Comme les prophètes qui l’ont précédé, le Christ, cadeau magnifique du Père, a été rejeté. Pourtant, c’est ce don qu’il nous faut apprendre à accueillir.
* Dans quelle mesure peut-on dire que le Christ est un don de Dieu pour l’homme ?
Dans l’Évangile il existe des paraboles étonnantes, dont celle-ci : un propriétaire de vigne, avant de partir au loin, confia sa vigne à des vignerons. Quand vînt le temps de la récolte, il envoya des serviteurs chercher pour lui le produit de sa récolte ; mais les vignerons maltraitèrent et tuèrent ses serviteurs envoyés successivement. Finalement, le maître envoya son fils «en se disant : mon fils, lui, ils le respecteront». Au contraire, ils se débarrassèrent de lui carrément. (Marc 12, 1-12)
Cette parabole, il est clair que Jésus l’applique à lui-même, et les évangélistes le comprennent ainsi. Dieu, le Père créateur, cherche à obtenir de bons et beaux fruits de son uvre créatrice. Il cherche en permanence à associer les hommes à cette récolte, à la construction d’un monde bon et beau. Mais les porteurs de sa Parole, les témoins de sa bonté, ne sont pas bien reçus (les prophètes sont refusés), et ils sont au minimum peu écoutés, sinon tout à fait rejetés : leur vie est déjà un témoignage de don gratuit. Le Fils, en dernier, est envoyé ; il est donné comme un cadeau magnifique : Dieu lui-même consent à se présenter comme un homme parmi les autres. Abandon de souveraineté et don gratuit («Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu…» Philippiens 2, 6).
Mais lui aussi, sera refusé, condamné, exécuté. Sa vie est conforme à son message : il est venu pour dire que Dieu est Don, il donnera donc sa vie, puisque les paroles, les gestes de générosité ne suffisent pas à le faire comprendre ou admettre. Sa vie et son message seront en cohérence. Il dit le Don de Dieu, et il le montre.
* Qu’avons-nous à faire de ce don ?
Il existe une logique de l’existence qui nous est spontanée, familière : celle de l’appropriation. Pour vivre, pour être heureux, il faudrait avoir, avoir toujours plus, amasser, acquérir, prendre, augmenter. C’est une dynamique normale ; elle n’est pas vicieuse, au fond. Après tout, développer toutes ses potentialités c’est bon pour l’homme, culturellement, spirituellement autant que matériellement.
Ce qui est vicié, c’est l’oubli du don fondamental, du Don premier sans lequel il n’y aurait rien à développer. Ce qui est vicié, c’est de penser que tout cela est fait pour moi, pour mon groupe, pour mon peuple, pour les forts, pour les intelligents, pour ceux qui savent en profiter. Tout montre aujourd’hui que c’est là, dans le désir d’appropriation, que se trouve le germe de toute violence et donc de tout malheur.
Le secret du bonheur se trouve dans l’acceptation du don («Qu’as-tu que tu n’aies reçu?» 1 Corinthiens 4, 7). Et dans la transformation progressive de soi-même en don pour les autres. Jésus a suivi ce chemin, le premier parfaitement, sans rien retenir pour lui-même. Il t’invite, il m’invite à vivre avec lui ce chemin. Bonne route.