout autre dont il est issu.
Notes
9 – ” Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche “, A Diognète, Sources Chrétiennes 33 bis, V, 6-7.
10 – Il est clair que les propos de Paul au chapitre 7 de la 1e lettre aux Corinthiens mettant en contraste le célibat “en vue du royaume de Dieu” et le mariage, profilent une vision moins positive de ce dernier. La perspective disciplinaire de cette section voile largement l’intelligence mystique du mariage qui peut se déduire d’autres passages des lettres de Paul méditant le mystère de l’Eglise corps du Christ sans parler du musterion évoqué en Ep 5, 32.
11 – Centrale dans la cérémonie nuptiale du rite byzantin, cette référence est très peu présente en Occident avant le Missel romain de 1570. Peut-on dire que depuis elle informe vraiment la conscience des couples chrétiens qui retiennent surtout de ce texte l’injonction “Femmes soyez soumises à vos maris” (v. 22) qui ouvrait jusqu’à peu la lecture liturgique dans l’oubli du verset précédent: “Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ”? Sur l’usage liturgique de Ep 5, 21-33, voir Herman Schmidt, “Rituel et sacramentalité du mariage chrétien”, Questions liturgiques, 1-2, 1975, p. 3- 39.
12 – Cf. après l’échange des consentements, la parole mise par le Rituel pour la célébration du mariage sur les lèvres du prêtre: “Ce consentement que vous venez d’exprimer en présence de l’Eglise, que le Seigneur le confirme, et qu’il vous comble de sa bénédiction.” Gaudium et Spes, en revanche, parle d’une consécration de l’amour qui a été ratifié par l’engagement des époux (§49). Pour une évaluation du Rituel actuel, voir Adrien Nocent, “Le rituel du mariage depuis Vatican II”, dans La celebrazione cristiana del matrimonio, Simboli e Testi, Analecta Liturgica 11, Rome, 1986, p. 129-144.
13 – Sur tout cela voir tout spécialement Familiaris Consortio, en particulier § 13.
14 – La notion est volontiers sollicitée à propos de la procréation dont est en charge le couple (y compris dans Gaudium et Spes, 50, évoquant la charge [munus] de la procréation). Il s’agit ici de lui donner une portée plus ample qui englobe la procréation plutôt qu’elle ne s’identifie et se limite à elle (cf. d’ailleurs Gaudium et Spes 50, §3).
15 – Louis Beirnaert, “L’indissolubilité du couple, Réflexions sur sa garantie et son fondement “, Etudes, juillet-décembre 1977, p. 7-17, repris dans le numéro de mai 2000, p. 695-704. On retrouvera ce texte dans le recueil Aux frontières de l’acte analytique, Editions du Seuil, 1973.
16 – Sur cette expérience de l’autre attachée au face à face de l’homme et de la femme, voir E. Lévinas, Le Temps et l’autre, Paris Quadrige/PUF, 1983.
17 – Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris Consortio, Les tâches de la famille chrétienne, novembre 1981, Libreria Editrice Vaticana, Editions Téqui, 2e partie, § 13.
18 – “A propos de la certitude d’être aimé de Dieu qui aiderait dans les moments de crise, je voudrais appeler l’attention sur ceci, à savoir que Dieu ne saurait être posé comme satisfaisant le désir d’être aimé qui a été déçu dans la vie du couple. A lire les grands mystiques, aussi bien que l’Ancien que le Nouveau Testament, il est clair que Dieu est un Dieu toujours caché, un Dieu qui ne répond pas à la demande immédiate, un Dieu, disons-le, qui n’aime pas comme on le voudrait. De sorte que c’est toujours dans l’acceptation et la reconnaissance d’un vide, d’une absence radicale de satisfaction, qu’on accède à ce que signifie son Nom. Il n’est que de relire saint Jean de la Croix, sainte Thérèse et saint Ignace pour savoir ce qu’il en est du rapport de Dieu à notre désir: il n’y a personne qui réponde à la place où nous tentons toujours de le mettre (…). Ce qui se passe dans ce domaine est du même ordre que ce qui se passe entre l’homme et la femme. Penser que l’on pourrait obtenir dans le rapport avec Dieu cela même qui n’est pas obtenu dans le rapport à l’intérieur du couple, est une illusion. D’un côté comme de l’autre, la partie a le même enjeu: la reconnaissance du manque et la foi nue. ” Art. cit., Etudes, mai 2000, p. 704.